Il est difficile de se prononcer sur le budget européen pour les prochaines années, sans connaître ce qui se passera avec le Brexit. En revanche, concernant le Green Deal, nous pouvons exprimer un certain nombre d'inquiétudes ou de volontés. Nous avons compris que la Commission présentera son Green Deal le 11 décembre prochain, il sera donc trop tôt pour que le Conseil européen se prononce sur le sujet. Nous attendons néanmoins que soit clairement définie une stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et améliorer les objectifs d'émission carbone, à échéance de 2030.
Actuellement, l'engagement de l'Union européenne est de réduire les émissions de 40 %, mais l'idée est de parvenir à 50 % sans externaliser nos émissions par des importations. Il convient également, en prévision de la COP 26 de Glasgow, d'affirmer de nouveaux engagements forts à l'égard de l'Union européenne pour entraîner l'ensemble de nos partenaires. Pour réaliser tous ces efforts, il est impossible de dégager les investissements nécessaires, sans faire exceptions, pour les investissements verts, à la règle des 3 % du PIB de déficit public des États membres.
Si nous évoquons la question des investissements verts, nous devons également évoquer le règlement Taxonomie, qui est actuellement envisagé, et qu'il serait indispensable d'intégrer à nos accords de libre-échange, pour justement faire en sorte que ceux-ci soient le plus vertueux possible, et ne pas oublier que la force de notre économie et la puissance commerciale de l'Union européenne peuvent avoir un véritable effet d'entraînement.
Concernant le cadre financier pluriannuel, les propositions de la Finlande sont très décevantes, en particulier celles relatives au FEDef et à la ligne budgétaire spécifique pour la zone euro. Je partage les propos qui ont été tenus sur le manque de ressources propres et les évolutions négatives du cadre financier pluriannuel. Cela est très préoccupant pour la robustesse de l'Union, mais aussi pour la définition de politiques vraiment communes. Car à chaque fois que nous renégocions le CFP, chaque État veut imposer ses politiques et, ainsi, n'oeuvre pas au bénéfice de l'intérêt général. C'est aussi la raison pour laquelle il est permis de douter que nous arrivions à financer l'ensemble des politiques de l'Union européenne.
Lorsque nous parlons du cadre financier pluriannuel, certains évoquent l'évaluation de l'État de droit pour conditionner un certain nombre de fonds à la manière dont celui-ci est respecté dans les différents pays. Sur ce sujet, j'aurai deux questions.
D'abord, comment allez-vous faire vivre cela dans la négociation ? Il a été question d'inciter les États membres, notamment la Hongrie et la Pologne, à participer à la coopération renforcée du parquet européen. Si nous souhaitons évaluer l'État de droit, des critères objectifs doivent être définis.
Ensuite, la position de l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur le mandat d'arrêt européen concernant la France pose une question relative aux exigences requises du parquet en France pour l'émission d'un mandat d'arrêt européen. Qu'allons-nous faire, madame la secrétaire d'État ? Ne conviendrait-il pas de mettre en oeuvre la réforme constitutionnelle déjà votée, qui renforce l'indépendance du parquet, afin de ne pas modifier les modalités d'émission d'un mandat d'arrêt européen en France ?
S'agissant des fonds versés, en particulier, à nos voisins, dans le cadre de la gestion des flux migratoires, il est indispensable d'établir un contrôle complet de l'usage de ces fonds, qui puisse être réalisé, à la fois, par le Parlement européen et par les ONG présentes dans les pays qui perçoivent ces fonds.
Concernant le Parlement européen, les équilibres politiques sont aujourd'hui différents et plus compliqués - certains automatismes ont disparu - que lorsque le Parti populaire européen et le Parti socialiste européen faisaient bloc. Nous devons être clairs dans nos objectifs et, probablement, ne pas oublier que si nous n'arrivons pas à redonner aux Européens la volonté d'être solidaires, la prochaine période européenne sera perdue.
Or, pour raviver cette solidarité, il convient de faire revivre les critères, non pas de Maastricht, mais de Copenhague, et être fermes sur notre volonté de donner à l'Union européenne une place majeure face aux États-Unis et à la Chine, qui ne peuvent faire la norme sur la planète.
Pour conclure, j'évoquerai ma préoccupation relative à la politique française à l'égard de l'élargissement de l'Union européenne. Alors que nous venons de fêter les trente ans de lutte des peuples de l'Est pour leur liberté et leur indépendance, le Président de la République a, d'une part, remis en cause l'OTAN dans sa forme actuelle, et ce dans des termes très violents et, d'autre part, posé un veto à l'ouverture de négociations avec la Macédoine du Nord et l'Albanie. Ces deux incidents ne sont pas appropriés, et la position que la France a exprimée par le non-papier qui a circulé après ne clarifie pas les choses. En effet, non seulement il est faible sur le fond, mais il n'a pas été soumis à temps pour avoir l'avis du candidat pressenti pour tenir le rôle de commissaire à l'élargissement. Il y a une bonne dose d'irréalisme à penser que nous pouvons parvenir au terme d'une négociation d'adhésion si son objectif peut être remis en cause jusqu'au dernier moment au nom de la réversibilité. Je pense en particulier à tous les efforts qui doivent être réalisés en matière d'appels d'offres et de soutien à certains secteurs, qui sont parfois très difficiles à mettre en oeuvre pour les pays candidats, et qui ne peuvent pas l'être s'il n'existe pas une date d'adhésion arrêtée. Ce sont les raisons pour lesquelles nous sommes relativement inquiets.
De même, il nous semble que, pour continuer à construire l'Europe dans le même esprit qu'à sa création, il faut parfois accepter d'avoir un peu tort ensemble plutôt que d'essayer d'avoir raison tout seul. Un esprit dont le Président de la République n'a pas fait preuve ces derniers temps. De sorte que, quels que soient les projets qu'il souhaite développer, sa méthode pourrait les tuer s'il persiste dans cette voie.