Intervention de Stéphane Richard

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 décembre 2019 à 9:5
Audition de M. Stéphane Richard président-directeur général d'orange

Stéphane Richard, président-directeur général d'Orange :

Le budget pour l'entretien de ce réseau est de 500 millions d'euros par an, réparations non comprises, car elles sont accomplies par une autre entité de l'entreprise.

L'élagage est un vrai problème. Il existe des servitudes et le maire dispose d'un pouvoir de police, mais il est parfois délicat à exercer. Beaucoup de dégâts sur nos réseaux aériens sont en effet liés au caractère déplorable de l'élagage. C'est un combat que nous devons mener en commun, notamment contre le manque de civisme.

J'ai une préférence toute personnelle pour les poteaux en bois, pour des questions d'esthétique, notamment sur les petites routes de campagne. Mais les arguments en faveur des poteaux composites sont réels et nous nous sommes engagés dans un remplacement progressif des poteaux en bois par des poteaux composites. Je suis assez sensible à l'ensemble de vos arguments sur ce sujet, même si mes services techniques ne vont pas nécessairement apprécier mes réponses.

Il y a un décalage aujourd'hui entre la disponibilité de la fibre pour le grand public et pour les entreprises, ce n'est pas normal. C'est essentiellement lié aux éléments de régulation, et marginalement aux ambitions insuffisantes d'Orange. Mais, en 2020, notre nouvelle offre de fibre dédiée aux entreprises (FttE) devrait nous permettre de développer la fibre pour entreprises à grande échelle et d'atteindre quatre fois plus de clients en 2023 qu'en 2020. La fibre doit irriguer le tissu économique et nous sommes en retard. Avec l'émergence de Kosc Telecom, l'Arcep nous a demandé de faciliter les choses, ce que nous avons fait. Cela n'a pas fonctionné pour diverses raisons, mais franchement, ce n'est pas la responsabilité d'Orange. Nous ne mettrons des bâtons dans les roues de personne.

Nous avons d'ailleurs retiré notre QPC concernant l'Arcep. Depuis, un dialogue extrêmement constructif s'est noué avec le régulateur. Orange n'est pas là pour créer des difficultés, mais nous réagissons lorsque nous considérons que nous sommes injustement traités ou attaqués. Y a-t-il un problème de sécurité juridique sur les décisions de sanction de l'Arcep ? Peut-être, beaucoup de gens le disent.

Une de nos filiales, Nordnet, commercialise nos offres satellitaires, afin d'apporter une connectivité dans des territoires difficilement desservis par les réseaux fixes ou cellulaires. En France, cela restera nécessairement limité, car nous investissons massivement dans la fibre qui va pouvoir se déployer presque partout. Orange a signé un accord avec Eutelsat pour le lancement d'un satellite de dernière génération ; cela devrait permettre de relancer la filière satellitaire française - il s'agit d'un satellite français construit par Thalès - et de proposer une nouvelle offre de bande passante par satellite en 2021.

Le contenu des annonces concernant les enchères sur la 5G n'est pas idéal, mais il s'agit d'un point d'équilibre raisonnable. Le dessin de l'appel d'offres - avec une partie en gré à gré et une partie en appel d'offres - est une bonne solution, car il sécurise les acteurs. Le prix de réserve annoncé est élevé, mais d'une part, le prix de réserve a toujours été élevé dans notre pays, d'autre part, la situation n'est pas comparable avec l'Allemagne ou l'Italie où ces prix ont atteint des sommes astronomiques car les situations n'étaient pas les mêmes. Ce schéma ne devrait pas poser de problème de déploiement de la 5G. Ces enchères arrivent un peu tard, mais nous ne sommes plus à six mois près : ne dramatisons pas, la France n'est pas spécialement en retard.

Les opérateurs sont extrêmement attentifs à la sécurité des infrastructures : Orange compte 2 000 experts sur les questions de sécurité, nous sommes l'un des principaux acteurs européens de la cybersécurité et cette question est au coeur de nos missions et de nos valeurs. Nous sommes en relation permanente avec l'Anssi et les autres acteurs de la sécurité des réseaux. Mais c'est aussi une question plus géopolitique - c'est le principe de précaution : quand vous utilisez un matériel étranger, vous créez une forme de dépendance. Orange se conforme à l'analyse des risques géopolitiques pays par pays. Il ne faut pas mélanger ces deux aspects de la question de la sécurité, ils sont de nature différente.

Orange partage un tiers de son réseau mobile avec d'autres opérateurs : nous pratiquons donc la mutualisation. De même, nous avons fait des ouvertures de sites à nos concurrents, comme les toits-terrasses par exemple. Et nous devrons aller encore plus loin dans la mutualisation afin d'améliorer notre couverture dans les zones peu denses.

Le commissaire européen chargé de l'agenda numérique est Thierry Breton, ancien dirigeant de France Télécom. J'ai beaucoup d'estime et d'amitié pour lui. Sa nomination est une excellente nouvelle pour nous, pour la France et pour l'Europe.

Margrethe Vestager sera toujours en charge des questions de concurrence et de concentration. C'est une femme de très grande qualité et qui a beaucoup d'autorité. Je l'ai récemment félicitée pour le courage avec lequel elle a attaqué la question des conditions concurrentielles avec les Gafam - Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft - : les enquêtes réalisées par l'Europe sont récentes, et c'est la première fois que l'on s'attaque à des entreprises comme Apple et Google. Cela mérite d'être salué.

Mais Bruxelles n'a pas beaucoup encouragé la concentration dans l'industrie des télécoms. Ce n'est pas seulement de la faute de Mme Vestager : les pouvoirs publics nationaux ne s'intéressent pas non plus à cette question et l'opinion publique a plutôt tendance à préférer plus d'opérateurs, afin de faire baisser les prix.

L'Europe a un rôle à jouer sur l'intelligence artificielle, la cybersécurité et la souveraineté numérique. En effet, tous les acteurs européens produisent des données, qui sont ensuite aspirées par les acteurs de l'internet américains. Aux États-Unis, le Cloud Act permet aux autorités américaines de puiser dans les données détenues par les acteurs américains sur le sol américain, sous prétexte d'assurer la sécurité nationale américaine. Cela existe aussi en Chine. L'Europe, aujourd'hui ouverte à tous les vents, doit s'en doter. Nous soutenons les projets de clouds souverains européens. Ce sera une des thématiques importantes de M. Breton et Mme Vestager.

Nous sommes très engagés sur la protection des données et la lutte contre les contenus malveillants. Nous appliquons strictement le Règlement général sur la protection des données (RGPD), mais cela n'est pas suffisant. Il faudrait, a minima, que les règles de la directive ePrivacy s'appliquent à tous les acteurs, y compris les Gafam : c'est ce que nous appelons le « level playing field », des conditions de concurrence et de régulation identiques pour tout le monde. Par exemple, vous êtes probablement nombreux à utiliser WhatsApp, que Facebook a racheté 19 milliards d'euros ; cet achat a été validé par la Commission européenne en deux mois, alors qu'elle a rendu une décision négative sur la dernière concentration européenne après 18 mois d'enquête !

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