Intervention de Cédric Villani

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 14 novembre 2019 à 9h50
Audition publique sur l'hésitation vaccinale un phénomène multifactoriel : constat étude et pistes d'évolution

Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

Merci pour toutes ces interventions. De toutes les séances d'auditions que nous avons eues, c'est celle où il y a eu le plus de questions qui n'ont pas trouvé de réponse franche, ou auxquelles les réponses étaient nuancées, non pas sur le fond du problème, c'est-à-dire la vaccination en elle-même, mais sur la façon d'aborder ce sujet dans le débat public et dans la communication.

Ce sujet en soi est difficile, délicat à analyser. Historiquement, comme cela a été rappelé par Laurent-Henri Vignaud, les premières évaluations sur l'efficacité de la variolisation et ensuite celle de la vaccination ont suscité des débats. Il y a eu la contribution importante de Daniel Bernoulli, les remarques de d'Alembert, et sur les décennies, les siècles qui ont suivi, toutes sortes de discussions sur les mérites comparés vaccin par vaccin. La remarque sur le BCG donnée par Alain Fischer montre bien qu'en la matière, il peut arriver qu'on déclasse un vaccin que l'on pensait efficace, ou que l'on revoit les recommandations associées à tel autre.

Cependant, aujourd'hui, il y a un quasi-consensus scientifique par rapport aux vaccins qui sont actuellement utilisés. Il a été rappelé les réticences, rares, concernant la question des adjuvants ou encore la politique de vaccination contre les papillomavirus. De tout ce qu'on a dit, je comprends d'ailleurs qu'il y a maintenant consensus sur le fait que le vaccin anti-HPV devrait être généralisé à tout le monde, garçon ou fille, et traité à un âge relativement précoce.

Sur le fond, ce sujet est complexe et il a mis beaucoup de temps à s'imposer. Il demande une discussion segmentée, vaccin par vaccin, usage par usage, mais aujourd'hui, il y a bien un certain consensus sur les vaccins les plus courants.

En dépit de ce consensus scientifique, il reste de la contestation, de l'hésitation, du scepticisme, qui se sont très bien approprié, comme on l'a vu dans l'intervention de Jérémy Ward, la complexité dossier. D'une contestation globale sur la question des vaccins, on est passé à une contestation plus subtile, au cas par cas, avec un rapport bien plus étroit à la sophistication scientifique.

Sur la question de l'opinion, nous avons entendu beaucoup de choses intéressantes. Premièrement, les opinions ne se font pas sur des statistiques et des arguments d'autorité. Elles sont très influencées par les crises sanitaires, pas forcément en lien direct avec la vaccination. Elles sont également influencées par des témoignages particuliers, par la proximité et en particulier par le discours du médecin, peut-être « le meilleur adjuvant ». On a vu que des questions à la fois psychologiques, réglementaires d'environnement, de procédures, de logistique, de facilitation... participent au processus. Nous l'avons entendu à travers les témoignages de Mesdames et Messieurs Opinel, Fischer, Partouche, Quelet, Drouot, dont il résulte que la façon dont l'opinion se forge est complexe et dépend d'un grand nombre de paramètres.

On a vu que la réponse à la question qui vient en corollaire : « quelle est la bonne façon de faire passer les messages utiles pour l'intérêt public ? » n'est pas simple. L'éducation ne fait pas tout. Comme le rappelait Coralie Chevallier, parfois, en voulant rassurer, on inquiète. L'impact des sites internet n'est pas clair, en particulier l'impact des fausses nouvelles. Des statistiques intéressantes arrivent avec les sites officiels d'information, Isabelle Bonmarin en a évoquées certains, mais il y a une réelle difficulté à estimer leur impact. On nous a dit que le traitement de l'information dans les journaux généralistes avait un impact important. Il dépend de la mise en scène, de la façon dont le sujet est traité, et il semble que le traitement par le journaliste spécialiste soit le plus susceptible de forger une conviction allant dans le sens de l'adhésion. Dans la première table ronde, on a cependant entendu que, sur ces trois dernières années, le traitement par les grands journaux généralistes a changé de façon importante, sans que je comprenne d'ailleurs ce qui a provoqué ce changement.

Pr. Alain Fischer. - Jusqu'en 2016, sur les réseaux sociaux et dans les médias en général, les autorités de santé et nous-mêmes, médecins, scientifiques, étions simplement absents des débats concernant la vaccination ; il n'y avait qu'une seule parole. L'introduction, ou la réintroduction d'une parole de santé, même si elle est plus ou moins crédible, concernant la mise en perspective honnête de la vaccination, a fini par avoir des répercussions positives. Il me semble que c'est tout un ensemble de choses qui a fait évoluer, la situation : la préoccupation des politiques, la concertation citoyenne, etc... Quelle est l'analyse des spécialistes ?

Jérémy Ward n'a pas l'air tout à fait convaincu.

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