Intervention de Olivier Roy

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 7 janvier 2020 à 13h35
Audition de M. Olivier Roy professeur au robert schumann centre for advanced studies de l'european université institute de florence italie

Olivier Roy, professeur au centre Robert Schuman de l'Institut européen de Florence :

Je suis très lié à la communauté de Sant'Egidio, avec les représentants de laquelle j'ai participé aux négociations avec le cheikh d'Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb. Comunione e Liberazione, un mouvement catholique classé très à droite, m'a également demandé de dialoguer avec le cheikh Al-Issa devant des milliers de catholiques qui ne sont pas des progressistes, et la réunion s'est très bien passée.

La stratégie papale, élaborée par Mgr Tauran, de dialogue avec l'islam cherche à mettre les représentants des musulmans devant leurs responsabilités. Il est inutile de chercher à sonder leurs intentions pour savoir s'ils sont sincères. Ahmed el-Tayeb a clairement annoncé que le statut de dhimmi ne s'appliquait plus aux non-musulmans, lesquels devaient être considérés comme des citoyens. Certains estiment que cela relève de la taqiya, mais peu importe : c'est la déclaration du cheikh d'Al-Azhar indiquant que musulmans et non musulmans sont égaux qui compte !

Le Parlement islamiste d'Ennahda a inscrit dans la Constitution tunisienne le principe de la liberté de conscience, c'est-à-dire le droit pour un musulman de devenir chrétien. Ce droit est tout à fait différent de la liberté religieuse, qui permet à chacun de pratiquer librement. L'Église protestante algérienne a obtenu, quant à elle, la reconnaissance de son secrétaire général, qui est un converti. C'est sur de tels points concrets qu'il faut travailler, et non sur des grands principes.

Les terroristes sont musulmans. Aller au paradis est leur motivation principale : c'est la raison pour laquelle ils se font tuer. Il ne faut pas dissocier l'islam des terroristes, mais il faut les gérer séparément. On ne répond pas au terrorisme par une analyse religieuse. Il faut autonomiser la réflexion théologique, et développer l'exégèse. Mais ce n'est pas à l'État de faire cela en France. Les chrétiens ont un rôle fondamental à jouer, par l'intermédiaire d'organisations comme Sant'Egidio, Comunione e Liberazione ou la Fondation Oasis du cardinal Scola.

Il faut repenser le religieux dans l'espace public, dont il ne peut être exclu. Le fait religieux est minoritaire, mais il est fort quand il est présent. La zone grise entre non-croyants et croyants n'existe plus : on assiste à une sécularisation, à une déchristianisation de notre société qui conduit à faire des religions des communautés de foi qui se vivent en décalage.

Les jeunes n'aiment pas que les autorités leur disent quoi penser. La solidarité avec Charlie Hebdo leur est fortement conseillée par l'administration, mais cela ne marche pas ! Ce n'est pas propre à Charlie Hebdo.

Si je suis optimiste, c'est parce que c'est dans ma nature, mais aussi parce qu'il faut voir les choses d'un point de vue historique : la question des relations entre la République et l'Église en France nous a occupés pendant un siècle. Les religions ont du temps devant elles, alors que les laïcs se sentent davantage bousculés !

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