Comment réagir en cas d'urgence, d'accident industriel par exemple ? Je reprends à mon compte les propos de Sir Gluckman : il est essentiel d'être bien préparé. Nous menons ainsi des actions pour nous préparer à ce type d'accident. Avoir les scientifiques autour de la table, disposer d'une structure de conseil scientifique, est important, car les scientifiques posent des questions différentes de celles des politiques et peuvent se rendre compte de la nécessité de faire appel à divers types d'expertises, auxquels ils peuvent avoir rapidement accès. Il est également fondamental que les conseillers scientifiques aient l'habitude de faire le lien entre les experts et les décideurs politiques, afin de permettre une bonne compréhension mutuelle. Dans une situation où chacun est sous pression, les conseils venant des scientifiques, incluant des notions de risque et d'incertitude, doivent en effet être traduits en des termes compréhensibles, afin d'être utilisables par les politiques. Nous avons, dans le système britannique, travaillé précisément sur cet aspect.
La réflexion concernant les technologies émergentes et l'intelligence artificielle est une priorité au Royaume-Uni. L'utilisation éthique de l'IA, les implications pour la société, sont des questions importantes, à tel point que ceci a conduit à la création d'un centre des données et de l'éthique. Des ressources considérables y sont consacrées et nous essayons de voir comment relever ce défi à l'échelle internationale. Les propositions formulées par le Canada et la France sur le partenariat mondial sur l'intelligence artificielle nous intéressent. Comme vous l'avez souligné, tout le monde n'y participe pas ; il s'agit néanmoins d'un point de départ pour la réflexion collective.
Concernant la communication, je pense que cette question est centrale, avec le développement des réseaux sociaux et de l'information en continu. Les sciences sont à la pointe des défis auxquels nous devons faire face. Que ce soit en matière d'IA ou de changement climatique, il faut identifier ces défis, ainsi que les solutions envisageables, en temps réel. L'évolution rapide du contexte complique la donne et les relations entre scientifiques et décideurs politiques. Tout est fondé sur la confiance : il faut expliquer pourquoi les avis changent, pourquoi notre façon d'appréhender les preuves évolue. Créer cette confiance est un défi. Il faut pour ce faire disposer sur place de structures permettant un dialogue permanent entre les scientifiques et les politiques. Ceci améliore la compréhension que les politiques ont des méthodes scientifiques et vice versa.
Sir Peter Gluckman. - Il est très important de se doter d'un registre national des risques. Nous avons pour notre part repris le modèle en vigueur au Royaume-Uni. Cela a pris quatre années, entre les membres du gouvernement et la communauté scientifique, pour explorer tous les risques, à court, moyen et long termes, auxquels le gouvernement doit se préparer. Il ne s'agissait pas seulement de recenser les risques dans un registre, mais de définir un référent en cas de problème. Il s'agit d'un exercice de grande ampleur, qui a révélé un certain nombre de risques principaux, environnementaux ou dans d'autres domaines, auxquels la Nouvelle-Zélande n'était pas du tout préparée. Ceci a conduit à de nombreuses modifications. Ce partenariat entre le mécanisme de conseil scientifique et les responsables du gouvernement, y compris des personnes responsables de la sûreté, visait à essayer de savoir à quoi il fallait se préparer. Il s'agit d'une bonne démonstration. Les scientifiques réfléchissent d'une façon, les politiques d'une autre. Associer les deux visions peut aboutir à quelque chose de positif. Je crois que l'Union européenne a adopté une résolution encourageant tous les États à adopter un tel système, mais je ne suis pas sûr que cela ait été mis en oeuvre.