Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec cette nouvelle année, pour laquelle je vous présente mes meilleurs vœux, entrent en vigueur plusieurs dispositions majeures issues du nouveau pacte ferroviaire voté en 2018, dans le plus strict respect des engagements pris par le Gouvernement.
Ainsi, la SNCF est depuis le 1er janvier un groupe public unifié, constitué de sociétés nationales à capitaux publics. En recréant un groupe plus intégré, il s’agit d’améliorer l’efficacité opérationnelle de la SNCF, pour en faire une entreprise apte à affronter les enjeux de demain.
La loi de finances pour 2020, qui vient d’être adoptée, organise la reprise de 25 milliards d’euros de dettes de SNCF Réseau. C’est un effort sans précédent pour notre système ferroviaire, qui doit permettre à ce dernier de retrouver une trajectoire soutenable : dès cette année, plus de 400 millions d’euros de frais financiers seront économisés et réinjectés dans la rénovation du réseau ; ce point me paraît essentiel à souligner.
La fin du recrutement au statut de cheminot est par ailleurs effective depuis le 1er janvier dernier.
Enfin, et cela fait directement le lien avec notre débat d’aujourd’hui, l’État et les régions sont depuis le 3 décembre libres de mettre en concurrence l’exploitation des services qu’ils organisent, respectivement les trains d’équilibre du territoire (TET) et les TER.
Le train express régional transporte chaque jour près de 1, 3 million de voyageurs dans environ 7 900 trains et 1 300 autocars. Il s’agit donc d’un maillon essentiel des transports du quotidien pour nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire national, comme cela a été rappelé par M. Mandelli.
Je tiens à rappeler que les TER sont et resteront des services conventionnés, c’est-à-dire déficitaires et subventionnés par de l’argent public. C’est vrai pour absolument toutes les lignes, avec un taux de subvention du contribuable de 75 % en moyenne à l’échelle nationale, les recettes des billets couvrant les 25 % restants, soit moins que dans la plupart des pays européens. En 2019, les régions ont versé environ 3 milliards d’euros de subventions d’exploitation à la SNCF.
Avec l’ouverture à la concurrence, ce principe ne changera pas : il ne s’agit nullement d’une privatisation, comme on a pu l’entendre dire à tort ici et là. Les régions resteront aux commandes de ces services publics, dont elles continueront de définir l’ensemble des aspects : dessertes, horaires, confort, tarifs, services à bord et en gare.
Ainsi, il ne revient pas à l’État de se substituer aux régions, à qui appartient le suivi de la performance des services qu’elles organisent, en vertu du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, auquel je sais votre assemblée spécialement attachée.
Par ailleurs, l’amélioration de la productivité constitue un enjeu fondamental pour la compétitivité du transport ferroviaire par rapport aux autres modes de transport et une préoccupation majeure d’acteurs tels que la Cour des comptes, préoccupation sur laquelle je reviendrai plus tard.
Cet objectif relève avant tout du management de SNCF Voyages, entreprise publique. En particulier, la négociation des conditions de travail participe des prérogatives des partenaires sociaux, et il ne revient pas à l’État de remettre en cause ce que ceux-ci négocient, dans le respect du cadre posé par le pacte ferroviaire.
Le rôle de l’État est de créer les conditions optimales pour favoriser l’attractivité du mode ferroviaire. C’est bien ce qui guide l’action du Gouvernement depuis 2017.
Ainsi, l’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence permettra d’offrir aux voyageurs de nouveaux services, au meilleur coût. L’État travaille à préparer le système ferroviaire à cette ouverture en fixant les règles pour que celle-ci puisse s’exprimer dans des conditions équitables entre tous les opérateurs. De nombreux textes d’application ont ainsi été publiés au cours des dix-huit derniers mois, après concertation avec l’ensemble des acteurs.
En ce qui concerne l’organisation de la SNCF, le choix de faire de SNCF Voyages une société à part entière lui offrira la flexibilité nécessaire pour adapter son organisation en fonction de ses besoins. En particulier, l’entreprise aura désormais le choix d’exploiter ses services nationaux directement ou à travers des filiales.
