Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 7 janvier 2020 à 14h30
Réforme des retraites — Débat organisé à la demande de la commission des affaires sociales

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Le Gouvernement a réussi à rassembler, mais hélas contre lui, en suivant une ligne droite qui a beaucoup zigzagué. Je ne lui jette pas la pierre puisque, comme je le disais, chaque réforme depuis cinquante ans met des centaines de milliers de gens dans la rue et personne n’a jamais trouvé la recette pour l’éviter.

Nous aimerions donc quelques clarifications.

Notre première inquiétude, c’est de voir chaque étape de la négociation augmenter la facture. Nous voudrions connaître le chiffrage exact de la hausse des dépenses publiques induite par toutes les mesures nouvelles annoncées chaque jour. Bien sûr, le Premier ministre a raison de refuser la distinction purement fictive entre réformes systémique et paramétrique ; le système doit être équilibré sur le long terme comme sur le court terme – c’est une évidence. Âge pivot ou augmentation pure et simple de l’âge de départ, c’est un débat assez académique à mes yeux. Je crains seulement que dire qu’on va faire cette réforme en l’équilibrant grâce au seul âge pivot, et a fortiori sans lui, ce soit comme prétendre qu’on va faire rentrer un édredon dans une valise. Il va falloir nous expliquer comment.

Deuxième inquiétude, les concessions qui s’accumulent à chaque rencontre avec les partenaires sociaux et qui ont abouti dans les faits au maintien de plusieurs régimes particuliers, souvent justifiés, sont-elles terminées ? Ou bien va-t-on, à travers les mesures de compensation demandées à la RATP et à la SNCF, les faire payer par des entreprises qui cumulent la sous-rentabilité, le surendettement, l’effondrement de la qualité des services rendus et le sous-investissement ? Visitez les toilettes des trains Intercités qui ont cinquante ans – je dis bien cinquante ans ! – et que je prends chaque semaine, et vous vous demanderez à quel moment on a fait un looping !

Enfin, beaucoup de gens attendent une réponse précise sur le devenir des 130 milliards d’euros d’excédents des régimes autonomes. Si ces réserves, fruits de l’épargne et d’une bonne gestion, devaient devenir la variable d’ajustement d’une facture trop lourde, j’ai peur que de nombreuses personnes qui vous sont plutôt favorables ne deviennent quelque peu courroucées.

Monsieur le secrétaire d’État, cette réforme est indispensable et il faut savoir gré au Gouvernement de l’avoir lancée. Nous souhaitons pouvoir la voter, comme le Sénat l’a fait pour d’autres depuis deux ans – le code du travail, l’école ou le statut des cheminots –, mais notre grande question à ce stade, c’est : quelle réforme exactement ? Vous l’avez compris, nous voulons savoir comment sont fabriquées les saucisses, mais nous souhaitons aussi qu’à la sortie elles ne soient pas saucissonnées.

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