Intervention de Agnès Canayer

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 janvier 2020 à 10h05
Proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l'officier d'état civil du lieu de résidence des parents — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer, rapporteur :

La mesure proposée a déjà été plusieurs fois envisagée : elle a fait l'objet d'une proposition de loi de Pierre Laffite et Guy-Pierre Cabanel en 1999 ; d'une autre, en 2003, soutenue par Robert Badinter ; puis d'une autre présentée en 2013 par notre collègue Philippe Dominati.

Deux propositions de loi ayant le même objet ont été déposées à l'Assemblée nationale, présentées, l'une, par Emmanuelle Ménard, députée non inscrite et l'autre, par Christophe Bouillon, député du groupe socialiste et président de l'Association des petites villes de France.

Revitaliser les communes est un enjeu essentiel - personne ici ne dira le contraire. Or, depuis le début des années 1970, du fait de la concentration des naissances, de moins en moins de communes sont concernées par les déclarations de naissance. Ainsi, en 2016, seules 2 800 communes ont vu naître au moins un enfant, dont 2 200 en ont vu naître moins de deux. Seuls 7,8 % des communes voient ainsi leur officier d'état civil dresser un acte de naissance chaque année. De fait, les accouchements à domicile représentent aujourd'hui moins de 0,5 % du total des naissances, et plus du tiers des maternités ont été fermées entre 1996 et 2012. En 2016, quatre enfants sur cinq sont nés dans 200 communes seulement et 500 communes représentent à elles seules la quasi-totalité des naissances en France...

Ce texte, dont les objectifs sont louables, pose néanmoins quelques difficultés pratiques.

S'agissant de la fiabilité des registres d'état civil, le texte ne neutralise pas le risque de double enregistrement des actes. Le système électronique COMEDEC - Communication électronique des données de l'état civil -, qui permet de sécuriser la vérification des données d'état civil, devrait également être généralisé pour assurer la fiabilité du dispositif, ce qui ne semble pas envisageable en l'état.

Deuxièmement, le coût pour les communes du dispositif ne doit pas être négligé, même si le nombre de naissances déclarées par village devrait rester faible. La remarque a d'ailleurs été soulevée par l'Association des maires de France, bien que celle-ci soit favorable à la proposition de loi dans son principe.

Le Gouvernement est ouvert à cette initiative, traduction d'une demande forte des élus des territoires, et réfléchit à un dispositif qui remplisse toutes les conditions de sécurité juridique. Il compte proposer l'expérimentation de registres d'actes « miroirs », qui s'inspireront de ce qui existe pour les déclarations de décès. En d'autres termes, l'officier d'état civil du lieu de naissance établirait l'acte original, dont une copie serait transmise sans délai à celui du lieu de domicile des parents ou de l'un des parents, les actes pouvant être exploités (délivrance de copies et extraits) dans les deux registres.

Nous ne pouvons pas nous-mêmes proposer cette expérimentation, car une telle disposition serait déclarée irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Nous échangeons actuellement avec le Gouvernement pour mieux définir les contours du dispositif juridique qu'il pourrait suggérer.

Cela étant, je vous propose d'adopter ce texte en y apportant quelques modifications marginales pour le rendre davantage opérationnel.

D'abord, nous voulons sécuriser le choix du domicile des parents comme lieu de déclaration. La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, prend mal en compte la situation du domicile conjoint et celle de parents en désaccord sur le lieu de déclaration. Je propose un amendement qui tend à ce que, en l'absence de domicile commun, les parents produisent une attestation conjointe de leur accord sur une déclaration au lieu de domicile de l'un d'eux. À défaut, la déclaration de naissance s'effectuera au lieu effectif de la naissance.

Ensuite, je propose la suppression de la disposition qui prévoit que la mention du lieu de l'accouchement figure à l'acte, car celle-ci est déjà satisfaite par l'article 57 du code civil. Je propose également la suppression de plusieurs mesures de coordination figurant à l'article 2 pour maintenir dans certains articles du code civil la notion de lieu de naissance, qui fonde l'identité juridique de la personne, plutôt que le lieu de déclaration de naissance, qui s'insère mal dans l'architecture juridique du code civil.

Enfin, en vue du dépôt éventuel d'amendements au texte de la commission, je précise que le champ de cette proposition de loi se limite aux modalités et aux conditions dans lesquelles sont effectuées les déclarations de naissance aux services de l'état civil.

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