Je vous ferai part de plusieurs observations relatives à l'économie circulaire et à la gestion des déchets en Nouvelle-Calédonie, avec un acteur très présent, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), puisque trente-huit projets sont conduits en matière d'économie circulaire, dont vingt-huit concernent la gestion des déchets.
S'agissant de l'économie circulaire et de la lutte contre les plastiques, il faut reconnaître que l'ambition de la Nouvelle-Calédonie est supérieure à celle de la métropole, comme nous avons pu le constater dans le cadre de nos échanges avec les membres du Congrès. La loi du pays du 21 janvier 2019 a prévu quatre échéances pour interdire progressivement tous les plastiques à usage unique. Notre déplacement coïncidait avec l'entrée en vigueur d'une mesure emblématique, au 1er septembre 2019, à savoir l'interdiction des gobelets, verres, tasses, assiettes, couverts, pailles à boire, cotons tiges et touillettes en matières plastiques jetables, sauf usages médicaux. Par ailleurs, à compter du 1er mai 2020, les barquettes en plastiques jetables destinées à l'emballage de denrées alimentaires seront également interdites, sauf celles compostables et intégralement constituées de matières biosourcées. Cette interdiction s'appliquera à compter du 1er mai 2022 pour les barquettes en plastiques jetables destinées au préemballage des denrées alimentaires, avec la même exception pour les produits compostables ou intégralement biosourcés.
Toutes les mesures prises par le Congrès sont complétées par une obligation d'information du consommateur sur la composition et l'utilisation des sacs, à l'aide d'un marquage, ainsi que par un cadre de contrôle et de sanctions, au sein duquel les services des douanes interviennent, pour garantir l'effectivité du dispositif.
Second point : la gestion des déchets. C'est l'un des grands défis des territoires calédoniens et de leur développement durable, du fait des évolutions démographiques et des modes de vie et de consommation. En 2017, la production de déchets ménagers représentait plus de 100 000 tonnes sur l'archipel.
Nous avons eu l'occasion de visiter la nouvelle installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) de Lifou, qui doit remplacer un centre d'enfouissement technique exploité depuis 2000 et dont les capacités sont presque épuisées. Les travaux ont commencé en avril 2019 et devraient durer un an. Les installations accueilleront les déchets ménagers et assimilés pour une orientation vers la filière la plus adapté. Une plateforme de stockage, broyage et compostage des déchets verts est mise en place ainsi qu'une installation de stockage pour les déchets ultimes ne pouvant être valorisés techniquement et ou économiquement. La couverture des casiers de stockage est ensuite végétalisée. Ces installations sont implantées sur un site de près de 2 ha, dont la capacité de stockage demeure toutefois limitée, avec 75 000 m3 nets de déchets stockables et une durée de vie de trente ans.
Les communes calédoniennes se mobilisent sur ce sujet avec des modes d'organisation variables : huit communes sur les trente-trois que compte l'archipel assurent la collecte et le traitement en régie. La majorité d'entre elles a donc choisi de confier cette compétence en tout ou partie à un syndicat intercommunal. Il en existe six au total, dont quatre en province Nord et deux en province Sud.
La collecte en porte-à-porte des ordures ménagères hors encombrants, déchets verts et recyclables, est généralisée et la majorité des communes couvrent 100 % du territoire. Certaines tribus isolées, comme en province Nord ou dans les îles Loyauté, font l'objet de ramassages annuels du fait de leur éloignement. Les communes organisent également un apport volontaire pour les encombrants et les déchets verts et elles mettent à disposition un site dédié, proche des lieux d'habitation. Les déchets valorisables, à savoir les canettes aluminium, le verre, le papier et le carton sont presque systématiquement collectés en apport volontaire. Seule la commune du Mont-Dore pratique la collecte de ces déchets en porte-à-porte. La gestion des déchets organiques directement par les ménages peut également être encouragée, comme c'est le cas en province Nord, pour des raisons sanitaires et compte tenu d'un temps de stockage pouvant être long avant collecte. La collecte dans des zones reculées, notamment les tribus, pose néanmoins la question de la péréquation financière globale, pour assurer l'équilibre du système de gestion.
L'agence française de développement (AFD) et l'Ademe ont mené une étude qui fait état de plusieurs éléments positifs, notamment une progression incontestable du service de collecte des déchets assuré par les communes.
Partout sur le territoire, les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND ou ISD) et les centres d'enfouissement et de stockage de déchets (CESD) se développent. Globalement, il y a aujourd'hui sept ISDND, conformes à la réglementation, et encore huit dépotoirs. En province Sud, l'installation de Païta a été mise en service en 2007 et une autre est active côté Est. En province Nord, trois installations sont en service et d'autres en projet mais l'on y compte encore des dépotoirs. Dans les îles Loyauté, les trois communes possèdent chacune une installation de stockage des déchets aux normes, gérées par la province. Les dépotoirs ferment dès lors qu'une installation est mise en service et sont réhabilités. Certaines difficultés sont à relever dans les relations avec les autorités coutumières et la signature de l'acte coutumier pour la déchetterie de l'île de Maré a été lente à cet égard. Pour autant, certaines tribus ont pris ce sujet à bras-le-corps pour d'évidentes raisons sanitaires.
Plusieurs points appellent une vigilance renforcée. L'étude AFD/Ademe fait notamment état d'un manque de compétences localement et de difficultés de financement pour un secteur qui connaît des coûts croissants. La gestion des véhicules hors d'usage et de certains déchets réglementés par le code de l'environnement doit encore être améliorée dans certaines provinces où ils sont simplement laissés à l'abandon. L'établissement d'inventaires, l'identification des propriétaires et la recherche de prestataires prêts à intervenir dans ces zones éloignées sont des facteurs de difficultés.
Le code des communes de Nouvelle-Calédonie pose le principe de l'autonomie financière des services publics industriels et commerciaux mais très peu de collectivités disposent d'une connaissance fine des coûts liés à la gestion des déchets et leur équilibre financier n'est pas garanti. Pourtant, de nombreuses possibilités de financement existent, que ce soit avec les contrats de développement, ou encore avec le fonds exceptionnel d'investissements créé en 2009. Le fonds de soutien aux actions de lutte contre les pollutions, spécifique à la Nouvelle-Calédonie, peut également être mobilisé, de même que des financements provinciaux, des soutiens de l'Ademe et de l'AFD, le programme régional océanien pour l'environnement mais aussi des appels à projets lancés par l'Union internationale pour la conservation de la nature ou par l'Union européenne. Par ailleurs, le recyclage en est encore à ses débuts avec des filières qui ont du mal à s'organiser. Globalement, je pense que nous pouvons dire qu'il y a une volonté forte de traiter cet enjeu et une vraie prise de conscience de son importance à tous les niveaux d'action publique en Nouvelle-Calédonie.