Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 7 janvier 2020 à 14h30
Avenir des transports express régionaux — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les transports express régionaux (TER) sont un élément essentiel du maillage de nos territoires.

En France, 7 000 trains TER circulent sur 20 000 kilomètres de lignes de chemin de fer, dont 9 000 kilomètres de lignes de desserte fine du territoire, sans oublier les 1 300 autocars qui complètent cette offre de mobilité. Ils transportent chaque jour quelque 900 000 voyageurs.

Grâce aux financements des autorités organisatrices régionales, l’offre TER a progressé de plus de 25 % depuis 1997, et le trafic a crû de plus de 50 %.

Malgré ce rôle essentiel de maillage, notamment dans les territoires ruraux, où l’offre de mobilité est réduite, les TER souffrent aujourd’hui de nombreux maux, qui nous amènent à nous interroger sur leur pérennité. En effet, ils subissent une baisse de fréquentation qui s’explique essentiellement par le manque de régularité du réseau : des trains en retard ou supprimés, ou encore des incidents d’exploitation.

Alors que nous évoquons l’intermodalité dans les transports et la nécessité de faire du transport ferroviaire la colonne vertébrale de cette dernière, une telle tendance ne peut que nous alarmer.

Ce manque de régularité a une cause très claire, soulignée d’ailleurs par le récent rapport de la Cour des comptes : il s’agit de l’état très dégradé du réseau. En janvier 2019, SNCF Réseau indiquait que seuls 29 % de ces lignes régionales étaient jugées en bon état, tandis que plus de la moitié était touchée par des ralentissements, voire par une suspension de service.

Un rapport sur les lignes de desserte fine du préfet François Philizot est d’ailleurs très attendu par l’ensemble des élus et des acteurs de la mobilité.

Dans le cadre de la rédaction du rapport sur la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), j’avais pu auditionner le préfet Philizot. Selon lui, 7, 4 milliards d’euros seraient nécessaires pour remettre en état l’ensemble de nos petites lignes ferroviaires. C’est une somme colossale, qui nous amène à nous interroger sur le manque de moyens consacré dans le temps à l’entretien de notre réseau ferré.

Si un tel coût venait à se confirmer, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) devrait être totalement revu.

Les TER sont aujourd’hui majoritairement couverts par la subvention des régions, à hauteur de 3, 1 milliards d’euros, et par les voyageurs, à hauteur de 1 milliard d’euros. La Cour des comptes pointe, là aussi, une hausse continue des coûts d’exploitation depuis 2012.

Ainsi, les coûts complets d’exploitation, en comptant l’impact environnemental et le régime de retraite des cheminots – sujet d’actualité –, s’élevaient à 8, 5 milliards d’euros en 2017, dont le financement était assuré à 88 % par des subventions publiques.

L’État avait d’ailleurs indiqué son souhait de se désengager des petites lignes en demandant à SNCF Réseau, dans son contrat de performance, de ne plus investir sur ce segment et en réduisant son intervention dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER).

Logiquement, les régions sont désormais seules en première ligne pour maintenir cette offre de mobilité dans les territoires, et ce dans le cadre de budgets de plus en plus restreints.

Néanmoins, des réformes majeures engagées ces dernières années devraient aider les régions à améliorer cette offre de mobilité et permettre au TER de regagner en attractivité.

La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit l’ouverture à la concurrence des services non conventionnés à partir du 1er janvier 2019, en vue d’une exploitation à partir de décembre 2020.

Depuis le 3 décembre 2019, et jusqu’au 23 décembre 2023, l’État et les régions pourront ainsi attribuer des contrats de service public de transport ferroviaire de personnes, après publicité et mise en concurrence. Trois régions ont d’ores et déjà marqué leur volonté de mettre en concurrence certaines lignes, en entamant les procédures pour ce faire : les régions Grand Est, Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Le Sénat a joué un rôle clé dans la préparation de cette réforme, avec l’adoption en mars 2018 de la proposition de loi d’Hervé Maurey et de Louis Nègre relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

Grâce à cette proposition de loi, nous avons pu coconstruire, en bonne intelligence avec le Gouvernement, le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Enfin, lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités, le Sénat a réaffirmé son engagement pour les lignes à desserte fine, qui représentent une offre de mobilité indispensable.

La LOM répond d’ailleurs à une des préconisations de la Cour des comptes et clarifie les rôles entre l’État, les régions et le gestionnaire d’infrastructure.

Ainsi, concernant les lignes de desserte fine, la LOM prévoit la possibilité de transférer leur gestion aux régions qui en feraient la demande. Cette disposition est issue d’un amendement, qu’avait accepté le Gouvernement. Les régions seraient ensuite en capacité, dans le cadre de cette ouverture à la concurrence, de faire appel à l’exploitant ou à un tiers pour la gestion de l’infrastructure.

Cette liberté accordée aux régions a pour objectif de pérenniser ces lignes ferroviaires, tout en maitrisant les coûts d’exploitation.

Bien entendu, ce transfert de compétence ne règle pas le problème du manque d’investissement de l’État, afin d’accompagner les régions dans cette offre de mobilité.

De même, l’ouverture à la concurrence ne pourra pas apporter une solution miracle à tous ces problèmes, notamment le coût de régénération du réseau ferré. Ainsi, nombre de ces lignes de desserte fine sont aujourd’hui menacées, et il appartiendra aux régions d’évaluer la pertinence de conserver chacune d’entre elles, selon les spécificités de chaque territoire.

Le Sénat, compte tenu de son rôle auprès des collectivités territoriales, continuera de veiller à l’avenir de ces petites lignes, qui permettent à nos territoires ruraux de sortir des zones blanches de la mobilité et à nos concitoyens de bénéficier d’une offre de mobilité alternative à la voiture, partout en France, de Chavagnes-en-Paillers, en Vendée, dont je salue les représentants présents en tribune, à Cherbourg, en passant par l’ensemble des régions et des départements chers à chacun d’entre nous.

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