Intervention de Véronique Cerasoli

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 19 décembre 2019 à 10h20
Audition commune d'associations

Véronique Cerasoli, administratrice et porte-parole de l'association SOS homophobie :

Merci de nous avoir invités à cette table ronde. SOS homophobie lutte depuis vingt-cinq ans contre les discriminations envers les personnes LGBT, avec trois axes : le soutien aux victimes, la sensibilisation aux discriminations, notamment en milieu scolaire, et la défense de l'égalité des droits des personnes LGBT. Mon éclairage portera principalement sur le terrain juridique de construction de la loi et des techniques médicales.

Nous sommes un peu embarrassés de voir se focaliser l'attention des parlementaires, des médias et du public sur les quelques articles qui nous concernent, plutôt que sur la trentaine d'autres articles autrement plus engageants sur l'avenir et la bioéthique. Dont acte.

Je centrerai mon propos sur l'article 1er, qui élargit l'accès à de nouveaux publics et l'article 4, qui en tire les conséquences en termes de filiation.

À l'article 1er, nous sommes satisfaits de voir disparaître une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et le statut marital des femmes. Nous l'attendions depuis vingt-cinq ans. Il ne s'agit ni de développer une nouvelle technique, ni de créer de nouvelles situations, mais bien de mettre fin à une inégalité de traitement entre les personnes dans notre pays. Il s'agit aussi de protéger les enfants et les familles ayant eu recours à l'assistance médicale à la procréation (AMP). Cette inégalité a été créée ex nihilo par le législateur en 1994, qui a fait le choix - que d'autres pays n'ont pas fait - d'inclure la PMA dans une loi globale de bioéthique et d'en réserver l'accès aux seuls couples hétérosexuels. Cela exclut de facto les femmes seules et en couple avec une femme qui, jusque-là, pouvaient être accompagnées par leurs médecins et gynécologues dans un cadre médical sécurisé.

Cependant, une partie de nos concitoyens sont à nouveau discriminés par les choix actuels : les hommes transsexuels qui seraient en capacité de porter un enfant sont exclus de l'article 1er. Or, nous considérons que les droits reproductifs appartiennent à la personne. Le sexe établi à l'état civil ne doit pas être une source d'empêchement à l'AMP. La loi qui, depuis 2016, permet un changement d'état civil sans stérilisation forcée obligerait à présent les hommes transsexuels à choisir entre leur changement d'état civil et la possibilité de porter un enfant. Au regard des débats à l'Assemblée nationale, nous avons malheureusement peu d'illusions sur le succès de voir notre demande d'inclusivité de toute personne en capacité de porter un enfant inclus à l'article 1er.

Depuis 1994, des milliers de femmes ont été empêchées par la loi de bénéficier de l'accompagnement de leur médecin parce que célibataires ou lesbiennes. Par conséquent, elles ont adopté des stratégies de contournement, à savoir des PMA artisanales et des PMA à l'étranger, avec son lot d'insécurités et violences sanitaires - aléas de provenance et de stérilisation du sperme, traitements lourds et inutiles imposés par les cliniques étrangères - et les inégalités sociales et économiques liées au coût de l'AMP - déplacements, nuitées sur place, absences au travail... Enfin, il y a une précarité juridique de la famille, une fois l'enfant né. Les premières victimes sont les femmes et leurs enfants, les compagnes, le reste de la famille. Jusqu'à l'établissement de la double filiation, plusieurs mois après la naissance de l'enfant dans le meilleur des cas, celui-ci n'a aucune existence légale.

Le Rapport annuel sur l'homophobie en France, publié par notre association, établit une corrélation entre les discriminations dans la loi et les comportements discriminatoires tolérés dans la société, jusqu'aux violences physiques et psychologiques qui touchent les personnes LGBT. En 2018, les violences contre les lesbiennes signalées à SOS homophobie ont augmenté de plus de 40 % en un an ; 365 actes nous ont été signalés, soit un par jour !

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