La nouvelle Commission vient à peine d'être intronisée et avance déjà des objectifs quinquennaux très ambitieux, notamment en matière de lutte contre le changement climatique et d'investissements coordonnés dans le numérique et les nouvelles technologies. La présidence vient par ailleurs de publier ses propositions d'arbitrages budgétaires pour le prochain CFP 2021-2027.
Nous pouvons le dire sans ambages, c'est tout de même un peu la douche froide, et en cette saison de frimas, de grésil et de gel, ce n'est pas ce que nous pouvions espérer de mieux ! Bien entendu, il ne s'agit là que de premières propositions, et avant le sommet des 12 et 13 décembre prochains, d'autres étapes sont prévues, dont la réunion, qui se tient aujourd'hui même, du comité des représentants permanents de l'Union européenne (Coreper), pour échanger sur le contenu de ce texte, et celle, mardi prochain, du CAG.
Nous entrons à présent dans la désormais rituelle et toujours un brin mélodramatique phase du trilogue entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen avec, comme toujours, ces pénibles marchandages et ces compromis abscons obtenus en toute dernière minute. Nous savons aussi que le Conseil européen, à défaut de statuer sur quoi que ce soit de définitif à propos du prochain CFP, ne sera pas, tant s'en faut, le dernier rendez-vous sur ce sujet délicat. L'Union européenne a d'ailleurs déjà fixé comme date butoir, pour conclure ces prochaines perspectives financières, mars ou avril 2020. Un calendrier sans doute volontairement optimiste visant à masquer que, très vraisemblablement, des prolongations seront nécessaires, qui pourraient nous conduire jusqu'à l'automne prochain. Il y a là comme un sentiment de déjà vu : le long, très long et très difficile accouchement du cadre pluriannuel financier 2014-2020.
Dans le trilogue déséquilibré qui s'instaure, le Parlement européen demande systématiquement nettement plus que la Commission qui, elle, essaie, sur des bases raisonnées mais dynamiques, de produire une proposition que nous pouvons qualifier d'intéressante, avant que les États membres ne viennent à s'écharper diplomatiquement pour tenter, et généralement réussir, à réduire la facture finale. À chaque fois ou presque, nous obtenons un cadre pluriannuel à la fois singulièrement malthusien et profondément conservateur, qui tend à reproduire les grandes lignes des précédents budgets fermant en partie le banc des grandes ambitions réformatrices qui avait été annoncées.
Si nous étions cruellement réalistes, nous pourrions dire qu'il ne peut en être autrement, avec un financement du budget de l'Union qui repose très majoritairement - toujours plus et toujours davantage - sur les contributions nationales des États membres. À ce sujet, pouvez-vous nous en dire plus, madame la secrétaire d'État ? Où en sommes-nous dans le processus de création de nouvelles ressources propres, tel qu'il ressort des travaux conduits par le groupe d'experts présidé par Mario Monti, et, en particulier, de cette fameuse proposition relative à la taxe sur le CO2 pour les produits en provenance des pays tiers ?
Dans une communication en date du 2 mai 2018, la Commission envisageait un financement du CFP à venir, 2021-2027, par de nouvelles ressources propres, à hauteur de 12 % du financement global du budget européen. Si cette mesure était instaurée, elle réduirait d'autant la facture adressée annuellement à chaque État, ce qui contribuerait à apaiser les âpres négociations budgétaires entre les États membres. Je ne suis pas certain qu'il s'agirait de ressources supplémentaires aux contributions nationales ou venant en substitution de celles-ci, sachant que le tout est plafonné à un pourcentage du RNB.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire si, au-delà de la partie dépenses qu'elle vient d'annoncer, la présidence finlandaise s'est aussi penchée sur la partie recettes du CFP et, le cas échéant, si elle a fixé, la part des futures nouvelles ressources propres ?
Je reviendrai maintenant sur les propositions budgétaires de cette présidence finlandaise. Elles atteignent un niveau de 1 087 milliards d'euros, soit 47 milliards d'euros de moins que la dernière proposition. Nous sommes donc loin de la proposition de la Commission et très loin de celle, toujours un peu utopique, du Parlement européen.
Cependant, nous devons aussi noter certaines intentions positives de ces récentes propositions, notamment celle relative à la rubrique ressources naturelles et environnement, pour laquelle 10 milliards d'euros supplémentaires sont ajoutés aux 336 milliards d'euros initialement prévus en faveur du fonds de développement régional, le fameux FEDER qui atteindrait ainsi 80 milliards d'euros.
Autre bonne nouvelle, il s'agirait de profiter du retrait britannique pour en finir avec la fameuse logique des rabais sur le rabais, qui résultait du fameux chèque obtenu par le Royaume-Uni en 1984. Une bonne nouvelle, car face aux rabais sur le rabais, la France et l'Italie surcompensent les sous-compensations des autres pays. Ceci profite à la Suède, aux Pays-Bas, à l'Autriche, au Danemark et à l'Allemagne. En l'état des discussions, et étant donné le maintien, voire le rehaussement du budget de la PAC, j'ai quelques doutes sur la passivité de ces cinq pays à accepter rapidement la suppression de leur rabais sur le rabais.
Je rappellerai que la PAC a été créée en grande partie en 1962, mais a débuté dès 1957, pour faire adhérer la France à l'Union européenne, après l'échec de la Communauté européenne de défense (CED). Par ailleurs, au moment du rabais britannique, la principale argumentation avancée par le Royaume-Uni, était que les autres États membres participaient beaucoup trop au financement d'une politique dont la France est le principal bénéficiaire. Le rabais sur le rabais s'est construit exactement sur la même logique : les pays concernés contestaient l'importance et la nature de la PAC, réclamant sa réforme. Je ne suis donc pas certain qu'un budget de la PAC légèrement rehaussé et une suppression du rabais sur le rabais puissent tenir longtemps dans les discussions à venir.
La diminution du FEDef est inquiétante, tout comme les coupes claires dans le budget de la politique spatiale européenne, à laquelle nous sommes très attachés, qui est amputée a priori de 1,7 milliard d'euros, soit 12 % du budget initialement prévu. Madame la secrétaire d'État, nous vous saurions gré si vous pouviez nous donner des éléments sur la manière dont vous espérez remettre ce cadre financier pluriannuel sur de meilleurs rails.