Quand nous avons fait des déplacements en Europe avec le haut-commissaire, nous avons constaté que les autres pays avaient renoncé à mettre en place un système unique et qu’ils avaient plutôt rapproché les différents régimes complémentaires. Nulle part en Europe, il n’y a un régime unique. Nulle part en Europe, l’âge légal n’est de 62 ans. Nulle part en Europe, un pays ne met tous ses œufs dans le même panier, en écartant systématiquement la capitalisation.
Les Français, sûrement plus malins que les autres, vont inventer un nouveau régime, qui serait unique, en supprimant les quarante-deux qui sont équilibrés à terme. On nous dit que les régimes spéciaux seront supprimés, mais ils seront en fait maintenus jusqu’en 2037… S’il y a des inégalités, elles vont donc perdurer !
Nous devons évidemment être attentifs à apporter de la simplicité, mais sans casser des systèmes qui fonctionnent. C’est souvent le poids de l’histoire qui explique les différences. Je prends l’exemple des indépendants : le système est équilibré avec des taux de cotisation différenciés, et la réforme aboutira à alourdir les cotisations, tout en diminuant les pensions. Qui plus est, il faudra procéder à des calculs complexes sur la CSG et à des compensations et les situations resteront différentes selon des catégories de métiers. Vous voyez que le système ne sera pas nécessairement plus simple.
Globalement, nos inquiétudes grandissent.
Pour les femmes d’abord. Une augmentation de pension de 5 % dès le premier enfant ne compensera pas le système des trimestres qui existe aujourd’hui et qui va être supprimé. Il faudra vraiment faire des efforts pour maintenir notre politique familiale.
Quant à la pension de réversion, le décalage à 62 ans de l’âge à partir duquel il est possible de la percevoir constitue plus une régression sociale qu’une progression. Là aussi, nous aurons besoin de précisions.
Le président Milon a soulevé une autre de nos inquiétudes : l’équilibre financier. Je rappelle tout d’abord que, si les réformes que j’ai mentionnées n’avaient pas été adoptées, le système de retraite pèserait pour plus de 20 % dans le PIB, soit 40 milliards d’euros supplémentaires, ce qui serait intenable et entraînerait un profond déséquilibre.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons de sérieux doutes sur l’équilibre financier du nouveau système unique, ce quarante-troisième régime… Vous n’avez notamment jamais expliqué comment seraient financés les nouveaux mécanismes de solidarité, par exemple la fixation à 1 000 euros du minimum contributif pour une carrière complète – le poids financier de cette mesure est tout de même d’environ 2 milliards d’euros.
En outre, le Gouvernement fait droit, au fil des semaines et en catimini, à des revendications catégorielles de certaines professions sans que les conséquences financières en soient jamais évaluées. Vous créez des spécificités et des régimes supplémentaires apparaîtront demain à la place des régimes complémentaires, parce qu’il faudra bien tenir compte de ces spécificités.
Quant à l’âge pivot, nous en reparlerons plus tard, pas d’histoire d’argent entre nous…