J'ai l'honneur de me présenter devant vous en tant que candidat au poste de directeur général de l'Office français de la biodiversité. Avant d'évoquer mes motivations et ma vision pour l'OFB, je présenterai ce qui a été fait et ce qui reste à faire pour permettre à l'OFB de devenir un grand établissement de protection de la nature et de la biodiversité. Avant de commencer, je voudrais saluer et remercier les deux directeurs généraux, ainsi que leurs équipes, avec lesquels j'ai travaillé pendant un an : Christophe Aubel, directeur général de l'AFB, et Olivier Thibault, qui était directeur général de l'ONCFS, avant d'être nommé directeur de l'eau et de la biodiversité, il y a quelques semaines. Cela fut une année de travail particulièrement intense et je n'aurais pas pu mener ma mission à bien sans leur implication ni celle des équipes des deux établissements.
Ma candidature est une candidature de conviction et d'expérience. De conviction tout d'abord. L'érosion de la biodiversité, la dégradation des milieux naturels terrestres, aquatiques et marins nous obligent à passer à la vitesse supérieure pour que l'action publique soit à la hauteur des défis. Le dernier rapport de l'IPBES, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, a encore renforcé le sentiment d'urgence qui m'animait : il dresse le constat scientifique accablant et incontestable, étayé par de nombreuses études, des menaces qui pèsent, à une vitesse accélérée, sur la biodiversité. Un million d'espèces végétales et animales sont menacées d'extinction ; 75 % des écosystèmes terrestres sont dégradés, 50 % des écosystèmes d'eau douce et 40 % des écosystèmes marins. C'est sans précédent pour l'humanité. En France, 30 % des oiseaux des milieux agricoles et 50 % des oiseaux des zones humides ont disparu en trente ans.
Mon parcours au sein du Muséum national d'Histoire naturelle m'avait déjà sensibilisé à cette situation et surtout à la nécessité de mobiliser toute la société autour des questions liées à la biodiversité. La continuité de ma carrière professionnelle et de mon engagement me conduit aujourd'hui à souhaiter devenir directeur général de l'OFB, après en avoir posé les fondations en tant que préfigurateur. Mes fonctions de directeur au Muséum ou à l'Inrap me confèrent une expérience et un savoir-faire dans la direction d'établissements publics que je compte mettre au service de l'OFB pour le structurer, le piloter, le gérer et le promouvoir.
L'idée de créer un établissement public intégrant toutes les dimensions de la biodiversité n'est pas nouvelle. Le Grenelle de l'environnement, en 2007, puis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages, qui a créé l'Agence française pour la biodiversité, ont constitué des étapes importantes avant la décision de fusionner l'AFB et de l'ONCFS en 2018. L'OFB s'inscrira dans la continuité des deux établissements publics et continuera d'exercer leurs missions. Il marchera sur ses deux jambes : régalienne, en assurant la police de l'eau, de la chasse et des usages de la nature, ainsi que sa mission d'expertise et de soutien aux politiques publiques ; et sociétale, en apportant un appui aux gestionnaires d'espaces naturels ou en oeuvrant en faveur de la mobilisation de la société, conformément aux contrats d'objectifs et de performance des deux établissements publics, qui seront toujours en vigueur en 2020.
J'ai aussi bien conscience que l'OFB suscite des attentes fortes de la part des citoyens, de l'État et des élus. J'ai rencontré de nombreux élus et acteurs locaux tout au long de ma mission de préfiguration. D'après les sondages, huit Français sur dix considèrent la biodiversité comme une question importante et les questions environnementales figurent parmi les trois préoccupations principales des Français, qui font le lien, de plus en plus, entre leur santé, la qualité de vie et l'alimentation.
Pour être à la hauteur de ces attentes, l'office devra d'abord rassembler tous les acteurs, sans exclusive, autour d'une vision intégrée de la biodiversité, qui reflète d'ailleurs l'interdépendance entre les milieux naturels, entre les espaces et les espèces, et entre l'homme et la nature. L'objectif sera de protéger le vivant et de réduire la pression sur les écosystèmes. Tous ceux dont l'activité a un impact sur la nature doivent être représentés au sein de l'OFB - agriculteurs, chasseurs, associations de protection de la nature, entreprises, agences de l'eau, usagers de la nature, etc - et à tous les niveaux, à commencer par les instances de gouvernance. Celles-ci comprendront un conseil d'administration qui sera composé de 43 membres, un comité de direction - il n'y en aura qu'un seul, à la différence de l'AFB qui en avait plusieurs -, mais il comportera des formations spécialisées, et un conseil scientifique. Ce rassemblement de tous les acteurs doit favoriser l'interaction des parties prenantes, tant autour de projets qui existent déjà et qui se poursuivront, comme le programme Agrifaune, le plan Écophyto, que des nouveaux projets qui émergeront, grâce notamment à l'éco-contribution, dispositif vertueux qui permettra de rassembler, autour de projets concrets, les chasseurs, qui géreront l'éco-contribution, et d'autres acteurs avec lesquels ils sont en interaction. Ce mécanisme a déjà fait l'objet d'une convention entre l'Agence française pour la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs. Je crois, à cet égard, avoir démontré ma capacité à écouter et à faire travailler ensemble tous les acteurs, y compris ceux qui ont des sensibilités et des intérêts apparemment divergents.
