Intervention de Véronique Cerasoli

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 19 décembre 2019 à 10h20
Audition commune d'associations

Véronique Cerasoli, administratrice et porte-parole de l'association SOS homophobie :

Il est donc important de faire évoluer la loi afin que personne ne soit discriminé. Je tiens également à alerter sur la situation des personnes transsexuelles et intersexes dans notre pays.

S'agissant de l'article 4 du projet de loi, nous ne nous satisfaisons pas de l'option proposée par le Gouvernement et retenue par les députés qui consiste en l'établissement d'une filiation spécifique pour les couples de femmes, la reconnaissance conjointe anticipée : nous sommes en faveur de l'extension du droit commun.

La loi a pour ambition de mettre fin à une discrimination concernant les femmes lesbiennes, mais, dans le même temps, elle crée une nouvelle discrimination : la loi prend d'une main ce qu'elle donne de l'autre. Cette loi doit assurer la protection de tous les enfants et toutes les familles sans discrimination, sans hiérarchisation, sans création de documents ad hoc pour certains enfants en raison de leur mode de conception ou de l'orientation sexuelle de leurs parents. Ce choix d'une solution dérogatoire est d'autant moins compréhensible que tout existe déjà dans le droit : depuis 1994, il existe un système de filiation pour les couples hétérosexuels qui ont recours à une PMA avec donneur ; la double filiation maternelle existe ; la filiation d'un enfant avec un parent non géniteur existe.

Avec la reconnaissance conjointe anticipée, l'établissement de la filiation sera différent pour la femme qui accouche selon qu'elle est en couple avec un homme ou une femme, différent aussi pour le second parent non géniteur selon qu'il est un homme ou une femme, et l'acte de naissance de l'enfant sera différent selon que ses parents ont eu recours, à une PMA avec donneur ou pas et selon l'orientation sexuelle de ses parents. À même conception, même filiation : la femme qui accouche doit être mère par son accouchement, le second parent doit l'être par son consentement au don et présomption s'il est marié et par consentement au don et reconnaissance s'il n'est pas marié, qu'il soit homme ou femme. Sinon, cela revient à inscrire dans la loi une discrimination basée sur l'orientation sexuelle des personnes !

Pourtant l'extension du droit commun serait simple et n'enlèverait rien à personne. Alors pourquoi ce blocage ? En raison de l'hétéronormativité de notre droit, qui a été écrit par et pour les hommes. Depuis des siècles, notre droit de la famille a été fondé sur le mariage, entre une femme et un homme jusqu'en 2013, et sur la volonté de contrôler le corps des femmes et la procréation. Le mariage pour tous n'est pas un mariage pour toutes, car le mariage entre deux femmes n'emporte pas les mêmes effets en termes de filiation qu'un mariage entre un homme et une femme. L'histoire, l'anthropologie, les sciences sociales montrent que les systèmes de parenté et donc de filiation sont soumis à des normes culturelles changeantes et aux évolutions politiques, économiques, sociales, religieuses et même biotechniques.

Reconnaissance ? Non, car il y a rupture d'égalité en droit des effets du mariage. Conjointe ? Non, car il y a rupture d'égalité entre les femmes qui accouchent. Anticipée ? Non, car il y a rupture d'égalité d'établissement de filiation entre des enfants selon que leur mère est en couple avec une femme ou pas.

Il n'existe pas de modèle universel ni unique de la famille, mais il n'y a qu'un seul type d'égalité et il n'y a pas d'égalité partielle : l'égalité est ou n'est pas.

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