Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous achevons ce nouveau débat sur la ruralité. Assurément, ce ne sera pas le dernier, car le Sénat entend bien maintenir la pression qu’il exerce sur le Gouvernement.
L’exigence que nous cultivons à votre endroit, madame la ministre, se justifie par deux raisons.
La première, c’est que nous sommes, aux termes de l’article 24 de la Constitution, les représentants des collectivités territoriales de la République et, de ce fait, les obligés, en quelque sorte, des élus locaux. La seconde, c’est que le Gouvernement n’a cessé, depuis sa formation, de renouveler les témoignages d’amour, de compassion et de considération à l’endroit des territoires ruraux, que je ne crois pas encore perdus.
En politique, nous connaissions l’existence des « candidatures de témoignage ». Prenez garde de ne pas créer le concept de « politique publique de témoignage ».
Les conférences des territoires ont laissé un goût amer à de nombreux élus, leur déception étant proportionnelle à l’enthousiasme que vous avez suscité chez eux. Ne reproduisez pas la même erreur avec ce plan d’action en faveur de la ruralité, que je ne condamne pas a priori.
Sous l’impulsion de l’Association des maires ruraux de France, qui ont bien voulu vous aider sur ce sujet, le Premier ministre a présenté le 20 septembre dernier, lors du congrès des maires ruraux de France, ce plan ou agenda rural, qui est une émanation du rapport du 26 juillet 2019 de la mission « Agenda rural », dont l’AMRF était membre.
Comme certains, je salue de bonnes idées et l’important travail qui a été réalisé. Pourtant, je ne puis m’empêcher de relever une certaine dissonance entre ce plan, qui se veut la vitrine de votre politique publique en faveur de la ruralité, et vos actes quotidiens.
J’aborderai en premier lieu les maisons France services. Évoquées par le Président de la République lors du grand débat national, ces structures doivent rapprocher les citoyens des services publics dont ils sont bénéficiaires. Comment s’opposer à une telle idée ?
Cela étant, plus le temps passe, plus je me demande si ces structures vont réellement apporter une valeur ajoutée par rapport aux actuelles maisons de services au public (MSAP). J’en viens même à me demander si elles ne constituent pas une régression déguisée.
Ces maisons vont-elles conserver une dimension véritablement rurale ? Surtout, pourquoi, comme nous le voyons aujourd’hui, adopter une approche technocratique de ces structures en les obligeant, par exemple, à disposer de deux équivalents temps plein ? Ceux qui se plaignaient du manque de souplesse des MSAP vont être servis avec les nouvelles maisons France services !
Je m’arrêterai en second lieu un instant sur le sort que vous réservez au plan France très haut débit. Vous l’avez suspendu en 2017 avant de le relancer en 2019, mais sans moyens. C’est pour cette raison que le Sénat a souhaité, dans sa sagesse, amender la loi de finances, pour alimenter ce plan non pas en crédits de paiement, mais en autorisations d’engagement. Comme vous le savez, ce plan est le moteur de l’aménagement numérique de nos territoires.
Avec cette décision, avec ce nouveau cahier des charges, vous actez la mort du plan France très haut débit. Dans un récent communiqué, vous avez d’ailleurs évoqué l’objectif de couvrir 92 % de la population, laissant 5, 5 millions d’habitants sur le bord de la route.
Aussi est-ce avec une certaine prudence que je considère le plan d’action en faveur des territoires ruraux. Je ne puis présumer d’un échec ou de votre incapacité à le mettre en œuvre, mais, compte tenu de vos difficultés à accorder vos paroles et vos actes, permettez-moi de ne pas présumer non plus d’une formidable réussite. Faites confiance aux élus, madame la ministre, associez-les, considérez-les.