Deuxième priorité : être présents et visibles dans les territoires et agir au service de tous les territoires. L'office disposera d'une capacité opérationnelle dans tous les départements et les inspecteurs de l'environnement auront des pouvoirs renforcés. La fusion de l'AFB et de l'ONCFS permettra d'étoffer les services départementaux, qui compteront entre 15 et 25 agents en moyenne, chargés d'effectuer des missions de police, de contrôle, de sensibilisation, d'appui aux acteurs, etc. Au total, 1 700 agents de terrain seront ainsi déployés, particulièrement dans les territoires ruraux. Cette présence doit garantir un partage équilibré des usages des espaces naturels, le respect des règles de protection de la biodiversité et le maintien d'un environnement de qualité. L'office doit aussi jouer un rôle d'appui des collectivités territoriales. J'ai pu mesurer, lors de mon tour de France de la préfiguration, les attentes des élus, des maires, des conseillers départementaux et régionaux. Ils sont très intéressés par certains dispositifs qui existent déjà, comme les agences régionales de la biodiversité, les « Territoires engagés pour la nature » ou les « Atlas de la biodiversité communale », mais pour satisfaire les attentes croissantes de la société d'autres initiatives doivent aussi être encouragées. J'ai constaté, au Congrès des maires, que le thème de la biodiversité avait fréquemment été évoqué.
Je veux aussi porter un effort particulier pour les outre-mer et, notamment, les parcs naturels marins : ils seront gérés par l'OFB. Leurs effectifs progresseront, alors que les effectifs de l'office diminueront globalement, comme vous l'avez indiqué.
Notre rôle est aussi de diffuser les connaissances sur la biodiversité pour mieux sensibiliser la société. L'OFB doit être un acteur majeur de la connaissance sur la biodiversité, grâce à la collecte de données et à la recherche sur les milieux et les espèces, en lien avec les organismes de recherche.
Nous devrons aussi mettre en oeuvre, de manière cohérente, coordonnée et lisible, les stratégies nationales et les politiques publiques de l'eau et de la biodiversité, comme la directive-cadre sur l'eau ou la directive-cadre stratégie pour le milieu marin, sous l'égide des services centraux et déconcentrés de l'État, en particulier des deux ministères de tutelle de l'établissement, le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, mais aussi des ministères de la justice ou de l'intérieur, pour coordonner notre action avec les préfets et parce que les agents de l'OFB auront des pouvoirs de police judiciaire.
J'entends aussi veiller à l'autonomie et à la neutralité de l'établissement. L'OFB sera d'autant plus respecté qu'il aura un positionnement clair vis-à-vis de toutes les parties prenantes et qu'il sera reconnu dans son rôle d'expert au service des politiques publiques.
L'année de préfiguration a été intense. Elle a toutefois permis de définir les paramètres vitaux du nouvel établissement afin qu'il puisse fonctionner dès le 1er janvier 2020. L'OFB, c'est d'abord des hommes et des femmes de conviction, qui exercent leurs missions et leur métier avec passion et engagement, en étant reconnus pour leur compétence dans les territoires où ils travaillent. Les personnels avaient, quand j'ai commencé ma mission, des attentes très fortes et anciennes d'évolution statutaire. Elles m'ont paru légitimes, et je les ai défendues avec Emmanuelle Wargon. Dans un contexte budgétaire difficile pour tous les établissements publics, nous avons obtenu le lancement d'un plan de requalification des agents techniques de l'environnement, de catégorie C, en techniciens de l'environnement, de catégorie B, sur cinq ans, à partir de 2020 ; 300 agents techniques de l'environnement deviendront techniciens dès 2020. C'est une avancée considérable qui était attendue depuis très longtemps par les agents des deux établissements constituant l'office. En revanche, nous n'avons pas obtenu la revalorisation des chefs de services départementaux, agents de catégorie B, en catégorie A, revalorisation qui me semble pourtant légitime au regard de leurs missions, car ils sont les interlocuteurs des préfets et des directions départementales des territoires. À défaut de revalorisation, on a obtenu une compensation indemnitaire, qui n'est pas, à mon avis, à la hauteur des enjeux statutaires, mais le dossier reste ouvert.
