Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon propos vous paraître un peu répétitif, mais je partage le constat des rapporteurs qui se sont exprimés précédemment : l’examen des crédits de la mission « Sécurités » est pour le moins décevant.
L’augmentation des moyens, avec une progression à hauteur de 3, 7 % en autorisations d’engagement et de 3, 9 % en crédits de paiement, ne se situe pas là où nous l’attendions.
S’agissant du budget des forces de sécurité, le Gouvernement s’entête dans un choix qui a pourtant fait les preuves de son inefficience, en renforçant les effectifs de police et de gendarmerie, d’un côté, avec la création de 1 888 emplois supplémentaires, tout en négligeant, de l’autre, leurs conditions de travail, avec des dotations de fonctionnement et d’investissement sous-budgétées.
Certes, le recrutement au sein de la police nationale et de la gendarmerie ne cesse d’augmenter, mais à quel prix et dans quel but ? À lire les observations du rapporteur spécial de la commission des finances, je ne suis guère rassurée : « l’évolution des dépenses de personnel des programmes “Police nationale” et “Gendarmerie nationale” n’apparaît ni soutenable ni maîtrisée ».
La commande purement politique de ces schémas d’emplois apparaît même largement contre-productive et en totale inadéquation avec les besoins de nos forces de l’ordre, puisque, si les dépenses de fonctionnement et d’investissement sont en diminution, atteignant un niveau plancher, cela résulte toujours, selon le rapporteur spécial, « du dérapage des dépenses de personnel ».
Pour compenser la hausse des effectifs et les mesures d’accompagnement des policiers en 2020, monsieur le ministre de l’intérieur, vous taillez donc dans les dépenses d’équipement et d’investissement des forces de l’ordre, alors même que la hausse des dépenses de personnel du ministère de l’intérieur avait déjà été sévèrement taclée par la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget de 2018.
Les magistrats mettaient même en garde contre un effet de ciseau obligeant la place Beauvau à sabrer dans les budgets d’équipements, au risque d’affecter la capacité opérationnelle des troupes.
En outre, il conviendrait de mieux écouter les professionnels eux-mêmes. Je rappelle que les plus de 20 000 policiers descendus dans la rue le mois dernier manifestaient non pas pour une revalorisation des effectifs, mais bien pour une amélioration de leurs conditions de travail et la défense de leurs retraites, ainsi que pour une loi de programmation ambitieuse pour un service public de qualité.
Or les dépenses de fonctionnement en autorisations d’engagement diminuent de 16 %, quand les dépenses d’investissement chutent de 23 %. Il est clair, monsieur le ministre, que votre réponse à leurs attentes est, pour le moins, à côté de la plaque – passez-moi l’expression…
L’augmentation des dépenses de personnel est loin d’empêcher la persistance d’un climat délétère, surtout au sein de la police nationale, et la prégnance de risques psychosociaux, dont témoigne, tragiquement, le nombre record de suicides dans la profession.
Ce grand malaise résulte aussi – je ne cesse de le répéter – de la perte de sens du métier ressentie par nombre d’agents de nos forces de l’ordre. Ce problème, monsieur le ministre, aurait pu trouver une réponse partielle dans la création de votre fameuse police de sécurité du quotidien, mais celle-ci, malgré les 350 contrats opérationnels de protection conclus, semble une coquille vide : qu’en est-il, réellement, des objectifs atteints par cette police ? Je m’interroge grandement et je pense ne pas être la seule…
Je m’interroge également sur le budget envisagé pour la sécurité civile de notre pays, compte tenu de la stagnation inquiétante des crédits alloués à ce programme – moins de 2, 5 % du total des crédits de la mission. Ces professionnels, si indispensables, sont dans l’attente d’améliorations importantes de leurs conditions de travail.
Les sapeurs-pompiers, eux aussi, ont exprimé leur légitime colère dans la rue, avec les représailles déplorables que l’on connaît. Vos réponses, monsieur le ministre, consistant à reporter les décisions sur les collectivités territoriales, ne répondent pas aux attentes. La revalorisation de la prime de feu, par exemple, aurait constitué une première réponse, très attendue, à la souffrance des pompiers, confrontés à un écart grandissant entre l’accroissement des missions et la stagnation des effectifs.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Sécurités », dont la hausse ne répond qu’à une commande politique d’augmentation des effectifs, au détriment de conditions de travail qui ne cessent de se détériorer. Monsieur le ministre, les professionnels sont à bout de souffle !