Sur le plan social, l’État a engagé la création d’un nouveau cadre harmonisé pour les salariés du transport ferroviaire. Au-delà de la fin des embauches au statut, cela se traduit par les négociations en cours entre les partenaires sociaux sur la convention collective de branche, que le Gouvernement veut de haut niveau.
Enfin, en ce qui concerne les infrastructures, comme je l’ai souligné en introduction, l’État a consenti un effort sans précédent avec la reprise de 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau, dont 25 milliards d’euros au 1er janvier 2020. À terme, cela permettra à SNCF Réseau d’économiser de l’ordre de 1 milliard d’euros par an de frais financiers, donc d’intensifier ses investissements en faveur de la remise en état de ses infrastructures ferroviaires sans dégrader sa situation financière.
Je vous rappelle que 3, 6 milliards d’euros par an sur dix ans, auxquels s’ajouteront 200 millions d’euros par an à partir de 2022, seront ainsi consacrés aux investissements de régénération du réseau ferré national, qui représentent aujourd’hui 90 % des circulations et 80 % des circulations de TER. Cela correspond à une hausse de 50 % par rapport à la précédente décennie.
S’agissant des petites lignes ferroviaires, dont les investissements de régénération sont pris en charge par l’État et les collectivités dans le cadre des contrats de plan État-région, il convient de rappeler que leur coût complet, en incluant les dépenses d’entretien et d’exploitation, reste financé aujourd’hui par l’État et par SNCF Réseau à plus de 70 %, en tenant compte de l’effort accru des régions ces dernières années pour cofinancer les investissements nécessaires à leur remise en état.
Nous sommes tous conscients ici de la nécessité de faire face à un pic d’investissements historique pour la décennie à venir sur ces lignes, dont les rails et les plateformes sont arrivés au terme de leur durée de vie.
Cela représente plusieurs centaines de millions d’euros par an au cours des prochaines années, pour lesquels je tiens à vous confirmer, d’une part, que le Gouvernement respectera les engagements pris par l’État dans le cadre des CPER actuels, prolongés jusqu’à la fin de 2022, et, d’autre part, que les travaux du préfet Philizot, menés en partenariat avec les régions, ont permis de recenser l’ensemble des besoins et de bâtir des plans d’action régionaux, qui seront signés dans les prochaines semaines, avec des solutions innovantes et adaptées à chaque ligne, en termes techniques et de gouvernance.
Ces solutions pourront notamment s’appuyer sur les possibilités introduites par l’article 172 de la LOM, qui ouvre par exemple la voie à des transferts de gestion de certaines petites lignes au profit des régions qui en feraient la demande.
En parallèle, je souhaite que l’État impulse la création d’une véritable filière de « trains légers », pour redonner au TER la place qu’il mérite, y compris sur des dessertes fines des territoires. En jouant simultanément sur le dimensionnement des infrastructures, de la signalisation et des matériels roulants, je suis convaincu que des économies de l’ordre de 30 % à 40 % sont réalisables, en investissement comme en exploitation.
Ces nouvelles possibilités permettront de mieux faire face aux besoins de chaque territoire, en fonction du contexte et des besoins identifiés par les acteurs locaux en matière de transport public. En cela, le Gouvernement répond pleinement à la première recommandation du rapport que la Cour des comptes a rendu public à l’automne 2019 sur la gestion des TER entre 2012 et 2017.
Pour terminer, je souhaite revenir quelques instants sur ce rapport, qui a pu faire l’objet d’interprétations caricaturales, à commencer par le niveau d’engagement de l’État en faveur du ferroviaire.
Des neuf recommandations de la Cour, seules deux impliquent directement l’État : la première, que j’évoquais à l’instant, et la septième, relative à la disponibilité des données afin de réussir l’ouverture à la concurrence.
Cette seconde recommandation a été également satisfaite, à travers le décret Données, publié cet été pour permettre à l’État, pour les TET, et aux régions volontaires de préparer les premiers appels d’offres : il s’agit des régions Grand Est, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Hauts-de-France.
Toutes les autres recommandations de la Cour s’adressent aux régions et à la SNCF. Elles concernent notamment la qualité du service, les analyses socioéconomiques, les coûts d’exploitation, le niveau de présence des agents en gare et à bord, les plans de transport, la tarification, l’expertise des régions ou encore l’organisation interne de l’activité TER à la SNCF.