J'en viens au schéma d'emplois. Vous évoquiez 63 suppressions de postes à partir de 2021 ; en réalité, il y aura 60 suppressions postes entre 2021 et 2022, alors que le schéma d'emplois qui m'était indiqué lorsque j'ai pris mes fonctions comportait 127 suppressions de postes : 47 en 2020, 40 en 2021 et 40 en 2022. Grâce à une action forte et collective, nous avons réussi à faire en sorte qu'il n'y ait aucune suppression d'emplois à l'OFB en 2020. Il ne fallait pas grever l'établissement au moment où il se constituait. De même, en 2021, le nombre de suppressions de postes sera divisé par deux, avec 20 postes en moins au lieu de 40, et 40 postes seront supprimés en 2022 pour contribuer à l'effort de réduction de l'emploi public, au même titre que tous les établissements publics.
Le budget est stabilisé à 423 millions d'euros, ce qui comprend la subvention pour les parcs nationaux qui transite par l'OFB avant d'être reversée aux parcs. Ces derniers sont rattachés, mais non intégrés, à l'office, à la différence des parcs naturels marins. Toutefois, nous assurons leur gestion comptable et la gestion de leurs ressources humaines.
La perte de recettes de 41 millions d'euros, liée à la baisse de la redevance cynégétique, à cause notamment de la baisse du montant du permis national de chasser de 400 à 200 euros, sera compensée par une dotation budgétaire financée par le programme 113 relevant du ministère de la transition écologique et solidaire. L'OFB aura donc un budget équilibré dès sa création.
En tant que préfigurateur, l'une de mes missions a consisté à définir une organisation qui soit lisible et opérationnelle dès le 1er janvier 2020. Elle s'articule autour de trois échelons territoriaux : un échelon national de pilotage stratégique, un échelon régional de coordination, qui permettra aussi de travailler avec les services déconcentrés de l'État et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), et un échelon départemental. J'ai supprimé les échelons interdépartementaux et interrégionaux. J'ai aussi souhaité la création d'une direction générale adjointe des territoires et des outre-mer. Il fallait reconnaître au plus haut niveau de l'organigramme l'importance des enjeux ultramarins, l'outre-mer abritant 80 % de la biodiversité française. Il y aura aussi trois directions générales déléguées : une direction générale déléguée aux ressources, assez classique, mais qui n'existait pas, et qui aura pour mission de piloter l'établissement ; une direction générale déléguée à la mobilisation de la société ; et une direction générale déléguée à la police, la connaissance et l'expertise. Sera aussi institué un délégué à la mer auprès du directeur général, qui sera le porte-parole du milieu marin, en interne comme en externe, conformément aux souhaits des acteurs du milieu marin. Il sera basé à Brest, dans l'ancien siège de l'Agence des aires marines protégées. Beaucoup reste à faire pour structurer l'établissement. Nous devrons développer une culture commune, j'ai déjà engagé le mouvement, mais cela prendra du temps. En 2020, nous installerons aussi les instances de direction : le conseil d'administration qui, avec 43 représentants, constituera une instance déterminante dans la définition de la stratégie et des orientations, le comité d'orientation qui aura des formations spécialisées, notamment pour la mer et l'outre-mer et, enfin, le conseil scientifique. Je souhaite renforcer l'interaction entre ces instances afin de garantir la cohérence de l'action de l'office.
Nous devrons également harmoniser les procédures et mettre en place un schéma pluriannuel de stratégie immobilière. L'OFB compte 300 implantations sur tout le territoire national, nous devrons les rationaliser. Il faudra aussi rédiger un règlement intérieur, travail colossal, et un nouveau contrat d'objectifs et de performance avec l'État, à partir de 2021. Il sera également nécessaire de procéder à une revue des missions, pour définir des priorités, travail que j'ai commencé avec les équipes des deux établissements. Nous participons, en outre, à la définition d'une stratégie nationale de contrôle qui sera bientôt dévoilée et que nous mettrons en oeuvre.
L'année prochaine sera une année décisive pour la biodiversité, avec le Congrès mondial de la nature en juin et la COP 15 biodiversité à Kunming, en Chine, en novembre. Il s'agira pour nous d'être opérationnels dès le début de l'année pour ne pas rater ces rendez-vous internationaux.
Une de nos premières missions consistera à aider le ministère de la transition écologique et solidaire à définir une stratégie des aires protégées. Il s'agit d'une priorité politique. Cette stratégie doit permettre d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République : 30 % de notre territoire classé en aires protégées, dont un tiers en protection forte. Nous devrons aussi contribuer à l'élaboration de la troisième stratégie nationale de la biodiversité. Enfin, enjeu général, mais fondamental, il faudra assurer la visibilité de l'OFB dès la première année et mobiliser toute la société. On ne peut pas attendre de réponse à la hauteur des enjeux de l'érosion de la biodiversité sans mobilisation des acteurs et de tous les citoyens.
Nous vivons un moment de profondes transitions. J'ai la conviction que, grâce à l'implication et à l'intérêt grandissant des citoyens pour la biodiversité, rien ne sera plus comme avant en la matière. Je souhaite que l'OFB constitue le levier de cette mobilisation en faveur de la préservation du vivant dans tous nos territoires.