Intervention de Pierre Dubreuil

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 décembre 2019 à 9h30
Audition de M. Pierre duBreuil candidat proposé aux fonctions de directeur général de l'office français de la biodiversité ofb

Pierre Dubreuil, candidat proposé aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB) :

Monsieur Bignon, j'ai entendu les frustrations et les attentes des ultramarins. L'enjeu est fort, car la dégradation des écosystèmes d'outre-mer est un fait. Ces atteintes au patrimoine naturel, connues, sont diverses - problèmes des coraux, sargasses, chlordécone... - et pèsent sur la santé des habitants et sur l'activité économique de ces territoires, notamment le tourisme. L'OFB consacrera donc à ce dossier un effort considérable en termes d'effectifs et d'organisation.

À la centaine d'agents aujourd'hui dédiés aux outre-mer au sein de l'AFB et de l'ONCFS s'ajouteront 18 agents. Pour répondre à la demande des préfets et des acteurs locaux, il y aura 5 délégués territoriaux de l'OFB, un dans chaque bassin ultramarin - Guyane, Martinique-Guadeloupe, océan Indien, Nouvelle-Calédonie, Polynésie -, interlocuteurs uniques qui seront le relais des autres agents de l'office dans ces territoires.

Concernant les attentes des territoires ruraux, ma conviction est que biodiversité et ruralité vont ensemble. Mes racines rurales sont d'ailleurs assez profondes puisque je suis le fils d'un vétérinaire de la Sarthe. Je sais donc qu'il y a dans ces territoires de nombreux connaisseurs de la nature, qu'ils soient membres d'associations, chasseurs, pêcheurs ou agriculteurs. Nous devons nous appuyer sur cette connaissance, qu'ils veulent conserver, ces traditions et ces patrimoines. La fusion des équipes permettra de donner davantage de poids aux services départementaux et d'être présents dans des territoires reculés. Je ferai en sorte de maintenir le lien social entre les inspecteurs de l'environnement et les acteurs des territoires ruraux. Nous devons veiller à cet enjeu territorial et rural dans la perspective du départ à la retraite d'agents très expérimentés, qui seront remplacés par des jeunes qu'il faudra former.

Vous m'avez interrogé sur l'accompagnement par l'OFB des ARB créées par la loi de 2016, lesquelles sont au nombre de cinq, d'autres étant en préfiguration. Je souhaite un accompagnement en termes d'effectifs, sachant que le directeur régional de l'OFB est le vice-président de l'ARB lorsqu'il y en a une ; certaines régions, en revanche, n'ont pas souhaité créer d'agence. En cas de création d'une ARB, l'office apporte un soutien à hauteur de 300 000 euros, les régions demeurant chef de file en matière de biodiversité. Ce dispositif d'aide sera « à la carte » et souple, car les régions souhaitent avancer à des rythmes différents. Il s'agit de rassembler tous les acteurs autour d'une stratégie régionale pour la biodiversité.

Pour ce qui est des relations avec l'ONF et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'OFB ne sera pas un isolat, bien au contraire. L'objectif est de mettre en place des partenariats avec tous les acteurs présents en son sein, mais aussi les acteurs extérieurs. La cohésion des territoires doit aller de pair avec la ruralité et la biodiversité. Nous construirons des liens avec l'ANCT, dont je vais rencontrer le directeur général. Avec l'ONF, établissement ancien qui connaît des difficultés et aura bientôt un nouveau directeur général, le partenariat est évident. Il convient de le renforcer parce que nous avons en commun des sites, des activités de police de l'environnement, la capacité de gérer des crises. Ainsi, nous travaillons ensemble sur la peste porcine africaine. L'une des pistes de ce partenariat intégré est la formation aux métiers de police de l'environnement, pour laquelle nous mutualiserons les capacités d'expertise et opérationnelles de nos deux établissements.

Afin d'apporter des réponses adaptées face aux atteintes à l'environnement, l'OFB travaillera étroitement avec les procureurs, mais aussi avec les préfets de région et de département, qui sont chargés du pilotage des stratégies nationales de l'État. C'est ce que font l'AFB et l'ONCFS dans le cadre des missions inter-services de l'eau et de la nature (Misen), qui rassemblent tous les services de l'État présents dans les régions pour préparer le déploiement et la mise en oeuvre des stratégies relatives à la biodiversité.

Notre mission est-elle de sanctionner ou de prévenir ? Tout d'abord, le directeur général de l'établissement devra appliquer les missions prévues dans la loi, qui sont des obligations de service public. Les missions conférées à l'établissement sont très variées : prévention, sensibilisation, expertise, sanction le cas échéant. J'ai pris connaissance, lors du Congrès des maires, des attentes des élus. Certains souhaitent que nous sanctionnions les usages inacceptables de la nature, d'autres que nous menions des actions de prévention et de sensibilisation. Il est nécessaire d'adapter les réponses aux besoins de chaque territoire. Là encore, la proximité doit prévaloir. Les 1 700 inspecteurs de l'environnement sont chargés de l'application de la loi, et assurent des missions régaliennes de police judiciaire et de police administrative.

L'artificialisation est l'une des premières causes d'érosion de la biodiversité. La mission de l'OFB dans le cadre de la séquence « éviter, réduire, compenser » est d'apporter une expertise sur les projets d'urbanisme, de délivrer des conseils et de la connaissance. Il convient également d'engager un dialogue avec les acteurs concernés. Ce n'est pas simple au vu des intérêts divergents que vous avez évoqués, madame Vullien, et que nous devons faire coexister. En revanche, nous n'intervenons pas au niveau des décisions préfectorales ou des documents d'urbanisme. Mon intention est de développer le rôle d'expertise et d'apport de connaissances de l'OFB, qui constitue sa plus-value.

Pour compléter ma réponse à votre question, madame la sénatrice, j'ajoute qu'il existe dans les territoires des projets permettant de transcender les divergences. En Seine-et-Marne, par exemple, la fédération départementale des chasseurs a mis en place à destination des enfants des actions d'éducation à la biodiversité sur les territoires de chasse. De telles initiatives vertueuses, qui permettent aux acteurs locaux de se parler, sont appelées à se multiplier grâce à l'éco-contribution.

L'éducation à l'environnement est l'une des missions de l'office qui pourra ainsi, grâce aux aires marines éducatives, sensibiliser les enfants au problème de l'érosion en milieu marin. De telles actions doivent être également lancées dans les territoires ruraux. Ces initiatives ont pour objectif de rassembler les différents acteurs autour de la même finalité : connaître et préserver la biodiversité.

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