Intervention de Jean-Yves Lagalle

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 21 novembre 2019 à 15h30
Audition du colonel jean-yves lagalle directeur du service départemental d'incendie et de secours de la seine-maritime sdis76

Jean-Yves Lagalle, colonel, directeur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime :

Aujourd'hui tel est bien le cas : on assigne aux entreprises Seveso des objectifs portant sur les débits d'eau, les moyens de secours et leur organisation, sans leur imposer des modalités précises.

J'insiste sur le fait que dans de très grands hangars portuaires, il n'y a souvent personne. Sous le vocable Seveso, on trouve une typologie assez variée d'usines, d'entrepôts et de lieux de stockage.

Les pompiers ont, avant tout, besoin immédiatement - dans la première demi-heure du déclenchement du sinistre - d'un interlocuteur fiable qui puisse engager la responsabilité de l'établissement pour constituer très vite des binômes entre pompiers et industriels : c'est fondamental sur le plan tactique.

Sur les sites dont le niveau de risque est le plus élevé, mais aussi sur les autres, la question du renforcement des services internes de pompiers mérite d'être posée. Aujourd'hui, il m'est difficile de répondre plus précisément à cette question mais on a pu bien constater l'efficacité des pompiers privés dans le cas de l'incendie de Lubrizol.

Nous avons également la chance de pouvoir compter, au sein des entreprises, sur des salariés qui sont également pompiers volontaires. Sans trop faire de publicité pour la profession que je représente, il faudrait développer leur recrutement car leur intervention immédiate peut suffire à résorber le sinistre. En effet, tout se joue dès les premières minutes.

Aujourd'hui le système de protection incendie repose très souvent sur des installations fixes, sans intervention humaine, mais lorsque celles-ci sont endommagées par un incendie et deviennent inopérantes, alors on peut faire appel à nous. Mais, en matière de risque Seveso, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier ou placer toute sa confiance dans des installations fixes.

De plus, à propos des conventions d'assistance, on constate à l'évidence que le feu ainsi que les fumées ne connaissent pas les frontières administratives et peuvent impacter l'ensemble d'un bassin de risque - c'est à cette échelle qu'il me parait pertinent d'assurer la mutualisation des moyens.

La question de la rétention soulève une véritable difficulté : réglementairement, les industriels doivent disposer de capacités de rétention suffisantes pour pouvoir récupérer leurs propres produits. Si, en plus, les pompiers interviennent avec leurs propres eaux d'extinction, on peut très vite saturer ces zones de rétention. Or, aujourd'hui, des moyens simples peuvent être mis en oeuvre pour créer des zones de rétention supplémentaires : les architectes savent organiser l'espace pour en aménager avec des pentes ou des trottoirs surélevés. Cela est d'autant plus souhaitable que nos eaux d'incendie deviennent des polluants. Comme cela s'est produit chez Lubrizol, j'ai d'abord donné la priorité à l'extinction de l'incendie tout en sachant que nous allions générer de la pollution. J'ai ensuite signalé au Préfet qu'il fallait gérer une alternative : en diminuant le débit d'eau on risquait d'augmenter le volume de feu et les projections de fumées. Heureusement, dès 11 heures nous avons pu nous appuyer sur les moyens du Port de Rouen et du plan Polmar. Par conséquent, j'estime souhaitable de prendre en compte dans les dispositifs de rétention non seulement les produits industriels mais également les eaux d'incendie des sapeurs-pompiers. Il est en effet difficile, dans l'urgence de l'action, de combattre plusieurs fronts - l'extinction et la pollution - à la fois.

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