Intervention de Rana Hamra

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 novembre 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur les violences faites aux femmes dans les territoires en crise et les zones de conflits

Rana Hamra, ONG Humanity Diaspo :

Je rejoins les remerciements de Fara Malek-Bakouche pour les retours d'expérience très intéressants de Céline Bardet, Justine Masika Bihamba, Sophie Martinez et Henri-Jean Philippe. J'espère que vous organiserez d'autres tables rondes de ce type.

Vous vous interrogiez sur la capacité d'action de la délégation. Je souhaiterais à cet égard partager mon retour d'expérience d'un passé peu glorieux, lorsque j'étais experte française « asile » pour la Commission européenne, envoyée en Grèce dans le cadre de la création de hotspots (zones sensibles) sur l'île de Samos. Les pays du Sud ont été souvent évoqués ce matin, mais on fait fi de ce qui se passe en Europe. Un député européen a récemment voulu entrer, sans succès, dans le camp de Samos, afin de constater comment les milliards d'euros octroyés par l'Europe pour recevoir décemment les migrants étaient utilisés. Je parlerai de migrant ou de réfugié indifféremment, même si ce sont deux notions juridiques distinctes. Vous évoquiez plus tôt la honte des femmes victimes de viols pendant leur parcours d'exil et de migration. Sachez que cet opprobre ne prend pas fin une fois qu'elles se trouvent en Europe. Ainsi, des jeunes femmes syriennes ou irakiennes sont violées durant leur parcours migratoire par leur frère, leur cousin ou leur père, au prétexte que leur mort est imminente !

Dans les îles grecques comme à Athènes, ces femmes n'ont pas accès à la santé psychologique et gynécologique, par manque d'information et d'argent. Je crains que ces situations ne commencent à se reproduire en France, avec une restriction des droits d'accès à la santé, eux-mêmes de plus en plus incertains. L'accès des demandeurs d'asile à la Protection Universelle Maladie (PUMa) prend par exemple un temps infini et les délais d'obtention d'un rendez-vous gynécologique conduisent parfois la femme à dépasser la période d'avortement légale, et donc à poursuivre sa grossesse en France. De la même manière, les accès des ONG au camp informel de la jungle de Calais ont été refusés durant des mois, conduisant des femmes somaliennes ou éthiopiennes à accoucher sur place d'enfants non désirés issus de viols.

Je rejoins les propos de Céline Bardet quand elle affirme que ces violences ne concernent pas seulement les femmes, mais aussi les garçons. Dans le centre d'Athènes, de jeunes afghans et pakistanais, mineurs et isolés, se prostituent pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Ces situations sont dramatiques et ont lieu aujourd'hui en Europe. Vous pouvez agir en France et en Europe dans les zones de crise. Il faut bien sûr poursuivre le plaidoyer pour les pays du Sud, mais je pense que le premier pas doit être effectué à côté de chez nous. Merci beaucoup.

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