Intervention de Frédérique Puissat

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 décembre 2019 à 9h00
Cadre juridique de l'exercice du droit de retrait — Communication

Photo de Frédérique PuissatFrédérique Puissat, co-rapporteur :

Le droit de retrait, introduit par les lois « Auroux » de 1982, en même temps que les CHSCT, découle de l'obligation qu'a l'employeur de garantir la protection de la santé et la sécurité de ses salariés dans le cadre de leur travail.

C'est également un complément du devoir d'alerte, qui s'impose à tous les salariés.

Ainsi, aux termes de l'article L. 4131-1 du code du travail, lorsqu'un salarié se trouve dans une situation de travail dont, je cite, « il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé », il doit en alerter immédiatement son employeur et a le droit de se retirer de cette situation. Précisons que cette disposition est applicable à tous les salariés et que des règles analogues existent pour les fonctionnaires.

L'employeur ne peut, bien entendu, pas sanctionner un salarié qui exerce son droit de retrait de manière légitime, ni effectuer de retenue salariale. Il ne peut pas non plus demander au travailleur de reprendre son activité tant que persiste le danger.

De son côté, le salarié qui exerce son droit de retrait n'est pas déchargé de toute obligation puisqu'il doit se tenir à la disposition de son employeur. En outre, le droit de retrait doit être utilisé sans créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. Enfin, si le droit de retrait est une faculté pour le salarié, celui-ci n'est pas exonéré, le cas échéant, de sa responsabilité pénale en cas de négligence et de mise en danger de la vie d'autrui quand il n'y a pas recours.

Il convient selon nous d'insister sur deux éléments de cette définition.

Premièrement, il n'est pas nécessaire que la situation de danger soit réelle, mais il faut que le salarié ait un motif raisonnable de penser qu'elle existe, compte tenu des informations dont il dispose et de son expérience.

Deuxièmement, le risque pour la vie ou la santé du salarié doit être à la fois grave et imminent. La gravité implique un caractère inhabituel du danger par rapport aux conditions normales d'exercice de l'emploi du salarié, ainsi qu'une mise en péril de la santé et de la vie de la personne. Quant à l'imminence, elle signifie que le danger ne peut pas être potentiel et qu'il doit concerner directement le salarié.

Si l'une de ces conditions n'est pas réunie, le salarié ne peut pas légitimement faire valoir un droit de retrait et l'employeur est fondé à considérer que l'absence ou le refus d'effectuer la tâche constitue un abandon de poste et justifie une retenue sur salaire, voire une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Des litiges peuvent survenir si un employeur sanctionne un salarié pour abandon de poste ou lui inflige une retenue sur salaire alors que celui-ci estime avoir exercé légitimement son droit de retrait. Le salarié peut alors saisir le juge, c'est-à-dire en première instance le conseil de prud'hommes.

Il existe une jurisprudence relativement abondante qui dessine les contours de l'exercice légal du droit de retrait, mais il s'agit toujours d'une appréciation au cas par cas. Par exemple :

- il a été jugé qu'un agent de surveillance muté sur un poste le mettant en contact avec des animaux et des produits chimiques alors qu'il présentait de graves problèmes d'allergie pouvait légitimement exercer son droit de retrait ;

- en revanche, le seul fait pour un électricien de travailler sur un site nucléaire ne saurait constituer un motif raisonnable de nature à lui permettre d'invoquer son droit de retrait.

Il ressort notamment de la jurisprudence que la condition de danger grave et imminent n'est pas remplie dans le cas d'un travail par essence dangereux, lorsque des règles de prévention appropriées sont appliquées. De même, certaines activités comportant un risque inhérent, initialement accepté par le salarié, ne sauraient justifier un droit de retrait. Par exemple, dans une affaire concernant l'invocation de son droit de retrait par un convoyeur de fonds à la suite de l'attaque d'un fourgon blindé, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé que l'employeur ne pouvait pas garantir une absence de risque.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion