Intervention de Patrick Berg

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 21 novembre 2019 à 15h30
Audition de M. Patrick Berg directeur régional de l'environnement de l'aménagement et du logement de normandie

Patrick Berg, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie :

Ce site relève d'un arrêté préfectoral extrêmement récent, en date du 24 juillet 2019, qui prévoit une obligation de disposer d'un débit de 360 mètres cubes pendant 2 heures, soit 720 mètres cubes. Or l'exploitant s'est doté d'une réserve d'eau de 2 000 mètres cubes, très supérieure à la prescription réglementaire qui lui est applicable : il est donc en conformité.

D'autre part, l'exploitant nous a informés spontanément qu'il y avait en réalité, ce matin-là, 1 860 mètres cubes. Est-ce un manquement ? La réponse est non. Ils ont fait le choix d'un dispositif de 2 000 mètres cubes, largement dimensionné par rapport à l'obligation réglementaire, pour pouvoir mobiliser toute une série d'outils, de pompes et de dispositifs permettant d'être extrêmement puissants et concentrés en cas de départ d'incendie.

Pourquoi n'a-t-on pas détecté les défaillances ? Avant tout parce que les contrôles et les visites d'inspection incendie ont porté sur la zone de production centrale. Un site Seveso est classé seuil haut parce qu'il reçoit, en quantité supérieure au seuil, des produits très dangereux, soit inflammables, soit très toxiques pour l'environnement aquatique. Quand on visite un site Seveso seuil haut, on se focalise sur les endroits les plus dangereux.

Après la séquence dédiée aux odeurs, sujet très désagréable pour les Rouennais, en 2013, ainsi qu'en 1989, nous y sommes retournés à propos de la sécurité incendie. Nous avons constaté des lacunes et des défaillances. L'arrêté de mise en demeure du 25 avril 2017 avait constaté que, sur quatre points, impliquant notamment des liquides inflammables, l'organisation et les équipements ne permettaient pas à l'exploitant de respecter l'arrêté du 3 octobre 2010 relatif à ce type d'exploitation, impose de limiter à 20 minutes un départ de feu. Il nous fallait faire passer le message et l'entreprise a donc été mise en demeure, puis ces points ont été mis à jour en novembre 2018.

La zone de stockage incendiée comportait des produits combustibles qui ne sont pas inflammables. Sur les 5 000 tonnes qui ont brûlé, seules 12,75 tonnes de produits étaient inflammables, tout le reste étant des produits combustibles. Comment se fait-il que, sur un site où on trouve des produits inflammables et des produits combustibles non inflammables, le feu prenne non seulement du côté des produits combustibles mais aussi à l'autre bout ? Quand on regarde le rapport d'accident de l'entreprise voisine, on note que les déclenchements d'alarme sont intervenus en limite de propriété. Que s'est-il passé à cet endroit, où il n'y a pas de process de fabrication ? Cela peut donner lieu à un certain nombre de spéculations. Je mets cela en rapport avec des observations faites sur d'autres sites Seveso de Seine-Maritime : elles signalent des intrusions avec des grillages découpés à la cisaille, etc. Je n'ai pas d'éléments permettant d'être catégorique, mais je me pose la question, et je pense que le parquet doit se la poser également. Il est en tout état de cause légitime qu'un service d'inspection étudie les endroits où se trouvent les produits inflammables et les produits les plus toxiques pour l'environnement.

Certains se sont étonnés que la circulaire n'ait pas été appliquée en 2013 et je ne comprends pas bien ces prises de position. Cette circulaire indique quatre pistes de progrès : nous avons contribué à la rédiger et je la trouve très pragmatique car elle donne des pistes de travail et d'actions. En premier lieu, elle souligne qu'il est très important, en cas d'accident grave, que la Dreal locale se fasse aider par ses collègues. Le ministère a mis à notre disposition des agents de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) d'Île-de-France et de la Dreal des Hauts-de-France. En second lieu, la circulaire précise qu'il convient, pour que l'expertise ait un impact opérationnel et qu'on agisse vite, de disposer d'un appui sans faille au niveau central. Notre administration centrale a été extrêmement présente, ainsi que l'INERIS, qu'on a mobilisé dès le 26 septembre. Ce sont eux qui ont produit le document final, à la suite de nombreux échanges.

Troisièmement, la circulaire conseille une mutualisation des moyens entre industriels. Quelqu'un a déclaré que ceci n'a pas été mis en application. Mais la circulaire se situe plutôt sur un registre de conseils et d'expertises. Nous avons concrétisé ce volet avec les pompiers, sous l'autorité du préfet, et avec l'exploitant. Nous avons contacté les sites Seveso de Seine-Maritime qui détiennent des émulseurs, et ceux-ci nous ont été amenés, permettant de disposer de 96 mètres cubes au lieu des 27 mètres cubes de Lubrizol. Enfin, le dernier point de la circulaire porte sur le rôle des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air. Celles-ci ont apporté leur appui en matière de prélèvements. La circulaire a donc été appliquée.

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