Intervention de Marie Mesnil

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 28 novembre 2019 à 10h15
Audition commune sur les conséquences de l'extension de l'assistance médicale à la procréation sur le droit de la famille

Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit privé à l'Université de Rennes 1 :

Il faut avoir en tête que la solution proposée aujourd'hui est une solution amoindrie, qui concerne uniquement les couples de femmes. Mais le rapport intitulé Filiation, origines, parentalité - Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, du groupe de travail « Filiation, origines, parentalité » présenté par Irène Théry et Anne-Marie Leroyer en 2014, et précédemment le rapport intitulé Accès à la parenté : assistance médicale à la procréation et adoption publié par Terra Nova en 2010, proposaient initialement une refonte de la filiation sur le modèle de l'adoption pour tous les enfants conçus par don de gamètes. L'idée était de faire en sorte que leur filiation traduise le recours à ce don, pour remettre en cause le secret.

Or nous nous trouvons face à un mode d'établissement de la filiation qui a été pensé pour révéler le recours au don de sperme ou d'ovocytes, mais qui n'est appliqué qu'aux couples de femmes - seuls à même de ne pas pouvoir cacher le recours au don de gamètes. Leurs enfants pourront donc plus facilement s'ils le souhaitent solliciter la commission ad hoc pour obtenir des informations sur le donneur.

Toutefois, l'accès à la connaissance des origines est ouvert dans le projet de loi à toute personne ayant été conçue par don de gamètes, ce qui suppose de savoir préalablement que l'on a été conçu ainsi.

Peut-être faudrait-il éclaircir ce point dans le texte de loi, pour que toute personne qui le souhaite ait la possibilité de solliciter la commission afin de savoir si elle a été conçue par don de gamètes avant même de demander des informations sur l'identité d'un éventuel donneur. Cette commission pourrait alors être utilisée comme voie d'accès à un registre.

En revanche, la solution consistant à étendre le mode d'établissement de la filiation à tous les enfants conçus par don de gamètes, qui révélerait leurs conditions de conception, soulève la question importante du respect du secret médical. Ce n'est pas la place du recours au don de gamètes de figurer à l'état civil. Ce n'est pas le rôle de la filiation que de traduire l'existence ou non d'un don de gamètes. Il s'agit d'une confusion contre laquelle il faut se battre.

Certes, une inégalité se présente, mais elle résulte simplement d'une différence de situations. Les enfants ne sont pas placés dans la même situation dans l'un et l'autre cas.

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