Intervention de Olivier Dussopt

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 30 octobre 2019 : 1ère réunion
Audition de M. Olivier duSsopt secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics sur la fonction publique territoriale et sur les finances locales

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur la fonction publique territoriale et sur les finances locales :

Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais tâcher de répondre à vos deux interrogations.

La fiscalité locale reste un sujet complexe, même si nous avons voulu le simplifier. Le Président de la République a pris un engagement se traduisant par la décision de supprimer la taxe d'habitation. Nous sommes aujourd'hui, dans le cadre de la loi de finances, sur un débat qui ne porte pas sur l'opportunité de la décision, mais sur la compensation de la recette perdue par les collectivités. Après des travaux de concertation et le rapport sur la refonte de la fiscalité locale d'Alain Richard et de Dominique Bur, un schéma a été défini. Il se traduit par l'affectation de la fraction départementale des taxes foncières sur les propriétés bâties aux communes. Au-delà des communes et des intercommunalités, dont il fallait assurer la compensation, il convient donc également d'assurer une compensation pour les départements. Nous avons choisi de ne pas créer de nouvel impôt et donc de financer cette diminution d'impôt pour les ménages par des économies de l'État pour assurer la soutenabilité de la perte de recettes pour la fiscalité nationale, notamment sur la TVA.

Les départements seront compensés par l'attribution d'une fraction de la TVA qui sera calculée en 2021 sur la base des valeurs locatives de 2020 et le taux pratiqué par les départements en 2019. Nous avons retenu le taux de 2019 pour les départements car, lorsque la loi de programmation a été votée fin 2017, les départements n'étaient pas concernés par la question de la taxe d'habitation et peuvent légitimement prétendre ne pas avoir pu prévoir d'être privés de cette part de taxe foncière. Conformément à la loi votée en première partie par l'Assemblée nationale, nous proposons d'ajouter à cette compensation de 15,1 milliards d'euros la première année une enveloppe supplémentaire de 250 millions d'euros de TVA, qui pourrait être répartie sur les mêmes bases que l'actuel fonds de stabilisation qui s'élève lui à 135 millions d'euros. Un progrès est réalisé en termes de fonds de secours. L'objectif est que les 15,1 milliards d'euros de compensation soient attribués à l'euro près et puissent bénéficier de la dynamique de la TVA et que les 250 millions d'euros soient attribués sur les critères du fonds de secours ou de stabilisation.

Une question se pose aussi pour les régions qui bénéficient d'une fraction de frais de gestion sur la taxe d'habitation, à hauteur de 300 millions d'euros. Avec la suppression de la taxe d'habitation, les frais de gestion disparaissent. Ces 300 millions d'euros seront compensés aux régions par des dotations.

J'en viens aux intercommunalités. Elles seront compensées, comme les départements, par une fraction de TVA. Au même titre que les intercommunalités, nous compensons par une fraction de TVA la Ville de Paris qui, du fait de son statut particulier, ne peut pas se voir attribuer la taxe foncière des départements puisque, depuis le 1er janvier 2018, ville et département ne font qu'un.

Le total de taxes d'habitation perdues par les communes sur les résidences principales s'élève à 16 milliards d'euros, alors que le total de taxes foncières des départements s'établit à 15,1 milliards d'euros, ce qui représente donc un écart de 900 millions d'euros, dont 650 millions d'euros sont déjà traités par la TVA pour la Ville de Paris traitée. Les 250 millions d'euros manquants seront l'objet de frais de gestion pour que l'intégralité des recettes de compensation aux différentes collectivités soit de nature fiscale.

Les communes bénéficieront donc de la taxe foncière des départements, à des niveaux parfois supérieurs à ce que la commune perçoit en taxe d'habitation : un coefficient correcteur sera alors appliqué. Si la commune perçoit 80 de taxe d'habitation et que le département perçoit 100 de taxe foncière, un coefficient de 0,8 s'appliquera pour une compensation intégrale. Cette compensation sera calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, revalorisées de manière forfaitaire, et sur la base du taux pratiqué en 2017, conformément à la loi de programmation pluriannuelle 2018-2022. Les communes surcompensées se verront prélever à la source et bénéficieront ensuite d'un pouvoir de taux sur la totalité de la taxe foncière et de l'évolution des valeurs locatives. Les communes sous-compensées verront la recette de taxe foncière des départements majorée par un versement réalisé par l'État. Ce versement transitera par le compte d'avances, de nature fiscale, et sera financé, pour l'essentiel, par le prélèvement sur les communes surcompensées. Le système sera ainsi équilibré, ce qui en garantit la pérennité et la durabilité. Par expérience, quand l'État compense une exonération de fiscalité, il vaut mieux qu'il le fasse avec de la recette fiscale inscrite en compte d'avances plutôt qu'avec des allocations de compensation qui peuvent ensuite diminuer sans suivre l'évolution des valeurs locatives. À titre d'information, j'ai transmis, pour publication et transmission au Parlement, le rapport demandé l'an dernier, dans le cadre du dernier projet de loi de finances, sur le bilan des exonérations et des compensations des exonérations promises par l'État.

