Troisièmement, nous avons constaté, avec tous les témoignages entendus, et en suivant de près ce dossier, que la neutralité de l'opérateur Kosc a fait son succès auprès de ses clients et a été l'élément fondamental permettant de proposer une nouvelle offre face aux opérateurs intégrés. La neutralité implique de ne pas être présent à la fois sur le marché de gros et sur le marché de détail : les opérateurs intégrés, présents sur les deux, auront évidemment naturellement tendance à privilégier leurs propres intérêts sur le marché de détail et à faire des offres peu intéressantes économiquement sur le marché de gros, in fine au détriment des PME. Je rappelle les propos des dirigeants de sociétés de services numériques auditionnés au sujet de la société Kosc : « parce qu'elle n'effectue pas de vente directe, mais uniquement de la vente de gros, et par sa neutralité, elle nous permet de trouver un espace économique viable ». C'est d'ailleurs pour cette raison que l'OCDE, dans un très récent rapport, a vanté les mérites du modèle Wholesale-Only, c'est-à-dire de l'opérateur neutre, citant même Kosc dans les exemples à suivre.
Avec Patrick Chaize, nous suivrons attentivement la suite des événements pour la société Kosc, pour deux raisons. Tout d'abord, il serait inconcevable que les PME bénéficiant actuellement de son offre se retrouvent sans connexion du jour au lendemain, ce qui serait dramatique. Tous les acteurs auditionnés nous expliquent que cela n'arrivera pas mais nous préférons rester vigilants sur ce point. La deuxième raison est que, en cas de disparition de Kosc et de reprise par un autre opérateur, la question de la neutralité sera à nouveau soulevée. Or si Kosc est repris par un opérateur intégré, il faudra imaginer de nouvelles règles permettant de garantir les acquis qu'offre depuis 2018 le modèle neutre de Kosc. Et, dans ce cas de figure, il nous semble que la seule façon d'y parvenir sera d'imposer aux grands opérateurs l'activation de tout le réseau, comme c'est le cas dans les réseaux d'initiative publique (les RIP). Il en va de l'intérêt général. D'ailleurs, comme le souligne le rapport de Pascale Gruny, certains dirigeants bénéficiant des services de Kosc ont comparé son arrivée, sur le marché de gros, à la création des zones RIP dans lesquelles le réseau est déployé par les collectivités territoriales et où les opérateurs ont l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès activé.
Enfin le quatrième point que je souhaitais évoquer ce matin pour accompagner ma proposition de publication, est la nécessité, pour les autorités publiques, d'envisager la régulation et les investissements publics dans le temps avec davantage de constance. La position de l'ADLC, défendue par son ancien président, n'a rien à voir avec la lecture strictement juridique de son actuelle présidente. La position de l'Arcep sur la nécessité de conserver un opérateur neutre semble également avoir évolué assez rapidement. Quant aux investisseurs publics, on note que l'incertitude qui pesait cet été 2019 sur Kosc a suffi à ébranler une vision pourtant affirmée haut et fort au printemps 2018 lorsque la Banque des Territoires a décidé de devenir actionnaire de Kosc infrastructures. Pourtant, entre temps, le Tribunal de Commerce a donné raison à Kosc dans le contentieux face à SFR sur les saisies provisoires. Par ailleurs, depuis plusieurs mois, Kosc a réussi à diversifier sa clientèle puisque, en flux, la part d'OVH au sein de cette dernière est passée de 90 à 20 %. Ne fallait-il pas prendre le temps de laisser s'installer la croissance ? En tout cas, quel que soit le scénario qui se déroulera finalement, nous souhaitons que les acteurs publics envisagent de façon plus pérenne les solutions qui sauront faire prévaloir l'intérêt général au bénéfice de la numérisation des PME. Nous envisageons de rappeler ces fondamentaux dans le cadre d'une proposition de résolution qui permettrait d'interpeler le Gouvernement à ce sujet.