Intervention de Catherine Michaud

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 19 décembre 2019 à 10h20
Audition commune d'associations

Catherine Michaud, présidente de l'association GayLib :

GayLib est un mouvement LGBT associé aux radicaux, une association à caractère politique. Mon propos le sera également. Avec l'APGL, le Planning familial, SOS homophobie et Inter-LGBT, nous avons créé cet été le Collectif PMA.

Le projet de loi Bioéthique est attendu depuis très - trop ! - longtemps. Nous l'attendions de la précédente majorité, c'était une promesse non tenue du candidat Hollande. Cela aurait pu nous éviter d'avoir à nous marier et à adopter nos propres enfants pour être reconnues pleinement comme parents. Nous n'allons pas refaire le match six ans plus tard, et force est de constater que ce texte est une avancée, même s'il n'est pas parfait.

Le moment venu, dans l'hémicycle, nous aurons besoin de tous les progressistes, quel que soit leur bord politique. Le Sénat est majoritairement à droite. Ne commettez pas les erreurs du passé sur le pacte civil de solidarité (Pacs), le mariage et l'adoption, souvent plus par posture que par conviction, peut-être même parfois par peur de ce que pourrait penser votre électorat en circonscription. Or, sur la PMA comme sur le mariage, sondage après sondage, les Français sont prêts depuis bien longtemps, bien avant le législateur.

Nos familles, nos conjoints et nos enfants sont une réalité intégrée à la société et à travers toute la France. Le schéma familial est divers, avec, à la fois, des familles traditionnelles, des familles recomposées, monoparentales, mais aussi homoparentales. Nous nous réjouissons de voir la PMA pour les femmes seules et en couple enfin à l'agenda parlementaire. C'est une liberté nouvelle, ouverte à toutes, de pouvoir faire un enfant, de disposer de son corps pour concevoir un enfant et de faire famille, quel que soit son régime matrimonial ou son orientation sexuelle. Cela restera dans l'histoire comme une grande avancée pour les femmes comme le droit de vote ou le droit à l'avortement.

Parmi les points positifs, outre l'aspect historique attendu de ce texte, il y a l'ouverture de la PMA aux femmes célibataires, marque importante de la confiance faite aux femmes dans un projet parental mûrement réfléchi. Cependant, nous n'acceptons pas les dispositions de filiation spécifique pour les couples de femmes. Nous ne pouvons pas comprendre que les lois de la République mettent en place un statut à part pour une catégorie de la population et ne protègent pas de la même manière tous ces enfants. Nous souhaitons que le droit commun soit élargi soit par reconnaissance, soit par présomption.

Par ailleurs, ce texte écarte les personnes transsexuelles de l'accès à la PMA, il refuse la PMA post mortem, ce qui est incohérent : une femme ne pourrait pas avoir un projet parental avec les gamètes de son défunt conjoint, mais aurait accès à la PMA avec un tiers donneur en tant que femme célibataire. Il manque aussi la promesse de campagne de reconnaître les enfants nés de GPA légalement à l'étranger.

Nos enfants doivent être protégés par la République comme tous les autres enfants. Ce projet de loi est une opportunité de mettre en exergue la valeur famille sous le triptyque de la République - Liberté, Égalité, Fraternité. Il y a la liberté de construire une famille, l'égalité enfin réelle, et la fraternité sans laquelle les deux autres ne seraient rien. J'ajouterais aussi le quatrième pilier de la République, la laïcité, chère aux radicaux. Les représentants des cultes ont été auditionnés, mais, depuis plus d'un siècle, le religieux ne doit pas influencer le législateur.

Ce texte va dans le sens de l'histoire. Il élargit quelque chose qui est déjà partiellement autorisé, légal, ouvert aux couples hétérosexuels. Tous les couples ne souhaitent pas forcément se marier, toutes les femmes ne souhaitent pas forcément avoir des enfants, donc il en est de même pour la PMA. Nous parlons ici de la liberté de pouvoir faire quelque chose par choix et non pas par contrainte de l'interdiction.

Le rôle du politique n'est pas de juger la société, mais de savoir l'observer pour mieux l'accompagner.

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