Intervention de Gérard Larcher

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 novembre 2019 : 1ère réunion
Rencontre avec les élus locaux d'outre-mer : échanges en présence de m. gérard larcher président du sénat

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, Président du Sénat :

Je ne sais pas si je pourrai vous répondre totalement, mais je prends note attentivement de vos questions, afin qu'elles nourrissent les travaux du Sénat et alimentent les échanges que je peux avoir, en tant que président du Sénat, avec l'exécutif.

La surrémunération des fonctionnaires d'État outre-mer n'est pas un sujet nouveau, même s'il n'a pas été abordé par le Président de la République - j'ai vérifié ses propos - lors de sa visite à La Réunion. Cette question n'est pas simple. Elle est aussi le fruit d'une sédimentation du temps. Je comprends le sentiment d'iniquité entre deux personnes qui font le même travail. Si nous voulons résoudre le problème, nous devons le traiter d'une manière à la fois exigeante et sereine, sinon nous n'y parviendrons pas.

La surrémunération contribue aussi à la cherté de la vie. À La Réunion, par exemple, le niveau des prix est comparable à celui de la petite couronne de région parisienne, alors que les revenus ne sont pas comparables. Je vais m'emparer de ce sujet, dont j'entends parler depuis que je suis parlementaire et dont il était aussi question lorsque j'étais ministre du travail, même si l'outre-mer relevait davantage du ministère de l'outre-mer.

Vous avez aussi posé la question de l'application du code rural dans les collectivités territoriales d'outre-mer. Le Président de la République s'est engagé à lancer une nouvelle étape - j'allais dire « génération » - de la décentralisation qui concernerait l'ensemble des collectivités territoriales : communes, intercommunalités, départements, régions, etc. Je crois d'ailleurs que seule une nouvelle génération de la décentralisation permettra de sortir de la crise latente dans laquelle notre pays est plongé, la seule manière de rétablir la confiance, avec un État centré sur ses grandes missions régaliennes et garant de l'équité, tandis que les territoires s'organiseraient autour des principes de subsidiarité et de proximité.

Seul un texte de décentralisation parviendra à répondre à la question de la différence de traitement pour les PLU entre les communes métropolitaines et d'outre-mer que vous évoquez. L'enjeu est de briser la défiance, car celle-ci, soyons honnêtes, est sous-jacente. Nous sommes en train d'y travailler au Sénat. Je l'annoncerai mercredi à l'Assemblée des maires de France, confirmant mes propos devant l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France. J'en ai parlé avec le Premier ministre vendredi. Le texte est à peine engagé au niveau de l'exécutif. Comme pour la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, nous allons faire des propositions. Le Gouvernement souhaite renforcer la déconcentration. L'État territorial que l'on a affaibli - et j'étais dans la majorité lorsque l'on l'a affaibli ! - doit retrouver de la force : on a besoin d'un État territorial fort, plutôt que de renvoyer tous les problèmes à des agences lointaines qui décident en lieu et place des collectivités. Le triptyque doit être celui-ci : décentralisation, déconcentration et différenciation. Mais si l'on ne révise pas la Constitution, on ne pourra guère aller beaucoup plus loin sur ce dernier point.

Le maire de Fort-de-France a évoqué un écart des dotations de 85 millions d'euros. Ce chiffre est avancé par le CFL, mais les analyses de l'AMF font état de 100 millions de plus... Cette question devient incontournable et mérite que nous l'examinions de toute urgence.

Le Président de la République s'est engagé à résorber l'écart de 85 millions en cinq ans. Il a réaffirmé cet engagement lors de son déplacement à La Réunion. Nous devons veiller à ce que cet engagement se traduise concrètement. Mais nous devons aussi nous entendre sur le vrai chiffre. Les dotations de péréquation des communes d'outre-mer sont regroupées en une seule dotation, la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom). Son montant mis en répartition est calculé en tenant compte d'une majoration favorable du rapport démographique entre l'outre-mer et la métropole, ce qui n'est pas sans incidence sur la Martinique, par exemple. Nous devrons donc prendre en compte ce critère.

La variation de la population est forte en Guyane ou à Mayotte. Aussi, parfois, les territoires sont victimes du départ de leurs forces vives, problème que nous connaissons bien aussi dans certains départements de métropole. Certains de nos concitoyens ont ainsi le sentiment d'être oubliés, abandonnés, dans ce que je définissais au Président François Hollande comme « une France d'à côté ». Ceux qui se sont retrouvés sur les ronds-points n'étaient pas tous mus par le désir de violence. Avec Michel Vaspart, nous en avons rencontré à Lamballe, au coeur de la Bretagne : il s'agissait de personnes ayant l'obligation de se déplacer, avec des revenus extrêmement modestes, qui n'y arrivaient plus financièrement et qui avaient le sentiment d'être oubliés par la République. Ce sentiment existe bel et bien, que l'on habite dans le centre de la Bretagne ou en Martinique !

La question des cinquante pas géométriques est un sujet complexe. La délégation avait publié un rapport sur le foncier et l'urbanisme. La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer comportait un certain nombre de mesures. La question que vous évoquez est celle du traitement de situations particulières héritières du temps. Pour les résoudre, un pouvoir d'appréciation s'impose de la part de ceux que j'appelle des « préfets simplificateurs ». Certains préfets ont la capacité d'ajuster et d'adapter les règles. Pour le reste, je n'ai pas la réponse aujourd'hui.

Je dirai un mot sur l'octroi de mer. L'octroi de mer représente 43,5 % des recettes fiscales des communes en Guadeloupe, 47,1 % en Martinique, 45,7 % en Guyane, 36 % à La Réunion et 76,5 % à Mayotte. Une réponse intelligente et pragmatique s'impose donc ! Tout traitement approximatif aboutira à une catastrophe. Et je n'ai pas mentionné la part départementale ni régionale de l'octroi de mer, mais, pour la seule collectivité de la Martinique, il représente un montant de 197 millions d'euros. Il n'est pas ici question de l'épaisseur du trait, c'est une part importante des recettes fiscales des collectivités. Il faudra aussi veiller à ne pas réduire l'autonomie fiscale et financière des collectivités. La compensation par des dotations entraîne une perte du levier fiscal. Souvent, on le sait bien, elle ne dure pas plus que les roses au printemps... Il vaut mieux tenir que courir !

Telles sont les réponses imparfaites que je pouvais vous faire. En tout cas, soyez assurés que nous prenons bonne note de vos questions. La Délégation sénatoriale à l'outre-mer mènera une réflexion sur les questions financières et fiscales. J'aimerais, et je sais que Michel Magras y sera attentif, que ce travail s'effectue en lien avec la commission des affaires européennes du Sénat. J'espère que nous pourrons avancer avec la nouvelle Commission européenne. L'ordre du jour sera chargé : nous aurons aussi à traiter la question des régions ultrapériphériques ou des pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Le départ du Royaume-Uni entraînera une baisse d'un tiers du nombre des PTOM en Europe. Le nombre de pays concernés par ces sujets se réduira donc d'autant à Bruxelles. Cela aura des incidences. Les autorités françaises doivent donc se mobiliser, à tous les niveaux, y compris au niveau du Parlement, pour soulever la question auprès de la Commission.

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