Nous entendons beaucoup parler de la montée de l'infertilité masculine, ce qui soulève des questions. Vous avez émis l'hypothèse que ces chiffres seraient la conséquence d'analyses plus fines et d'une connaissance plus précise aujourd'hui. Existe-t-il une étude qui comparerait l'évolution de l'infertilité ces cinquante dernières années ? J'ai le souvenir d'avoir toujours connu autour de moi des couples infertiles. Aujourd'hui, savons-nous si ces chiffres sont le reflet d'une réelle augmentation due à des facteurs environnementaux ou à d'autres facteurs liés à notre époque ?
Ensuite, on nous oppose, parmi les critiques de cette loi, le fait qu'elle consacrerait un « droit à l'enfant » décrit comme un égoïsme poussé à l'excès. De par votre expérience, pouvez-vous témoigner de ce que vivent ces couples et ces femmes et confirmer que nous ne sommes pas dans le registre du « droit à l'enfant » ? Votre témoignage sur ce point m'intéresse.
Par ailleurs, il me semble que l'information sur l'infertilité devrait se faire dès le lycée. Avez-vous pu établir des contacts avec l'Éducation nationale pour envisager d'intégrer cette question dans le programme de sciences de la vie et de la terre (SVT) par exemple ? Est-elle déjà abordée ? Peut-on améliorer l'information par ce biais, afin de toucher de nombreux jeunes ?
Enfin, nous sommes en difficulté pour légiférer autour du diagnostic génétique car on nous dit que toute loi peut être contournée. Il existe des exemples de dérive aux États-Unis, où des caractéristiques telles que le sexe et la couleur des cheveux pourraient être sélectionnées. Quel serait selon vous le cadre envisageable en accompagnement de cette mesure, tout en nous protégeant d'une forme d'eugénisme ?
Professeur Jean-Marc Ayoubi. - Vaste programme ! J'ai émis l'espoir que l'amélioration des techniques d'analyse soit en partie responsable de la baisse de la qualité du sperme. Il y a certes une baisse effective et multifactorielle de la qualité du sperme, mais peut-être pas aussi importante qu'on le craint. Cependant, cette baisse nous inquiète car nous n'avons pas de solution pour y faire face. De plus, elle touche l'ensemble de la population. Il s'agit davantage d'un cri d'alarme pour appeler à approfondir la recherche dans ce domaine. Les progrès réalisés en matière de PMA depuis quarante ans sont exceptionnels, avec des millions d'enfants nés grâce à cette pratique. En tant que praticien, je peux mesurer les avancées réalisées par la médecine de la reproduction. Nous pouvons donc rester optimistes et garder l'espoir que nous trouverons les moyens pour mettre un terme à cette dégradation.
Ensuite, cette notion de droit à l'enfant est délicate et, n'étant ni sociologue ni psychologue, je n'entrerai pas dans ce débat, qui mériterait par ailleurs une audition à part entière. Je peux en revanche témoigner de la souffrance réelle et sincère des milliers de patientes et de couples qui se tournent vers nous. La plupart des personnes concernées ignorent ce qu'est un parcours de PMA. Aussi, l'une des priorités du centre de l'Hôpital Foch est la facilitation du parcours de soins, indépendamment de la technicité et des outils ultraperformants que nous proposons à nos patients. Quoi que l'on fasse, il s'agit d'un parcours long, astreignant et angoissant. Notre souci quotidien est l'amélioration non seulement de nos résultats - encore inférieurs à ceux annoncés aux États-Unis dans les meilleurs centres, via la recherche, afin de réduire le recours à la PMA, mais aussi de notre parcours de soins afin de le rendre plus supportable pour les patients. Je peux témoigner qu'il existe une réelle souffrance. Lorsque je vois un couple qui a parcouru des centaines de kilomètres pour venir consulter et a attendu un certain temps pour avoir un rendez-vous, je perçois sa souffrance en l'écoutant dérouler son histoire et son parcours. Nous ne sommes pas seulement des techniciens : nous devons accompagner nos patients avec de l'empathie. Nous avons d'ailleurs associé dans notre centre une psychologue qui intervient à la demande des patients. Ces couples n'entreprennent pas un parcours de PMA pour faire comme tout le monde, mais sont animés par un réel désir.
J'ai beaucoup insisté sur l'information et la prévention. Je crois que l'information doit être multifactorielle et multidirectionnelle. Au lycée, elle est capitale et indispensable, puisque c'est alors que l'on enseigne aux jeunes la physiologie et la science de la vie et l'information et qu'ils peuvent comprendre le fonctionnement d'un cycle ovarien et la production de spermatozoïdes. Mais l'information sur le devenir de la fertilité à cet âge reste souvent inefficace, j'en veux pour preuve l'échec de l'information concernant la contraception, sensibilisation qui existe pourtant au lycée depuis longtemps, alors même que le nombre d'IVG reste quasiment constant depuis vingt ans. Ceci étant, je pense que l'information d'une manière générale doit être reconsidérée et adaptée à son époque et pour ainsi dire connectée.