Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pression migratoire que connaît notre pays doit être appréhendée avec lucidité et nous impose d’agir en responsabilité, car nous ne pouvons ignorer les préoccupations qu’elle suscite chez nos compatriotes.
Bien sûr, elle interroge notre histoire, nos valeurs et notre modèle d’intégration, dans un contexte de crise économique et identitaire.
Bien sûr, la France peut et doit s’honorer d’accueillir celles et ceux qui sont persécutés dans leur pays d’origine, mais avec dignité et dans le cadre d’un parcours d’intégration clairement défini.
Bien sûr, cette question ô combien majeure ne date pas de 2017, et les réponses ne peuvent être franco-françaises ; il faut les envisager aussi dans le cadre européen, qui doit, d’ailleurs, être repensé. De même, pour éviter tout dumping migratoire, il est souhaitable d’aligner l’ADA à l’échelle européenne. C’est une proposition de notre collègue Henri Leroy, à laquelle je m’associe.
Sur ce sujet, la réflexion relative à la réforme de l’aide médicale d’État (AME) a été lancée par le Premier ministre, et notre collègue Alain Joyandet en a proposé une traduction dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Si le Gouvernement tente de répondre au défi migratoire, il faut aller encore plus loin dans la lutte contre l’immigration illégale et le détournement massif du droit d’asile. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie tarde à montrer ses effets, alors que les récentes propositions du Premier ministre conduiront nécessairement à la faire évoluer et ne répondent qu’à la partie émergée de l’iceberg.
La hausse des crédits, pour la troisième année consécutive, dans le contexte budgétaire que nous connaissons va indéniablement dans le bon sens. Mais est-elle suffisante pour faire face à ces deux priorités ?
Les 129 millions d’euros d’augmentation des crédits de la mission budgétaire seront, en réalité, absorbés en totalité par les 139 millions d’euros d’augmentation des crédits consacrés au droit d’asile. En outre, les crédits de paiement de la lutte contre l’immigration clandestine s’effondrent de 26, 39 %, alors que c’est d’abord sur ce terrain qu’il nous faut porter nos efforts.
Enfin, qu’il me soit permis, cher Jérôme Bascher, de témoigner en tant qu’ancien président du conseil départemental de l’Oise. Lorsque j’occupais ces fonctions, j’ai pu mesurer très concrètement la pression migratoire, non pas seulement dans les préfectures, mais aussi dans nos collectivités, et le coût qu’elle représente au détriment d’autres politiques tout aussi indispensables et urgentes.
À ce titre, le système de prise en charge des mineurs étrangers isolés ou non accompagnés est au bord de l’implosion, faute d’une politique publique à la hauteur. Depuis trop longtemps, l’État laisse les départements faire face seuls à une situation intenable : toujours davantage de prise en charge et toujours moins de moyens.
La réforme de la fiscalité locale, qui affaiblit les finances départementales, réduira encore davantage leurs marges de manœuvre, déjà quasi inexistantes. La responsabilité juridique des présidents de départements sur ce sujet est d’autant plus inquiétante qu’ils sont obligés de la prendre en charge au détriment, parfois, d’autres enfants du département qui sont eux aussi en situation de détresse. Cela m’avait donné à l’époque de véritables sueurs froides, je puis vous l’assurer.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois du Sénat a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission. Je partage l’analyse du président Philippe Bas sur la nécessité absolue de repenser notre politique d’immigration sur le fond.
En effet, si notre pacte social implique que nous pouvons choisir qui accueillir sur notre sol, notre modèle républicain nous impose de le faire dans des conditions décentes, afin de garantir un parcours d’intégration réussi. Le nier, c’est faire le lit du communautarisme et du multiculturalisme, qui diluent la Nation.