Intervention de Cyril Pellevat

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 décembre 2019 à 13h35
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des 12 et 13 décembre 2019 en présence de mme amélie de montchalin secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Madame la secrétaire d'État, par un hasard du calendrier, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne entameront leur prochaine réunion au moment même où se tiendront, au Royaume-Uni, des élections générales anticipées. Si l'expérience récente nous a appris qu'il fallait se garder de tout pronostic au sujet du Brexit, espérons néanmoins que cette nouvelle étape permettra d'apporter un peu de clarté et de visibilité à un processus qui en manque cruellement, et qu'elle contribuera à clore, enfin, le chapitre du divorce pour ouvrir celui de la relation essentielle qui nous reste à construire pour l'avenir.

C'est également d'avenir qu'il sera question au travers des deux principaux points à l'ordre du jour du prochain Conseil, à savoir l'ambition climatique de l'Europe à l'horizon 2050 et son budget pluriannuel 2021-2027.

Concernant le climat, la Commission européenne dresse un tableau préoccupant de la situation. Elle estime qu'aucun État membre n'a présenté à ce jour de plan national permettant d'atteindre les objectifs climatiques fixés et que ces mêmes objectifs européens ne seront pas suffisants pour réaliser ceux de l'Accord de Paris. En conséquence, elle suggère, comme cela a été confirmé par la proposition de Green Deal d'Ursula von der Leyen, de réviser à la hausse les engagements climatiques de l'Union européenne, en portant de 40 à 55 % la cible de réduction des émissions d'ici à 2030, et en remplaçant la réduction de 80 % d'ici à 2050 par un objectif de neutralité carbone.

En juin dernier, le Conseil n'était pas parvenu à s'accorder sur de telles orientations. En effet, même s'il existe aujourd'hui un quasi-consensus entre États membres sur ces questions, certains d'entre eux, notamment la Pologne, toujours très dépendante du charbon, font valoir leurs réticences. Ils affirment ainsi, non sans raison, que la transition écologique leur coûtera plus cher qu'aux pays qui, comme la France, grâce à son parc nucléaire, bénéficient d'un mix énergétique moins émetteur de carbone.

Quoi qu'il en soit, le débat met en exergue une évidence : les coûts générés par l'accélération de la transition climatique sont extrêmement élevés et sont appelés à concerner un nombre croissant d'acteurs. Pour qu'elle puisse être acceptée et menée à bien, cette transition devra donc être durable, non seulement au niveau écologique, mais aussi au niveau économique et social.

Le déploiement de mesures compensatoires pour ceux qui seront le plus durement affectés par les mutations semble ainsi inévitable. À ce titre, Ursula von der Leyen a proposé la création d'un fonds pour une transition juste, destiné à soutenir les régions, les entreprises et les travailleurs les plus affectés par les coûts économiques de la transition écologique et les reconversions qu'elle implique.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer si ce fonds a d'ores et déjà été intégré à la boîte de négociation du prochain cadre financier pluriannuel ? Le cas échéant, pouvez-vous nous préciser les montants, voire les modalités d'utilisation, envisagés à ce stade ?

L'Europe devra, en outre, s'attacher à faire de la transition écologique un levier de création d'emplois et de valeur ajoutée. Comme dans le secteur numérique, une course de vitesse est engagée au niveau mondial pour dominer les nouvelles technologies bas carbone et les marchés qui en découlent. Pour ne pas se faire distancer par la concurrence internationale, l'Europe doit impérativement se doter d'une véritable stratégie industrielle autour de ces technologies. Celle-ci devra tout particulièrement mettre l'accent sur un financement accru de l'innovation et de son déploiement industriel, sur la structuration de filières compétitives, sur le développement des compétences dans les secteurs clés et sur des coopérations industrielles plus approfondies.

Parallèlement, l'Union européenne devra veiller à ne pas devenir une île décarbonée au milieu d'un monde qui, lui, n'évoluerait pas. Ce ne serait cohérent ni économiquement ni écologiquement. L'introduction d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Europe contribuerait à éviter un tel écueil, en créant des conditions de concurrence plus équitables dans les échanges internationaux, et en décourageant les fuites de carbone, notamment via des délocalisations vers les pays moins exigeants en matière climatique.

De même, il est essentiel qu'aucun nouvel accord commercial ne soit conclu s'il ne contient pas de clause contraignante d'alignement des politiques menées par nos partenaires sur les objectifs de l'Accord de Paris. Des évolutions de ce type sont une condition essentielle pour accélérer la transition écologique, sans pour autant exposer l'Europe à de nouvelles vulnérabilités économiques.

Concernant le cadre financier pluriannuel, dont nous avons eu l'occasion de débattre récemment avec l'examen de la contribution française au budget européen, la présidence finlandaise devrait présenter au Conseil une nouvelle boîte de négociation chiffrée. Toutefois, la conclusion d'un accord entre les États membres, dont les positions restent assez éloignées, est envisagée non plus pour le Conseil européen de la semaine prochaine, mais plutôt pour celui du mois de mars.

Madame la secrétaire d'État, au vu des dernières discussions entre les capitales, pensez-vous que cette nouvelle échéance pourra être tenue ? Qu'en est-il, par ailleurs, du principal point d'achoppement des négociations, à savoir le plafond global des dépenses autorisées par le CFP ?

Nous savons que la Commission a proposé de fixer celui-ci à 1,1 % du RNB de l'Union européenne et que le Parlement européen souhaiterait le porter à 1,3 %, mais aussi que plusieurs contributeurs nets, plus affectés que les autres par les conséquences budgétaires du Brexit, veulent le limiter à 1 %. La présidence finlandaise du Conseil aurait, quant à elle, axé ses travaux sur une fourchette comprise entre 1,03 et 1,08 % du RNB. Pouvez-vous nous confirmer la réalité de ces chiffres ?

Ceux-ci sont en effet particulièrement importants, car ils détermineront tant la capacité de l'Union européenne à faire face aux implications financières du retrait britannique, que sa volonté de financer des investissements d'avenir et des nouvelles priorités politiques, tout en préservant les dotations des politiques traditionnelles qui ont constitué le coeur de la construction européenne, et notamment le budget de la PAC, dont le maintien est pour notre groupe fondamental.

Face à l'ampleur des défis auxquels l'Europe est aujourd'hui collectivement confrontée et auxquels elle est sommée d'apporter des solutions, le manque d'ambition budgétaire ne serait assurément pas une réponse satisfaisante.

Enfin, pourriez-vous nous dresser un état des lieux des discussions concernant les autres points d'importance du CFP, en particulier la création de nouvelles ressources propres, la suppression des rabais budgétaires ou encore les diverses conditionnalités envisagées pour le versement des fonds européens ?

En conclusion, j'insisterai sur l'urgence d'accélérer les discussions sur le CFP. Le temps presse car, comme nous l'avons constaté lors de la précédente programmation budgétaire, tout retard pris dans la négociation compromet la mise en oeuvre en temps voulu des politiques communautaires, ce qui se traduit par des difficultés supplémentaires pour les bénéficiaires des fonds européens sur le terrain.

Lors des dernières élections européennes, les citoyens ont exprimé des attentes fortes à l'égard de l'Union européenne : les chefs d'État et de gouvernement doivent en tenir compte, prendre leurs responsabilités et cesser d'ajourner leurs décisions pour donner rapidement à l'Europe des perspectives d'action claires pour les années à venir.

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