Intervention de Fanny Benedetti

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 novembre 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur les violences faites aux femmes dans les territoires en crise et les zones de conflits

Fanny Benedetti, directrice exécutive d'ONU Femmes France :

Vous mettez l'accent sur l'environnement et les causes profondes, également abordées par Justine Masika Bihamba. Ces dernières sont les inégalités structurelles de genre dans la société. De fait, des contextes politiques changeants peuvent engendrer une différence radicale. Ainsi, le contexte était favorable au Burkina avec la prise de parole par la Première dame. Ces évolutions ne s'étendent pas nécessairement sur des décennies, et des améliorations rapides peuvent advenir. À ce titre, le Rwanda est souvent cité en exemple d'un changement radical post-crise, qui s'est d'ailleurs traduit par une amélioration de la situation des femmes dans la société au sens large. L'autonomisation et la place des femmes dans la société font évidemment la différence en agissant comme un déclencheur, avec un effet d'entraînement global. Ce postulat rejoint le mandat donné à ONU Femmes. Je ne voudrais pas conclure cette réunion sur l'idée d'une utilisation inefficace des fonds par l'ONU.

Vous vous demandiez comment pouvait agir le Sénat. Je pense que vous avez un rôle majeur à jouer. Je rappelle qu'ONU Femmes est l'entité globale de plaidoyer créée par les associations féministes du monde entier. Existant depuis moins de dix ans, elle accuse un retard de 60 à 70 ans sur les autres associations, provoquant un décalage. La promesse de budget faite par les États membres au démarrage d'ONU Femmes était de 500 millions d'euros par an, montant qui n'est toujours pas atteint dix ans plus tard. Les trois quarts du budget sont étroitement fléchés, empêchant l'entité d'avoir une action autonome et indépendante. Le problème du financement de l'égalité femmes-hommes se retrouve donc à tous les niveaux.

Les financements sont insuffisants, parfois microscopiques. Le secrétaire général de l'ONU lui-même met l'accent sur l'inadéquation des financements, l'amélioration des reportings, la mise en place d'un cycle de « redevabilité » et le manque d'expertise genre au sein des missions de maintien de la paix. Il propose dans son rapport d'instaurer un quota minimum de 15 % de financements fléchés au profit de l'égalité femmes-hommes dans le budget onusien, c'est-à-dire en faveur de l'autonomisation des femmes et de l'empowerment (émancipation) des femmes et des filles.

Le Sénat pourrait également agir sur le budget alloué au maintien de la paix, d'un montant d'environ sept milliards d'euros. Ne pourrait-on pas disposer d'un levier d'action important, en fléchant une partie de ce budget sur la protection et la place des femmes dans un contexte de reconstruction des sociétés post-crise, à l'image de ce que préconise le secrétaire général de l'ONU ? Je pense qu'un plaidoyer très fort peut être mené à ce sujet ; finalement l'argent est disponible, bien que parfois insuffisant compte tenu des mandats donnés. La majorité des mandats des missions de maintien de la paix porte d'ailleurs sur la protection des populations civiles.

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