La taxe d'habitation est toutefois maintenue pour les résidences secondaires, avec un pouvoir de taux dans les mêmes conditions qu'actuellement. Nous maintenons également la possibilité d'une majoration des taxes sur les logements vacants. La taxe de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) sera ventilée sur la cotisation foncière des entreprises, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, ce qui représente une recette de 150 millions d'euros et un impact par feuille d'impôt de 4 à 10 euros, selon la nature du contribuable, ce qui nous paraît acceptable.

Pour la contribution à l'audiovisuel public, le débat n'est pas tranché, entre l'adossement à l'impôt sur le revenu ou d'autres formes de contribution. Le point est en cours de discussion avec le ministère de la Culture.

Enfin, les taxes additionnelles sur la taxe d'habitation pour financer des établissements publics fonciers locaux seront compensées par la dotation, à hauteur de 200 millions d'euros à l'échelon national.

Nous avons acté deux dispositions. La première vise à dire que, si une commune actionne le pouvoir de taux, la recette fiscale née du pouvoir de taux à la hausse lui sera versée intégralement, sans coefficient correcteur appliqué au surplus de recettes, pour que les élus soient politiquement responsables de la totalité de la recette qu'ils génèrent. L'État prend un risque de distorsion dans l'hypothèse où les bases des communes sous-compensées évolueraient plus vite que les bases des communes surcompensées. Ce risque systémique est toutefois très faible et n'a jamais été vérifié au cours de la période récente : il se traduirait par une perte pour l'État de quelques dizaines de millions d'euros par an, sur un modèle de compensation à 25 milliards d'euros, ce qui est acceptable. Le second point : 25 700 communes sont surcompensées et 10 300 communes sont sous-compensées. Pour l'essentiel, les communes surcompensées sont rurales et petites ou périphériques, alors que les communes sous-compensées sont plutôt urbaines ou en situation de centralité. Dans 7 300 communes, la surcompensation est inférieure ou égale à 10 000 euros. Nous avons décidé de ne pas appliquer le coefficient correcteur à ces communes et de leur laisser, le bénéfice de ces quelques milliers d'euros supplémentaires, l'État prenant à sa charge la perte induite.

Le second sujet est celui de la fonction publique territoriale. En premier lieu, je tiens à préciser qu'un tiers des articles est d'application immédiate et est donc déjà entré dans le droit en vigueur. Nous veillerons à ce que tous les décrets d'application soient publiés pour respecter les dates d'entrée en application prévues par la loi. Une cinquantaine de décrets sera donc publiée avant le 15 janvier, ce qui nous permet de conserver une marge de manoeuvre notamment pour tenir compte du rythme de travail du Conseil d'État.

Quelques décrets sont étudiés spécifiquement par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale sur l'élargissement des recrutements en contrat, sur les emplois de directions ou encore sur les questions liées à l'apprentissage. Un point essentiel est celui du financement de l'apprentissage. Nous regardons dans quelle mesure le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) peut faire face à cette nouvelle obligation de financement de 50 % des contrats d'apprentissage. L'année 2020 ne pose pas de difficultés puisqu'il s'agit d'une montée en puissance ou d'un amorçage qui représente un engagement de quelques millions d'euros pour le CNFPT, ce qui ne remet pas en cause son équilibre financier.

Pour les années suivantes, nous travaillons sur deux grandes pistes en vue de compenser cette compétence, appuyées sur un préalable qui consiste à estimer, de manière précise et partagée, le coût de la compétence en matière de financement de l'apprentissage dans les collectivités. Les premières estimations s'élevaient à plus de 50 millions d'euros. Or, les métiers les plus ouverts à l'apprentissage dans la fonction publique territoriale s'avèrent être ceux pour lesquels les coûts annuels de formation sont bien inférieurs à la moyenne des coûts de formation calculée par France Compétences. Nous nous accordons donc aujourd'hui sur un coût de 24,5 millions d'euros pour le CNFPT. Nous travaillons actuellement sur deux options et le CNPFT a formulé une proposition qui ne nous agrée pas pour le moment.

La première piste consiste à améliorer le taux de recouvrement de la cotisation du CNFPT puisque ce taux n'atteint pas 100 %. Depuis 2019, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale recouvre les cotisations du CNFPT et nous considérons que nous pouvons espérer entre 8 et 12 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Nous travaillons également avec le CNFPT sur la rationalisation de dépenses et sur la révision de certaines formations, comme celle de la police municipale puisque les dispositions votées par le Parlement transforment ce modèle. Le CNFPT sollicite un versement annuel de 10 millions d'euros par France Compétences, ce qui ne nous convient pas pour le moment puisque nous sommes convaincus que nous pouvons boucler le financement de l'apprentissage sans rechercher de l'argent auprès de France Compétences, qui est financée par la taxe d'apprentissage, payée par les seules entreprises du secteur privé. Nous ne souhaitons pas reconduire ce modèle, sachant que les régions étaient jusqu'ici amenées à financer la formation de l'apprentissage dans les collectivités en s'appuyant sur la taxe d'apprentissage, alors que les employeurs publics ne la paient pas.

Nous travaillons avec le CNFPT ; nous sommes d'accord pour convenir que 2020 n'est pas une année compliquée en la matière et que nous avons donc le temps pour rechercher des solutions alternatives.

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