Il y a maintenant plus de soixante-quinze ans, la France décidait de canaliser la puissance de l’eau par la construction de barrages, afin d’en prendre le meilleur et de créer de l’énergie. Aujourd’hui, d’aucuns verraient bien ces chefs-d’œuvre nationaux concédés à des puissances économiques étrangères.
Dès 2007, la France a entièrement ouvert son marché à la concurrence. Pourtant, en 2015, la Commission européenne exhortait notre pays à aller plus loin en incluant dans le champ de la concurrence nos moyens de production électrique, dont les barrages hydroélectriques. En mars 2019, elle a même engagé une procédure d’infraction. Notre pays serait donc le premier à ouvrir ce secteur à la concurrence.
En 2016, lors de la transposition de la directive européenne qui prévoit l’ouverture des concessions de service public à la concurrence mondiale, la France n’a pas prévu d’exempter ses barrages, à l’inverse d’autres pays européens. La gestion de nos installations hydroélectriques est ainsi à la merci des intérêts de puissances étrangères et d’acteurs privés. Les bénéfices estimés à environ 1, 25 milliard d’euros viennent logiquement attiser la convoitise des investisseurs privés.
Par ailleurs, comme le pointe un rapport de 2013, une hausse mécanique du prix de l’électricité pour les consommateurs serait inéluctable. N’avons-nous pas déjà vécu cela lors de la privatisation des autoroutes ? N’est-ce pas suffisant ?
Les Alpes comprennent pas moins de 132 barrages, dont 26 en Savoie. Un large consensus se dessine dans la population, comme chez les élus locaux et nationaux, pour rejeter cette mise en concurrence jugée dangereuse et irrationnelle.
Comment pourrait-on sacrifier un tel patrimoine, source d’emplois qualifiés, directs, indirects et induits pour des femmes et des hommes dotés d’un haut niveau d’expertise ? Comment pourrait-on sacrifier un patrimoine respectueux de l’écologie, puisque l’énergie hydroélectrique représente environ 13 % de la production d’électricité française et 70 % de la production d’énergies renouvelables ? Comment pourrait-on sacrifier un patrimoine qui assure une telle sécurité d’approvisionnement, car il s’agit du premier moyen de stockage de l’électricité – on voit les STEP se développer ? Comment, enfin, pourrait-on sacrifier un patrimoine qui assure une telle sécurité en matière de gestion des crues, qui constitue une source froide pour les installations nucléaires, une source d’irrigation agricole et d’eau potable ?