Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », le ministère de l’intérieur met en œuvre trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l’exercice des droits des citoyens, assurer la présence et la continuité de l’État sur le territoire, mettre en œuvre à l’échelon local les politiques publiques nationales. De fait, cette mission interroge les moyens que se donne l’État pour répondre à un double enjeu : celui de la démocratie et celui de la proximité.
S’agissant des moyens, la mission change d’échelle, avec une augmentation a priori de ses crédits de 50 %, mais, pour reprendre l’expression précédemment utilisée à cette tribune, il s’agit d’une présentation en trompe-l’œil, puisque la hausse résulte du transfert d’un programme qui était précédemment sous la responsabilité du Premier ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis, la lisibilité, qui est pourtant une exigence constitutionnelle, n’en est pas facilitée.
Au-delà de cette vision faussée par le réaménagement du périmètre de la mission, ce qui nous interroge, c’est la partie de la mission qui concerne directement les territoires. Nous estimons qu’elle confirme l’érosion des moyens consacrés à l’administration territoriale de l’État.
L’administration territoriale de l’État est désormais concernée par le cadre du programme de réformes « Action publique 2022 », qui vise à dessiner une nouvelle organisation déconcentrée. S’il est prévu un mouvement de balancier vers les départements, des efforts budgétaires importants sont demandés aux administrations déconcentrées. Certes, l’État doit se recentrer et en finir avec un réflexe « touche-à-tout », dont il n’a plus les moyens – nous sommes tous d’accord sur ce point –, mais il ne peut pour autant se désengager complètement des territoires au prétexte d’une dématérialisation, qui accroît le sentiment d’éloignement de l’administration à l’égard de nos citoyens.
Nous considérons que la dématérialisation des procédures est indispensable. Toutefois, le baromètre du numérique indique qu’un Français sur trois n’a pas eu recours à l’e-administration en 2017. Pour sa part, France Stratégie évalue à 14 millions le nombre de Français éloignés du numérique.
C’est bien parce qu’il est nécessaire de prendre en compte la fracture numérique et « l’illectronisme », au regard du principe républicain d’égalité devant le service public, que la stratégie nationale pour un numérique inclusif a été actée en 2018. Il serait d’ailleurs opportun que nous disposions d’une évaluation de cette démarche.
Dans le même ordre d’idées, avec les maisons France Services, une nouvelle labellisation, s’appuyant principalement sur les maisons de services au public (MSAP), est créée, notamment dans la perspective d’un service public 100 % dématérialisé. Très sincèrement, nous ne pouvons pas croire que ces nouvelles maisons, qui ne le sont pas vraiment, puisque les premières qui ont été labellisées sont en fait des structures déjà financées en partie par les départements et les collectivités territoriales, servent de prétexte au délestage de l’État, notamment de la direction générale des finances publiques (DGFiP), sur les collectivités locales, alors qu’est affirmé un « nouveau modèle d’accueil de proximité de l’État ». Là encore, l’avenir nous dira ce qu’il en est.
La mission aborde également la question du rapport entre l’État et les collectivités locales. Il ressort que des efforts budgétaires sont demandés, notamment sur le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités. Malgré le resserrement des actes à transmettre au contrôle de légalité, quelles seront les conséquences de l’extension du rescrit administratif aux collectivités prévue dans le projet de loi Engagement et proximité ?
De même, l’affectation de 30 équivalents temps plein à la future Agence nationale de la cohésion des territoires nous laisse quelque peu songeurs.
La question que nous posions l’année dernière reste d’actualité : quelle est la doctrine territoriale de l’État ? Il ne nous reste plus qu’à espérer que le projet de loi dit 3D – décentralisation, différenciation, déconcentration – nous apportera les éclaircissements nécessaires. À nos yeux, la présence dans les territoires est fondamentale.
Je ne saurais conclure mon propos sans évoquer l’amendement que le groupe socialiste et républicain a déposé. Cette mission budgétaire a notamment pour objet de mettre en œuvre la responsabilité que constitue la garantie de l’exercice des droits des citoyens. Pour ce qui nous concerne, nous pensons qu’il est essentiel de faire connaître ces derniers. À cet égard, il serait légitime que des moyens soient déployés pour faire connaître le référendum d’initiative partagée, notamment celui sur la privatisation d’Aéroports de Paris, et les droits constitutionnels qui s’y rattachent.
En outre, à la suite de notre saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP), il nous semble nécessaire de prévoir les crédits que requiert l’organisation d’un débat public autour de ce référendum. Nous estimons que celui-ci coûterait un peu moins que le grand débat. Dès lors, je suis convaincue que le Gouvernement ne saura nous trouver trop dispendieux !