Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a toujours plusieurs façons de regarder un budget.
J’ai choisi une approche modeste et décidé de le considérer comme un bon budget. Est-il parfait ? La réponse est non.
En la matière, il faut voir d’où nous venons. J’ai entendu un certain nombre de remarques, parfois contradictoires : les demandes de nos gendarmes et policiers de voir leurs effectifs renforcés sont évoquées, et l’on nous reproche ensuite, dans la même intervention, de les avoir entendues. On nous explique donc que le titre II augmente trop fortement tout en nous reprochant une dynamique insuffisante sur le hors titre II…
Pour examiner un budget, il est important de s’inscrire dans la durée, comme l’avait fait remarquer Gérard Collomb. Si l’on pose une base 100 en 2007, entre 2007 et 2012, le hors titre II s’est effondré de 100 à 88 pour la gendarmerie nationale et de 100 à 83 pour la police nationale. A-t-on profité des moyens dégagés pour recruter ? Non ! Je ne rappellerai pas que 12 500 postes ont été supprimés durant cette période. Or, malgré ces suppressions, sur la même base, le coût de nos policiers a été porté à 105 et celui de nos gendarmes à 110.
Pour juger un budget, il faut donc prendre en compte son histoire, sa dynamique, sa cohérence. En l’occurrence, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons augmenté de 10 % en trois exercices les moyens alloués à nos policiers et à nos gendarmes. Et pour le prochain exercice, la dynamique sera encore supérieure à celle de cette année ou de l’année dernière. Telle est la réalité !
Est-ce suffisant pour autant ? Non, par rapport au retard qui est le nôtre ou au mal-être, bien réel, de nos forces de sécurité intérieure. Travaillant quotidiennement avec ces hommes et ces femmes, je ne dis pas autre chose chaque fois que je les rencontre, eux ou leurs représentants syndicaux.
Parfois, quand on est en responsabilité, on a de la mémoire ; on sait d’où l’on vient. Aujourd’hui, le budget du ministère de l’intérieur est l’un de ceux qui connaissent la plus forte hausse parmi tous les budgets de la Nation que vous avez l’occasion d’examiner.
Est-ce suffisant ? Je le redis, la réponse est non. Notre pays connaît de graves tensions face à une menace terroriste qui s’est durement rappelée à nous, face à une délinquance qui continue de sévir et de s’adapter, face au maintien de l’ordre en pleine mutation, face aux flammes, face aux risques. Nous n’avons cessé d’agir sur tous les fronts.
Vous avez évoqué tous ces aspects de la réalité vécue par nos concitoyens, qui sont accompagnés chaque jour par nos forces de sécurité policières ou civiles.
Il est essentiel de bien garder à l’esprit que la sécurité, c’est d’abord l’affaire des femmes et des hommes qui servent les Français. Comme vous, je veux, pour commencer mon propos, saluer l’engagement de nos policiers, de nos gendarmes et de nos sapeurs-pompiers, qui garantissent chacun, dans l’exercice de leurs missions, la protection et la liberté des Français.
Ce budget de 13, 8 milliards d’euros consacré à la sécurité connaît une augmentation majeure, à près de 518 millions d’euros – 13, 2 milliards d’euros sont alloués à la police et à la gendarmerie, en hausse de 4 %. Il s’agit d’un milliard d’euros en plus depuis 2017, soit une hausse extrêmement sensible, qui nous permet de poursuivre notre politique de recrutement, avec près de 10 000 postes supplémentaires prévus au cours du quinquennat pour nos forces de sécurité intérieure.
Certes, cette politique de recrutement avait commencé sous un gouvernement précédent, dès 2015, pour rattraper les retards accumulés. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, avec les 2 000 emplois que je vous propose de créer dans ce budget, nous reviendrons à peine à l’étiage de 2007.
Oui, la vie de nos forces de sécurité intérieure, sur le terrain, est difficile. Pour la police, en plein accord avec les organisations syndicales, le protocole du 19 décembre 2018 a permis une augmentation de salaire de plus de 100 euros nets par mois et l’ouverture de négociations qui avaient trop tardé sur le temps de travail, sur le maintien des postes dans les territoires et sur la gestion des heures supplémentaires.
