Intervention de Michel Vaspart

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 13 novembre 2019 à 9h30
Déplacement d'une délégation de la commission en nouvelle-calédonie — Communication

Photo de Michel VaspartMichel Vaspart :

J'évoquerai pour ma part les sujets des risques naturels et de la mise en place du parc de la mer de Corail.

Sur le premier point, la Nouvelle-Calédonie est exposée à de nombreux risques majeurs comme les cyclones (un à deux par an), les tsunamis mais aussi les mouvements de terrain. Les séismes représentent également un risque important, en particulier pour les îles Loyauté et peuvent atteindre une magnitude maximale de 8.

L'érosion côtière est aussi un sujet de préoccupation et j'y suis particulièrement sensible, vous le savez. La situation est préoccupante, notamment sur l'île d'Ouvéa, qui est l'un des plus grands atolls du Pacifique avec 54 km de long, et sur l'île des Pins. Des protections pour les habitations ont été mises en place sur le littoral et l'État accompagne ces collectivités à travers un prêt « vert » au secteur public, porté par l'Agence française de développement (AFD). La Communauté du Pacifique, plus ancienne organisation de coopération régionale en Océanie, qui regroupe vingt-six États et territoires, est mobilisée sur ce sujet à travers le projet RESCCUE (restauration des services éco-systémiques et d'adaptation au changement climatique), qui est en phase opérationnelle depuis 2015 et soutient les pays et territoires océaniens dans la gestion des zones côtières. L'objectif est d'améliorer la résilience de ces territoires et de maintenir des activités qui dépendent de la biodiversité (pêche, tourisme etc.). Le risque de voir apparaître des « réfugiés climatiques français » est donc établi aujourd'hui et nous devrons veiller à intégrer l'ensemble des territoires ultramarins dans la réflexion sur l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

La question des feux de forêt m'a particulièrement touché. Ce risque est présent sur l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie et c'est l'une des principales causes de la dégradation des milieux naturels. Une fois brûlées, les formations forestières laissent place à une végétation secondaire (savane, maquis), qui favorise la récurrence des feux. La forêt sèche aurait ainsi perdu 90 % de sa superficie originelle et cette proportion atteint 60 % pour la forêt humide. En 2017, 13 000 ha ont brûlés. Les chiffres dont je dispose pour la saison 2018 font état de 266 départs de feu pour une superficie brûlée de 6 511 ha mais les associations de protection de l'environnement que nous avons pu rencontrer ont fait état d'un chiffre global plus préoccupant de l'ordre de 20 000 ha brûlés par an. Il n'y a pas de Canadair, sur un territoire pourtant très vaste. En Corse, il y en a trois.

Sur ce sujet, j'ai été surpris de constater que l'île des Pins, très exposée, est la seule commune de l'archipel à ne pas s'être dotée d'un centre communal d'incendie et de secours (CIS). La gestion des incendies repose sur la solidarité locale, les moyens de la brigade de la gendarmerie et l'acheminement de moyens de la direction de la sécurité civile, présents à Nouméa, à savoir des hélicoptères bombardiers d'eau et, le cas échéant, des moyens militaires de l'État.

Les règles régissant les terres coutumières, qui représentent environ 25 % du foncier néocalédonien, limitent les tentatives d'institution de servitudes d'urbanisme. À ce jour, on ne peut pas dire que le territoire ait engagé une véritable politique de prévention des risques naturels majeurs. La province Sud a adopté une délibération en 2006 prescrivant l'élaboration de cartographies des risques inondations mais ces documents ne constituent pas des plans de prévention des risques naturels (PPRN) dans la mesure où ils n'instituent pas de servitudes d'urbanisme ni de mesures de sauvegarde précises pour les populations. Un avis du Conseil d'État, rendu en octobre 2017, a précisé la question des compétences de chaque échelon d'action publique (gouvernement, provinces, communes). Sous réserves d'arbitrages futurs, la direction de la sécurité civile devrait porter cette politique avec le gouvernement, en commençant par l'élaboration de données cartographiques sur les risques mais l'institution de PPRN(s) n'est pas envisagée à ce stade.

S'agissant du parc naturel de la mer de Corail et de la surveillance de la zone économique exclusive (ZEE), nous avons pu en discuter avec Philippe Germain, membre du gouvernement, ainsi qu'avec des représentants du comité scientifique du parc et plus largement avec l'ensemble des acteurs que nous avons rencontrés.

Le parc naturel de la mer de Corail a été créé par arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en 2014. Il couvre l'intégralité de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie, qui relève du gouvernement calédonien, mais pas les eaux situées à l'intérieur des lagons, qui relèvent de la compétence des provinces. Cet espace sera, à terme, l'un des cinq plus grands parcs marins au monde, avec plus d'1,3 million de km2 en superficie. Il permettra à la France de satisfaire aux objectifs dits « d'Aichi », qui font partie du plan stratégique des Nations unies pour la diversité biologique, adopté lors de la conférence mondiale sur la biodiversité de Nagoya en 2010.

Le comité de gestion du parc est co-présidé par le Haut-commissaire de la République et par le président du gouvernement. Le plan de gestion du parc a été adopté au printemps 2018, avec des objectifs qualitatifs. Dans ce cadre, un quart des récifs et lagons associés ont été classés en réserve intégrale, dans laquelle toute activité humaine est interdite sauf la surveillance, la sauvegarde de la vie en mer et la recherche et trois quarts des récifs sont classés en réserve naturelle, avec accès sur autorisation du gouvernement. Des travaux sont par ailleurs en cours pour protéger les monts sous-marins, à proximité de la fosse des Nouvelles-Hébrides et des îles hautes Walpole, Matthew et Hunter.

Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie fait partie des vingt-quatre lauréats du projet « territoires d'innovation », annoncés par le Premier ministre en septembre dernier. Sur l'enveloppe globale de 450 millions d'euros, la Nouvelle-Calédonie devrait bénéficier de 15 millions d'euros pour le développement du parc et des moyens de surveillance. Il s'agit de mobiliser toute la gamme des innovations en matière de surveillance maritime (bouées intelligentes, drones sous-marins, systèmes d'alerte précoce pour les catastrophes naturelles).

Plus largement, je crois à une surveillance mutualisée entre l'ensemble des acteurs de la mer, les pêcheurs, les plaisanciers, qui pourraient faire remonter des informations aux services. Le renforcement de la gouvernance est aussi un sujet et il faut atteindre une vision partagée et concertée de la biodiversité marine, en associant l'ensemble des acteurs au niveau local, régional et international.

Le niveau de protection très élevé dont fait l'objet ce parc impose de réfléchir à l'ambition globale et à son réalisme. La surveillance du parc de la mer de Corail est une nécessité pour éviter le pillage de nos ressources aquacoles et les atteintes aux écosystèmes, qui sont un bien précieux pour l'humanité. C'est une des conditions de réussite de ce projet.

Lors du CIMer 2018, le Premier ministre avait rappelé l'engagement du Gouvernement pour maintenir la souveraineté française dans ces espaces. C'est pourquoi je souligne la nécessité pour la Nouvelle-Calédonie et l'État de mobiliser des moyens à la hauteur des enjeux, en particulier s'agissant de la surveillance de ce parc de la mer de Corail. La dotation des Forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC) pourrait être revue à la hausse.

En complément, j'ai eu l'occasion d'aller en Polynésie française dans le cadre de la mission commune d'information sur le sauvetage et la surveillance de la ZEE est un sujet qui me préoccupe. Les ressources halieutiques sont menacées, avec des filets dérivant sur des kilomètres, qui sont pour certains chinois.

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