Intervention de Patrick Berg

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 21 novembre 2019 à 15h30
Audition de M. Patrick Berg directeur régional de l'environnement de l'aménagement et du logement de normandie

Patrick Berg, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie :

Monsieur le président, c'est pour moi un honneur de pouvoir rendre compte, devant votre commission d'enquête, du service public que je dirige et des moyens qui sont mis à ma disposition. Il est toujours utile de pouvoir expliquer comment fonctionne un service public pour éclairer nos concitoyens.

La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de Normandie rassemble 500 personnes et, dans cet ensemble, l'inspection des installations classées requiert l'intervention d'un peu plus d'une centaine de fonctionnaires. La Dreal de Normandie procède de la fusion, en 2016, de la Dreal Haute-Normandie et de la Dreal Basse-Normandie, qui résultaient elles-mêmes de la fusion des anciennes directions régionales de l'industrie de la recherche et de l'environnement (Drire), qui s'occupaient de ce sujet avec les anciennes directions régionales de l'environnement (DIREN) et les anciennes directions régionales de l'équipement (DRE), elles-mêmes enrichies de la partie maîtrise d'ouvrage routière des directions départementales de l'équipement (DDE).

Je dirige un service qui réunit des femmes et des hommes engagés dans le service public et dont je suis très fier. J'estime qu'ils font très bien leur travail, notamment les inspectrices et les inspecteurs d'installations classées. Les Dreal comptent 10 000 fonctionnaires. Nous sommes quant à nous 500. J'affirme que nous avons fait notre travail, et je souhaite vous le démontrer.

Même si ce point n'a pas toujours été mis en avant - je pense cependant que le préfet l'a évoqué devant vous -, cet accident très impressionnant n'a fait aucun mort ni aucun blessé. Certains ont fait le rapprochement avec l'accident d'AZF qui, en 2001, a fait 31 morts, 2 442 blessés et rendu 11 200 logements inhabitables. Je considère pour ma part qu'il ne s'agit pas d'une réplique d'AZF.

La législation préexistante à AZF et postérieure a été très utile pour éviter que l'incendie de Lubrizol génère des conséquences aussi graves et je signale ici deux exemples à l'appui de cette affirmation. On dénombrait 21 PPRT en Normandie - cinq en Basse-Normandie, 16 en Haute-Normandie. Le PPRT de Lubrizol a été prescrit le 6 mai 2010 et approuvé le 31 mars 2014. Je précise que pour les sites Seveso présents sur le territoire en 2003, au moment de la publication de la loi consécutive à AZF, ces PPRT consistaient à réduire les risques à la source.

Dans le cas de Lubrizol, il a alors été demandé à l'exploitant de supprimer deux cuves de gaz de pétrole liquéfié (GPL) présentes sur le site, l'une entre le hangar 4 et hangar 5, l'autre près de la rue de Madagascar. Ce type de cuve est à l'origine d'un accident dramatique à Feyzin, en 1966, qui a provoqué 18 morts. Le processus à éviter est le suivant : l'incendie se rapproche de la cuve puis celle-ci s'ouvre en deux et une boule de feu en sort, ce qui provoque ensuite des ravages. Le préfet de la Seine-Maritime, sur proposition de la Dreal, a donc prescrit l'enlèvement de ces cuves et leur remplacement par des dispositifs d'une ampleur beaucoup plus limitée. Je suis convaincu que cette prescription a joué un rôle très important pour éviter des morts et des blessés dans l'accident du 26 septembre : on a rarement l'occasion d'en faire état et je profite de l'occasion qui m'est donnée pour le rappeler. En second lieu, nous avons demandé la suppression d'un stockage d'acide chlorhydrique. Son maintien aurait obligé les pompiers à travailler sur deux fronts, avec l'incendie devant eux et le stockage d'acide chlorhydrique derrière. Je me félicite que ce stockage ait également été supprimé.

Je pense donc que le PPRT a été un facteur très important pour maîtriser les risques associés à cet accident et pour parvenir au résultat selon lequel on ne déplore aucun mort ni aucun blessé.

Les textes européens transcrits en droit français sur les études de danger constituent également un élément important. Une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) doit être exploitée en toute sécurité mais ce n'est pas l'État qui la fait fonctionner. Ce type d'installation implique des risques technologiques chroniques, comme les rejets dans l'air et dans l'eau, et des risques technologiques accidentels. Lorsqu'un accident survient, il existe un protocole applicable à toutes les Dreal : une équipe se réunit en préfecture dans le cadre d'une cellule de crise, une équipe se rend sur le site et une équipe est mobilisée à la Dreal pour examiner les études de danger.

On compte, chez Lubrizol, cinq études de danger correspondant à cinq secteurs différents. L'étude de danger du secteur « utilité et stockage » était disponible, bien à jour, et donnait une vision très précise des produits stockés dans l'entrepôt, ainsi que du panache de fumée susceptible d'être généré par un incendie. Cela nous a permis, dès quatre heures du matin, d'indiquer aux pompiers, à la préfecture et à l'ensemble des parties prenantes sur site, y compris mes propres collaborateurs, qu'il n'y avait pas de danger toxique au sol. L'effet toxique se situait dans le panache, avec un maximum de toxicité à 100 mètres de hauteur et dans un rayon de 1 340 mètres de distance.

J'en viens à votre interrogation : trente-neuf inspections en sept ans, est-ce utile ? Les circulaires recommandent de se rendre au moins une fois par an sur un site classé Seveso. Quant aux ICPE soumises à simple déclaration, les visites interviennent sur simple signalement. Nous sommes allés 39 fois sur le site à cause de l'accident de 2013, qui a nécessité un accompagnement extrêmement resserré de l'exploitant. Ces 39 visites d'inspection ont eu des thèmes successifs, à commencer par l'amélioration de la capacité de l'usine à maîtriser les odeurs. Nous avions également constaté en 2013 qu'il était nécessaire de travailler sur la réactivité et la proactivité. Plusieurs plans d'opération interne (POI) ont été réalisés à notre demande, certains inopinés et d'autres programmés. Enfin, nous avons, bien entendu, travaillé sur la sécurité incendie.

Ce nombre d'inspections peut paraître important, mais il faut savoir que nous nous rendons très souvent sur des sites Seveso de cette nature.

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