Intervention de Jean-René Binet

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 28 novembre 2019 à 10h15
Audition commune sur les conséquences de l'extension de l'assistance médicale à la procréation sur le droit de la famille

Jean-René Binet, professeur de droit privé à l'Université de Rennes 1 :

Le projet de loi n'offre pas de place particulière à la question de l'assistance amicale à la procréation. Car cette question est hors du droit. Soit les conditions posées par la loi sont remplies et les conséquences peuvent en être tirées, soit les individus se placent hors du droit et ne peuvent alors espérer tirer les conséquences prévues pour d'autres situations.

Le projet pourrait envisager néanmoins cette question, mais cela impliquerait la mise en place d'une sorte de système optionnel. En ce cas, soit les couples auraient recours au don de gamètes dans un centre, soit ils trouveraient dans leur cercle amical une personne susceptible de les aider.

Le risque serait alors de voir jouer l'article 323 du code civil, qui interdit toute renonciation aux actions en filiation par anticipation. Rien n'empêcherait celui qui a donné amicalement ses gamètes de revendiquer sa paternité sur l'enfant. Pour l'instant, ces questions sont telles qu'elles existent, c'est-à-dire hors du droit.

Serait-il possible d'étendre aux couples de femmes la présomption de paternité prévue à l'article 312 et la reconnaissance de paternité prévue à l'article 316 ? Non, car en l'état toutes deux sont fondées sur la vérité - une vérité qui n'a pas besoin d'être démontrée, mais qui servira d'arbitre en cas de contentieux. En cas de contentieux - reconnaissance mensongère, contestation de la filiation à l'égard du mari de la mère, etc. -, c'est la preuve biologique qui servira à arbitrer. Nous ne pouvons donc pas étendre simplement ces deux règles aux situations dont nous parlons. Car cela impliquerait de revoir toutes les actions relatives à la filiation. C'est la cohérence du titre VII qui est ici en jeu.

S'agissant du droit au secret des parents ou du droit de l'État à interdire le secret, j'avoue ne pas avoir de réponse pertinente à donner.

Par ailleurs, penser la multiparenté dans le cadre de l'adoption reviendrait à poser la même question que le fait de la penser dans le cadre de la filiation du titre VII. Nous sommes toujours dans le paradigme d'un double lien de filiation. Et penser la multiparenté conduirait à sortir de ce cadre. Je crois donc qu'il faut penser les choses globalement, et ne pas imaginer que le fait de penser cette question dans le cadre de l'adoption pourrait tout régler - sauf à l'envisager au sens de l'adoption simple, où l'on maintient les liens de l'enfant à l'égard de sa famille d'origine tout en lui offrant des liens à l'égard de sa famille adoptive.

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