Je remercie également nos quatre rapporteurs, notamment pour l'organisation des auditions qui ont permis d'éclairer notre commission. L'éthique ne relève pas de la médecine, mais du législateur, qui n'est pas toujours totalement averti. Comment faire évoluer les lois de bioéthique au regard des progrès, sans cesse plus importants, de la médecine génétique ? Se pose aussi, en filigrane, la question du maintien du niveau de la recherche génétique en France.
Comme l'a bien dit notre rapporteur Bernard Jomier, les craintes suscitées par les lois de bioéthique successives ne se sont pas réalisées et les protections posées ont été bonnes. Sur l'AMP et l'évolution de la parentalité, mesurons d'où nous venons, ainsi que ce qui se passe dans d'autres pays. Le rôle fondamental du père est aujourd'hui une évidence, mais tel n'a toujours pas été le cas, notamment dans nos sociétés patriarcales : le rôle du père a beaucoup changé depuis 1965. Voyons aussi les sociétés africaines au sein desquelles le grand-père joue un rôle majeur. N'ayons donc pas trop de certitudes. Un enfant privé de présence paternelle est-il en danger ? Je ne le pense pas. Souvenons-nous de ce qui se passait avant la réforme de la filiation de 1972 et celle du divorce de 1975. Prenons acte de ces évolutions.
Les familles monoparentales rencontrent des problèmes de ressources, de précarité et d'absence de choix de vie. Mais une femme seule peut très bien décider d'élever un enfant toute seule.
Le droit de la filiation est un droit d'ordre public qui a considérablement évolué. Jusqu'en 1972, la filiation légitime était fondée sur le mariage, avec la présomption irréfragable que le père était le mari de la femme, la filiation naturelle ne faisait pas entrer l'enfant dans la famille et la filiation adoptive pouvait concerner des enfants en très bas âge. Les évolutions de la science permettent aujourd'hui de satisfaire le désir d'enfant de couples qui ne peuvent pas avoir d'enfant. La question du désir d'enfant ne pose pas de problème. La vraie question est la suivante : quel est l'intérêt supérieur de l'enfant ? Il n'est pas possible de le définir avec certitude.
Devons-nous freiner ou accepter les évolutions permises par la science et attendues par une partie de la société ? Mon groupe considère que nous devons à notre société d'accompagner ces évolutions, en acceptant les freins nécessaires, mais sans en ajouter d'inutiles.
La société française accepte aujourd'hui le mariage pour tous et admet que ces couples aient des enfants. La situation juridique de ces enfants au sein de ces familles homoparentales va progressivement se stabiliser et nous pourrons évaluer leur situation dans quelques années. Elle ne devrait pas être plus compliquée que celle des enfants des couples séparés aujourd'hui. Vous mettez des freins conservateurs à l'évolution de notre société qui va pourtant plus vite que nous ne le pensons.
Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d'État a rappelé les trois principes qui s'appliquent en matière d'éthique : les principes de dignité, de liberté et de solidarité. L'extension de l'AMP risque-t-elle de mettre des enfants dans une situation indigne ? Je ne le pense pas. Peut-on préjuger de la liberté de l'enfant à naître d'avoir un père et une mère, ou deux pères, ou deux mères ? Nous n'en savons rien. Enfin, je considère, au nom de la solidarité, que ce qui se pratique ailleurs doit aussi pouvoir se pratiquer en France : mieux vaut autoriser nos concitoyens, afin de leur faire bénéficier de protections conformes aux valeurs de la République.
Je suis inquiet des propositions de suppression d'articles de notre rapporteur Muriel Jourda. Je suis moins inquiet s'agissant des propositions de nos trois autres rapporteurs et nous aurons un débat.