Intervention de Marie Mesnil

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 28 novembre 2019 à 10h15
Audition commune sur les conséquences de l'extension de l'assistance médicale à la procréation sur le droit de la famille

Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit privé à l'Université de Rennes 1 :

Pour le moment, personne n'a proposé de faire de la volonté le fondement principal de la filiation du titre VII. Quelles places respectives donne-t-on à la volonté et à la biologie ? On ne peut pas nier que, dans un certain nombre de cas, les enfants sont procréés par leurs parents. Mais quid des autres ? Depuis 1994, les lois bioéthiques encadrent la situation dans laquelle un couple a recours à un don de sperme : jusqu'au moment où les embryons sont implantés, le père est libre de retirer son consentement ; mais une fois que le processus biologique est enclenché et s'il aboutit, son acte de volonté devient irréversible. Le consentement au recours au don de gamètes, donné devant notaire, rend sa paternité inattaquable - sauf à démontrer que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation. Ce couple hétérosexuel dans lequel l'homme est stérile est dans la même situation, au regard de l'assistance médicale à la procréation, qu'un couple lesbien qui a également besoin de recourir à un don de sperme. On pourrait donc établir la maternité de la seconde femme dans les mêmes conditions, sans qu'elle puisse remettre en cause cette filiation qui repose uniquement sur un fondement volontariste.

Le titre VII fait reposer la filiation à titre principal sur la vraisemblance biologique - ce qui ne signifie pas vérité biologique. Mais sortir les enfants conçus par don de gamètes du titre VII, c'est faire comme si la filiation de ce titre reposait uniquement sur la vérité biologique, ce qui est strictement faux. Le système se veut équilibré et permet d'établir des filiations qui existent socialement ; ce n'est que dans les cas contentieux que l'on ira chercher le géniteur. Dans l'hypothèse exposée par Monsieur Binet, l'homme verra sa paternité établie, mais la femme n'est pas obligée de dire qui est le géniteur ; elle peut très bien choisir de laisser le lien de filiation libre, pour éventuellement qu'il soit comblé par une personne avec qui elle fera sa vie et qui jouera le rôle de père ou de mère auprès de l'enfant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion