Entre les déclarations d'intention et les actes, je nourris une certaine inquiétude au regard des premiers pas de la présidente élue de la Commission européenne. En effet, la mise en oeuvre du « green deal » exigerait une majorité politique qui, il me semble, n'existe ni au sein de la Commission, ni au Conseil, ni au Parlement. Il conviendra donc d'observer l'évolution des rapports de force au sein de ces institutions. Ceux-ci détermineront les compromis qui pourront être passés entre la Commission, le Conseil, et les quelques pays qui résistent au verdissement des politiques. Par ailleurs, un « green deal » efficace exigera la mobilisation de l'ensemble des outils financiers. Il conviendra ainsi de réorienter l'ensemble de la politique de la BCE et de la Banque européenne d'investissement. Cette réorientation devra également porter sur les politiques publiques, la PAC, la politique industrielle, et l'ensemble du plan InvestEU. Il faudra aussi interroger les règles de la concurrence. En effet, pour mener une véritable politique environnementale, nous devrons disposer d'acteurs industriels majeurs dans le domaine de l'énergie, du transport et du numérique. Or, les règles de la concurrence nous en empêchent aujourd'hui.
L'Union européenne devra également se poser la question de ses accords commerciaux. Il n'est en effet pas logique « d'importer » le carbone dont nous ne voulons pas chez nous. Il faudra donc nous assurer que les accords à venir prendront en compte la question climatique, afin de passer des ambitions aux actes.
Enfin, la question du codéveloppement apparaît essentielle. En effet, les efforts aujourd'hui consentis en la matière par l'Union européenne, mais également par ses États membres, et notamment la France, apparaissent très insuffisants. Pour garantir la prise en compte de l'enjeu climatique, il nous faut accompagner le développement de l'Afrique, et ne pas laisser la Chine seule y investir massivement. Si nous ne le faisons pas, d'autres problèmes se poseront, notamment migratoires, mais également en termes d'échanges économiques.
Comme beaucoup d'entre nous, je suis ravi du discours de la présidente élue de la future Commission européenne, mais perplexe quant à son effectivité. Il serait à cet égard utile de recevoir Frans Timmermans, qui ne dispose pas nécessairement des moyens de mener les politiques dont il a la charge. Nous verrons donc s'il lui sera possible de les obtenir.