Comment peut-on dénoncer ici les suicides de policiers, expliquer combien cette situation est terrible, et me reprocher d’améliorer le pouvoir d’achat de nos forces de sécurité ? Je pense qu’il faut un peu de cohérence et qu’il serait bon que nous la portions ensemble.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends votre décision de ne pas voter le budget, mais j’ai de la mémoire : les premières heures supplémentaires qui n’ont toujours pas été payées remontent à 2005 ! On peut dresser la liste de tous les gouvernements concernés et avoir la modestie de reconnaître, comme moi, que ce budget n’est pas aussi mauvais que cela, même s’il peut être insuffisant sur certains sujets. Nous avons agi en dégageant 50 millions d’euros à la fin de cet exercice, pour payer 3, 5 millions d’heures supplémentaires.
Je ne me contente pas de faire en sorte de payer une partie de notre dette vis-à-vis de nos policiers. Nous mettrons en place, dès l’année prochaine, un dispositif qui permettra de susciter moins d’heures supplémentaires que nous paierons sur le même exercice, pour la première fois, avec une ligne budgétaire dédiée de 26, 5 millions d’euros.
Avec 150 000 policiers, nous aurons forcément une nouvelle dette d’heures supplémentaires. Nous allons mettre en place une nouvelle organisation du temps de travail, pour limiter l’augmentation et le stock de ces heures supplémentaires. Il s’agit d’une première.
Nous nous occupons aussi des conditions de travail des policiers. Alors que ceux-ci n’avaient qu’un week-end de libre toutes les six semaines, ils auront désormais un week-end de trois jours toutes les deux semaines et un mercredi sur deux.
On peut évoquer les suicides de policiers à cette tribune, mais on peut aussi se donner les moyens d’agir pour diminuer la terrible pression que nos fonctionnaires subissent. Dès que je suis arrivé en responsabilité au ministère de l’intérieur, j’ai dit ne plus jamais vouloir entendre qu’un suicide n’était pas lié aux conditions de travail. Nous savons tous qu’il existe de multiples facteurs déclenchants, mais il y a aussi des causes profondes liées aux conditions de travail. Le taux de suicide de nos policiers et de nos gendarmes a atteint un taux record l’année dernière. De grâce, faisons preuve de cohérence et adoptons une vision globale, celle que j’essaie de porter.
Oui, nous avons fait le choix du porte-monnaie : 87 % des crédits accordés à la police sont des dépenses de personnel, allouées aux créations de postes et au pouvoir d’achat. Je l’assume.
Nous mettons en place des réformes structurelles pour accompagner ce mouvement : l’amélioration du rythme de travail n’aura pas d’impact sur la présence des policiers dans la rue. Certains d’entre vous ont évoqué des réformes suspendues ou partiellement mises en œuvre, qui auraient eu un coût significatif, de l’ordre de près de 30 %, en termes de baisses d’emplois. Nous avons cherché, avec les organisations syndicales, des solutions.
Ce budget doit permettre de poursuivre le recrutement de 1 465 policiers supplémentaires en 2020 et d’améliorer leurs conditions de travail. Si nous avons privilégié les salaires, les crédits d’investissement et de fonctionnement ne sont pas en reste. Soyons sérieux, tous ensemble, et examinons l’évolution des budgets à périmètre constant.
Nous avons procédé à de grandes créations dans ce budget, notamment celle de la Direction du numérique. Les crédits qui passent d’un budget à un autre, notamment ceux qui sont consacrés à cette nouvelle direction, ne se traduisent pas nécessairement par des baisses de crédits ; en l’espèce, ce n’est pas le cas.
Nous avons prévu de consacrer 55 millions d’euros dans le budget de la police à l’achat de 2 500 véhicules neufs, soit 25 % de plus que durant les années précédentes, jusqu’en 2017.
Des moyens supplémentaires seront également alloués au Schéma national de l’ordre public et à la lutte contre les stupéfiants, qui bénéficient pour la première fois dans ce budget de lignes de crédits spécifiques – respectivement 5 et 10 millions d’euros –, notamment pour doter l’Ofast de moyens techniques d’investigation.
En ce qui concerne la gendarmerie nationale, nous avons suivi le même raisonnement : l’augmentation résolue des crédits ira en priorité à la solde. En effet, j’ai souhaité que l’ensemble des sous-officiers de la gendarmerie nationale profite des négociations que j’ai conduites avec les partenaires sociaux de la police nationale.
Le budget de la gendarmerie s’élève à 5, 5 milliards d’euros, soit près de 80 millions d’euros de plus qu’en 2019. L’année 2020 sera importante en matière de création d’emplois et d’investissements, notamment avec le financement de 2 000 voitures.
En outre, je veux rappeler à ceux qui ont évoqué les chiffres de 2019 que l’année n’est pas encore terminée : compte tenu des déblocages de crédits que j’ai obtenus, 500 voitures supplémentaires seront commandées pour nos gendarmes d’ici à la fin de l’année.