Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 25 mars 2009 à 14h30
Politique étrangère — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Ainsi, en moins de dix jours, en procédant « à l’étouffée », vous avez brisé, dans les domaines de la défense et de la diplomatie, le consensus qui existait dans notre pays depuis des décennies et que les présidents de la République successifs avaient respecté.

Le débat qui s’est déroulé mardi dernier à l’Assemblée nationale, malgré la forte mobilisation de l’opposition, est resté somme toute académique puisque les jeux étaient faits. Certains se seront cependant souvenus de l’affrontement de haute tenue qui opposa, au printemps 1966, le Premier ministre Georges Pompidou et François Mitterrand.

Là aussi, le général de Gaulle avait décidé seul et mis le Parlement devant le fait accompli. Cependant, même si la méthode adoptée alors était éminemment contestable, comparaison n’est pas raison. En effet, de Gaulle s’était efforcé pendant huit ans d’infléchir les positions américaines, avant, du fait du silence obstiné de notre allié, d’en tirer les conséquences, sans bien sûr sortir de l’Alliance atlantique, qui assurait à l’Europe de l’Ouest une protection indispensable au temps de la guerre froide. François Mitterrand n’avait pas manqué de faire observer combien il aurait en effet été illusoire de croire qu’on pût rompre avec une telle alliance.

Depuis, la France a poursuivi sa route, solidaire de ses alliés, mais se refusant à tout alignement.

C’est avec cette tradition que le Président de la République actuel a pris le risque de rompre. Dès le mois d’avril 2008, à la fin de la présidence Bush, il avait annoncé à Bucarest le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sans se poser la question du contexte international, à une époque où la croisade menée contre le « Mal » au Moyen-Orient avait abouti à une série de désastres en Irak, et alors que l’annonce de l’installation d’un bouclier antimissiles aux frontières de la Russie risquait de faire peser des menaces sur la paix.

Le Président de la République a développé dernièrement ses intentions au cours d’un colloque organisé à l’École militaire par la Fondation pour la recherche stratégique, devant un aréopage hétéroclite, composé de militaires et de personnalités diverses, transformé soudain en une sorte de chambre des corporations.

Et tout cela alors que personne, à commencer par les États-Unis, ne demandait rien à notre pays !

Les raisons invoquées pour justifier cette initiative étrange sont multiples et de circonstance. Nous aurions ainsi davantage d’influence sur les Etats-Unis… Cela ferait bon effet sur nos partenaires européens, qui préfèrent l’OTAN existante à un projet européen de défense, certes encore évanescent…

Le président Chirac, après s’y être aventuré, avait dû renoncer à une démarche semblable faute d’avoir obtenu des Américains un minimum d’assurances, telles que l’accession de notre pays au commandement des forces militaires en Méditerranée, ce qui aurait été autrement substantiel que les commandements non opérationnels de Norfolk ou de Lisbonne qu’on nous fait miroiter. Mais l’accord de Saint-Malo, que M. le président de la commission des affaires étrangères a évoqué, a précisément été conclu entre la France et la Grande-Bretagne au lendemain du refus français d’intégrer plus complètement l’OTAN.

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