Intervention de Marie-Pierre Monier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 novembre 2019 : 1ère réunion
Audition du professeur jean-marc ayoubi

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Je souhaiterais savoir quelles sont les conditions d'accès à la PMA en France pour les couples hétérosexuels. J'ai entendu dire qu'il y a un certain nombre de tentatives autorisées et qu'au-delà, la procédure est close. Y a-t-il une limite d'âge ? Je sais qu'il n'y a pas seulement des couples homosexuels parmi les couples allant à l'étranger, mais également des couples hétérosexuels ne pouvant pas suivre la procédure en France.

Je voulais revenir aussi sur les femmes seules ou les couples homosexuels qui désirent avoir des enfants et qui vont à l'heure actuelle à l'étranger. Cette situation m'inquiète. Comme vous le reconnaissez, notre système de soins français est l'un des plus performants. Je ne tiens pas compte des graves problèmes qui touchent l'hôpital et qui sont davantage liés à la question des moyens qu'au niveau d'expertise de nos médecins. Cela me préoccupe, car je fais justement confiance à notre système de santé. Des jeunes femmes se rendent actuellement à l'étranger et s'en remettent à un système de soins que nous ne connaissons pas. Partagez-vous cette inquiétude ?

Vous avez parlé de diagnostic génétique et nous avons bien compris qu'il était compliqué de l'appliquer à l'heure actuelle, alors que certaines grossesses ne vont pas à terme en raison d'un problème génétique. Ces diagnostics sont-ils possibles à l'étranger ? Est-ce qu'encore une fois la France est en retard sur le plan sociétal en n'autorisant pas cette pratique ?

Professeur Jean-Marc Ayoubi. - La prise en charge de la PMA en France est excellente à tous les points de vue, c'est-à-dire sur les plans médical, social et financier. En cas d'infertilité, la Sécurité sociale rembourse systématiquement quatre tentatives à 100 %. Ce n'est pas le cas dans tous les pays européens. Ainsi, trois tentatives sont prises en charge jusqu'à quarante ans en Allemagne, puis il revient au couple de financer les essais suivants. Chaque pays dispose donc d'une prise en charge différente. Nous ne sommes pas en dessous des standards européens, bien au contraire. Pourquoi quatre tentatives en France ? Je précise d'abord que, si une grossesse survient, le processus est annulé et le couple pourra par la suite recommencer la procédure à zéro si cette grossesse ne va pas jusqu'à son terme. Nous estimons qu'après quatre échecs, les chances de parvenir à une grossesse sont minimes. Malheureusement, ces quatre échecs surviennent surtout à des âges extrêmes, c'est-à-dire au-delà de quarante ans, où la fertilité a beaucoup diminué. Ces couples vont à l'étranger car les tentatives ne sont plus remboursées en France, mais également pour avoir accès à un don d'ovocyte lorsque la patiente n'a plus la possibilité de fournir des ovocytes en quantité et en qualité suffisantes. Il revient à chaque couple de prendre ses décisions avec son entourage, ce n'est pas à moi de les conseiller. Par conséquent, nous mélangeons des cas de figure très différents dans cette population allant à l'étranger. Dans certains cas, des dérogations sont données si nous estimons que les tentatives n'ont pas été faites dans de bonnes conditions. Nous adressons alors une requête bien documentée à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) afin de prendre en charge deux nouvelles tentatives et de donner ainsi une chance supplémentaire au couple.

Le diagnostic génétique préimplantatoire consiste en un prélèvement sur une cellule de l'embryon, de façon à identifier d'éventuelles aberrations chromosomiques. Cette technique, du point de vue de l'expertise, est réalisée en France depuis plus de trente ans dans le cadre d'indications médicales, pour éviter la transmission d'une maladie connue. Dans ces situations, nous réalisons un diagnostic génétique qui nous permet de ne transférer que les embryons sains. Cette procédure n'est en revanche pas permise en l'absence d'indications bien claires, comme une maladie létale ou de particulière gravité. Les grossesses arrêtées ou les échecs d'implantation ne sont pas considérés comme telles et ne constituent donc pas des indications médicales pour le diagnostic génétique. Nous avions réclamé, dans certains cas d'échecs répétés ou de grossesses arrêtées à répétition, chez les patientes âgés de plus de 38 ans et suivies dans un parcours de PMA, un diagnostic génétique préimplantatoire pour transférer les embryons sains afin de diminuer la durée du parcours et augmenter les chances de grossesses de ces patientes. Concernant le risque de dérive, on peut aujourd'hui affirmer que bien que la technique soit bien maitrisée en cas d'indication médicale, il n'y a eu aucune demande de sélection génétique pour convenance personnelle en trente ans. Nous avons en France des professionnels de santé très respectés et respectables qui travaillent dans le cadre de la loi républicaine, que vous contribuez à faire évoluer.

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