Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 7 janvier 2020 à 14h30
Réforme des retraites — Conclusion du débat

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Merci, monsieur le secrétaire d’État, de vous être livré à cet exercice difficile, redoutable même. Vous l’avez vu, les sénateurs connaissent bien le sujet, car ils y travaillent depuis un certain nombre d’années. Du fait de votre prise de fonctions récente, nous avons constaté un certain flou dans vos réponses. Nous sommes tout à fait aptes à le comprendre ! C’est un bon départ, mais nous verrons à l’arrivée…

Le système part sur des bases contestables. La France est le seul pays à maintenir un âge légal fixé à 62 ans. Quelles que soient les solutions proposées, âge pivot ou autre, il faudra faire comprendre à nos concitoyens que, progressivement, ils devront travailler plus longtemps.

Quand on regarde les simulations effectuées par le COR – c’est la question prospective posée par Philippe Dallier –, on voit se profiler un déficit de 7 à 18 milliards d’euros pour 2025. La tendance s’accentue jusqu’en 2030 – ne raisonnons pas de manière figée ! – et, ensuite, la courbe ne remonte que très progressivement, le pouvoir d’achat augmentant dans des proportions plus importantes que le niveau des retraites.

Or les nouvelles propositions de mode de calcul sont fondées sur la même courbe budgétaire. En conséquence, le montant moyen des pensions, qui est de 105 %, passera à 85 % ou 90 %. Disons la vérité aux gens ! Si l’on ne prend pas des mesures correctives face à cette réalité, le système élaboré deviendra une fabrique à retraités pauvres.

Quant à la phase de transition, elle constitue la période la plus difficile. Le temps passé au travail est d’environ quarante-deux ans et, en moyenne, les pensionnés restent à la retraite pendant vingt-six ans ; voilà pourquoi la transition pose problème.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait un choix – en tout cas, votre prédécesseur, Jean-Paul Delevoye, a fait un choix, que vous ne suivrez peut-être pas : la coexistence de deux systèmes parallèles.

En vertu de ce dispositif, seules les personnes nées à partir de 2004 cotiseront intégralement au système universel de retraites. Ces cotisations manqueront aux systèmes complémentaires, qui, de ce fait, seront automatiquement mis en difficulté et qui, dès lors, se révéleront déficitaires. En outre, le nouveau système ne servira ses premières prestations, qui représenteront ses premières dépenses, qu’en 2037 au plus tôt, et encore de manière partielle : toutes les personnes nées avant 1975 dépendront uniquement du régime actuel.

On le voit bien : les personnes nées entre 1975 et 2004 bénéficieront, au plus tôt à partir de 2037, d’un système mixte dont on ne sait pas encore s’il sera viable. À cet égard, la fixation du point aujourd’hui n’apportera aucune garantie : ce point ne sera appliqué qu’en 2037, soit dans un certain nombre de quinquennats…

Bref, soyons attentifs à cette phase de transition ; il s’agit d’une étape importante. Il ne faut surtout pas partir sur une mauvaise base financière, ne garantissant pas l’équilibre. Si l’on veut donner confiance, on ne peut pas se dispenser de prendre les mesures nécessaires à ce titre. Or vous avez conçu un système calé, non sur le modèle du privé, à savoir l’Agirc-Arrco, qui concerne tout de même 70 % de nos cotisants, mais sur le modèle public.

Votre préoccupation était de ne pas dissoudre le régime intégré dont disposent les fonctionnaires, regroupant la retraite de base et la complémentaire. On le voit bien : ce calcul pose quelques difficultés. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il eût été plus logique de partir, plus humblement, avec un seul plafond de sécurité sociale.

En fixant ce plafond à 3 000 euros, l’on englobait déjà 85 % de la population. Progressivement, l’on menait à bien l’uniformisation des systèmes de retraite complémentaire en maintenant un certain nombre de différences, puisque le régime des salariés du privé n’est ni celui du public ni celui des indépendants et des professions libérales. Dès lors, la réforme aurait peut-être été plus facile à accepter.

Monsieur le secrétaire d’État, soyez attentif aux préconisations que le Sénat formule à votre intention. Nous arrivons au terme d’une séance de questions tout à fait intéressante, même si nous n’avons pas toujours obtenu de réponses, ce que nous pouvons tout à fait comprendre.

Sachez que nous continuons à travailler et que, quelles que soient nos différences, nous arrivons à faire des propositions communes.

Je me tourne vers ma collègue Monique Lubin, avec qui j’ai consacré un rapport aux seniors ; le Gouvernement, ne faisant pas confiance au Sénat, en a commandé un autre… C’est dommage, car notre rapport contenait des préconisations acceptables sur toutes les travées de cette assemblée…

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