Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 7 janvier 2020 à 14h30
Réforme des retraites — Débat organisé à la demande de la commission des affaires sociales

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste, ainsi que l’ensemble des partis centristes, ont depuis longtemps milité pour une réforme universelle des retraites. Mais, il faut bien en convenir, si la préparation de cette réforme par Jean-Paul Delevoye fut exemplaire dans sa démarche – le Sénat y a d’ailleurs largement contribué –, la suite fut plus chaotique !

Que faire aujourd’hui pour réussir cette réforme ?

Rappelons tout d’abord qu’elle est nécessaire. Le système actuel est en perpétuelle recherche d’équilibre et génère trop d’inégalités.

Il est injuste pour les personnes dont les carrières sont hachées, pour celles qui travaillent à temps partiel, pour les agriculteurs, pour les artisans et commerçants, pour les femmes, sans parler des pensions de réversion. Nous approuvons ainsi la proposition d’une retraite de base garantie à 1 000 euros par mois pour une carrière complète au SMIC.

Rétablissons aussi la vérité pour tous ceux qui prétendent que le nouveau système sera par capitalisation. Une fake news de plus ! Le système à points reste par répartition, c’est-à-dire que les actifs payent pour les pensions des retraités. Avec ce système, chaque heure travaillée donne des droits à la retraite, ce qui n’est pas le cas dans le mécanisme actuel. De plus, la réforme ne s’appliquera qu’aux générations nées après 1975, voire ultérieurement pour certains régimes, et les droits antérieurs constitués seront garantis.

Nous portons donc une appréciation positive sur le système proposé, avec prudence toutefois, en l’absence d’étude d’impact.

Précisons tout d’abord que la valeur de service du point ne baissera pas. Elle sera indexée sur le salaire moyen, qui croît actuellement plus vite que le PIB. Les pensions continueront à augmenter au rythme de l’inflation, conformément à la loi de 1994 – nous pouvons toutefois l’espérer.

Ensuite, la gouvernance du système sera paritaire, confiée aux partenaires sociaux, lesquels seront également chargés de l’équilibre financier du système, sur le modèle des complémentaires Agirc-Arrco qui, rappelons-le, gèrent 80 milliards d’euros de pensions, sont en équilibre et possèdent même 70 milliards d’euros de réserves. Il n’y a pas plus bel exemple de réussite du paritarisme à la française. Faisons-lui confiance !

L’architecture du nouveau système, on le voit, est simple et claire.

L’équilibre s’établit entre la valeur du point de cotisation, le nombre d’actifs, le montant des pensions et le nombre de retraités.

Est-il besoin de faire des ajustements paramétriques avant la mise en place de ce système ? Nous ne le pensons pas ! Ceux-ci se feront progressivement, à condition de respecter un âge de départ à la retraite à 62 ans, qui devra sans doute évoluer pour éviter les déséquilibres démographiques. En clair, mettons pour l’instant entre parenthèses l’âge pivot.

À ce propos, l’idée d’une conférence financière nationale évoquée par Laurent Berger rejoint la proposition avancée récemment par les présidents des groupes parlementaires centristes à l’Assemblée nationale et au Sénat. Une telle conférence devrait permettre de trouver les mesures d’équilibre du nouveau système, qui devront intégrer les nouveaux transferts de solidarité proposés par le Gouvernement et le déficit constaté par le Conseil d’orientation des retraites (COR) pour 2025, lequel provient pour moitié d’une baisse des recettes de l’État employeur. Celui-ci doit donc prendre sa part et ne pas se défausser sur le secteur privé. En revanche, la loi devrait fixer une règle d’or contraignant la nouvelle caisse de retraite à l’équilibre sur cinq ans, par exemple.

Je ferai également quelques suggestions pour rassurer les salariés, en particulier ceux qui exercent des métiers pénibles.

Les critères qui définissent la pénibilité sont précis, mais il faut les reconsidérer, notamment pour les charges lourdes. Il faut aussi préciser si la pénibilité donnera lieu à des points de bonification ou à des années de retraite anticipée. Et il faut également aménager la fin de carrière des seniors.

Je me permets toutefois une mise en garde : nous ne devons pas recréer de régimes spéciaux par branche ou entreprise. Les droits doivent être individuels ou par métier.

Enfin, les régimes spéciaux, qui concernent 5 % des actifs, sont « budgétivores » selon la Cour des comptes : 9 milliards d’euros sont versés pour compenser leurs déficits. D’où la pertinence de passer à un système universel, qui donnerait une base plus large, et donc plus stable, à ces dispositifs.

Une dernière recommandation concerne la transition entre les deux systèmes. Deux Français sur trois relèvent du secteur privé et un quart du secteur public, où il existe de fortes disparités entre professions qu’il faut compenser pour le calcul de leur retraite.

Compte tenu de ces disparités, la transition doit être différenciée, avec une durée plus ou moins longue de convergence vers le système universel, pour s’assurer qu’il n’y aura pas de perdants. Les compensations financières sont en effet gérables dans le temps avec la croissance de la masse salariale, les réserves Agirc-Arrco et le Fonds de réserve des retraites, qui représentent au total 100 milliards d’euros, à condition bien évidemment de ne pas dilapider ces ressources.

Ces propositions me paraissent de nature à redresser les contre-vérités, à calmer les inquiétudes légitimes, à rassurer le plus grand nombre et à sortir du conflit actuel.

Il appartient maintenant au Parlement de graver dans le marbre de la loi ces principes et les nouvelles orientations pour un système universel plus équitable, plus juste et plus solidaire.

Le Gouvernement serait bien inspiré, après avoir consulté et négocié avec les partenaires sociaux, d’écouter aussi le Parlement, notamment le Sénat, qui s’est beaucoup investi dans cette réforme.

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