Intervention de Dominique Martin

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 décembre 2019 à 9h00
Agence nationale de sécurité du médicament — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Dominique Martin, directeur général de l'ANSM :

À propos des RTU, je souhaite préciser qu'il ne s'agit en aucun cas d'un expédient de droit commun pour tout médicament prescrit hors AMM. La prescription hors AMM relève, en première ligne, du prescripteur lui-même et non de l'ANSM. Néanmoins, je signale à cet égard que l'ANSM a su se montrer précurseur en matière de RTU, comme le montre l'exemple du baclofène, aujourd'hui prescrit pour le traitement des maladies de l'alcoolisme. Longtemps maintenu sous le régime de la RTU, ce médicament n'a que très récemment pu bénéficier d'une AMM confirmant son indication pour le traitement de ces pathologies spécifiques. S'il avait fallu se contenter des études, pour le moins indigentes, disponibles pour la dispensation de ce médicament dans cette indication thérapeutique, nous ne bénéficierions probablement pas de ce progrès. À ce titre, la RTU délivrée par l'ANSM a joué tout son rôle. La HAS doit très prochainement se prononcer sur son service médical rendu (SMR) - qu'on peut raisonnablement augurer faible - afin que le baclofène soit enfin admis au remboursement. Près de 100 000 personnes sont concernées.

L'enjeu des RTU se situe aujourd'hui, à mon sens, dans le traitement des cancers. L'évolution très rapide de la recherche en la matière nous impose parfois de valider des indications thérapeutiques avant l'attribution de l'AMM, pour des raisons de délais. C'est à ce titre que la RTU se révèle particulièrement utile. La procédure de RTU, actuellement très lourde, devrait être simplifiée, notamment dans sa phase d'instruction. Nous travaillons avec l'institut national du cancer (INCa) à l'élaboration d'une procédure commune.

Concernant les ATU, il convient de distinguer les ATU de cohorte, dont le régime est maintenu, des ATU nominatives. Parmi ces dernières, certaines ont vocation à devenir des ATU de cohorte, auquel cas aucune restriction n'est prévue, et d'autres ne sont attribuées que de façon « compassionnelle ». La restriction prévue par le PLFSS pour 2020 ne concerne que cette dernière catégorie. Cette mesure n'est pas sans susciter quelques interrogations : nous devrons effectivement réviser nos protocoles d'attribution, afin que ceux-ci tiennent désormais compte de ce nouveau quota. Pour l'heure, j'ignore comment l'ANSM présentera le refus d'une ATU nominative au seul motif que le seuil défini par la loi est atteint.

Au sujet de la transparence des travaux de l'ANSM, c'est un dossier qui me mobilise entièrement. Nous tendons à satisfaire l'équilibre nécessaire entre transparence de nos avis et protection des données personnelles qui nous sont transmises. Dès le début de l'année prochaine, l'ANSM ambitionne de rendre publiques des bases de données en pharmacovigilance, et plus tard en matériovigilance. L'objectif est celui d'une mise à disposition du public totale d'ici trois ans. Ce délai nous permettra de régler plusieurs questions d'organisation interne et d'assurer le respect des prescriptions de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Vous avez évoqué le procès du Médiator®. Comme représentant légal de l'ANSM, je suis bien évidemment présent tous les jours au procès, dont la durée devrait s'étendre sur 7 mois. J'ai fait une déclaration le premier jour des audiences, pour confirmer que l'ANSM ne demanderait pas la relaxe dans cette affaire : il est manifeste que l'agence, entre 1995 et 2009, n'a pas été en mesure de débusquer la forfaiture commise par les laboratoires Servier et, qu'à ce titre, sa responsabilité est engagée. Il appartiendra au juge de déterminer la part de responsabilité respective des laboratoires et de l'ANSM.

Quant à la loi sur le secret des affaires, nous n'avons pas excipé d'un instrument juridique nouveau dans l'affaire du Levothyrox®, la loi de 2018 n'ayant fait que se substituer à la loi de 1978 qui avait le même objet. Dans ce cas, comme dans tous les autres, l'ANSM travaille dans le respect du secret industriel et de la protection des données personnelles, qui sont tous deux prescrits par la loi. Permettez-moi de préciser que, dans cette affaire, nous n'avons pas fait preuve d'un zèle particulier. Nous avons communiqué toutes les informations sur l'AMM du produit qui nous étaient demandées par les avocats. L'ANSM elle-même n'a pas été prise en défaut de transmission d'information, même si je reconnais que l'accès des patients à cette information n'a pas toujours été assuré de façon optimale. Je précise enfin que la nouvelle formule du médicament, diffusée en Europe entière, ne pose aujourd'hui aucun sujet. Le vrai problème serait, à mon sens, un problème de mésusage de ce médicament, dont notre pays montre des taux de consommation près de 30 % supérieurs à nos voisins.

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