Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 janvier 2020 à 16h30
Réforme du baccalauréat — Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Jean-Michel Blanquer, ministre :

L'organisation des épreuves du contrôle continu de première (E3C) pour les élèves en situation de handicap est une question importante. C'est un sujet auquel je suis très sensible à titre général, notamment pour les épreuves terminales. Le Conseil scientifique de l'éducation nationale a fait un travail d'instruction de cette question, en réalisant aussi des comparaisons internationales pour identifier les meilleures pratiques. Nous souhaitons instaurer des aménagements pertinents, dans le respect du principe d'égalité, puisque nous avons de plus en plus d'élèves reconnus en situation de handicap. Le processus aura abouti avant les épreuves terminales de 2021. Comme les E3C se déroulent dans l'établissement, on est dans une situation plus favorable, avec des professeurs qui connaissent leurs élèves et, éventuellement, leur handicap. Il y a une évaluation pédagogique, avec l'équipe médicale, des besoins des élèves, qui doit se passer de façon naturelle, en respectant aussi les critères fixés pour les examens terminaux. Des aménagements sont prévus par les textes pour les épreuves de contrôle continu.

Sur la réduction des inégalités sociales, la ministre de l'enseignement supérieur vient de répondre. De façon plus générale, notre objectif, par la combinaison de la réforme du Baccalauréat et de Parcoursup, est le volontarisme en matière sociale. M. Brisson souligne le fait que la triplette classique peut favoriser les milieux aisés. C'est un sujet extrêmement intéressant, et j'invite chacun à avoir une vision sur la durée de ce qui se passe et de ce qui va se passer en la matière. Ce n'est pas se mettre en situation spécifiquement favorable que de prendre la triplette classique. Si l'on prend les établissements considérés comme favorisés, qu'ils soient privés ou publics, ville par ville, et qu'on regarde les choix des élèves, on observera des stratégies très différentes d'un établissement à l'autre. Il y aura les classiques et les modernes, en clair, qui auront même tendance à être très classiques ou très modernes.

On retrouve ce sujet avec les lycées français à l'étranger, qui ne sont pas si mal à l'aise que cela avec la réforme, dont ils voient bien les éléments de modernisation. Les établissements dits « favorisés » ayant pris l'option moderne ont un pourcentage beaucoup plus important d'élèves, en général plutôt de milieux favorisés, qui ont pris des triplettes non classiques, autrement dit des combinaisons originales. Il n'y a donc pas de corrélation entre le fait de prendre une combinaison originale et le fait d'être issu un milieu favorisé ou défavorisé. Et ce n'est pas forcément une stratégie payante que de prendre une combinaison classique. Il faut donc être sans aucun dogmatisme dans les conseils que nous donnons aux élèves. Il y a plus de jeu qu'auparavant. La filière S elle-même, telle que reconstituée, offre plusieurs combinaisons possibles. De toute façon, les programmes ont changé, et on se retrouve dans un paysage qui est très différent de ce qui était la filière S, même pour ceux qui font les choix les plus classiques. Et, pour la grande majorité des élèves, le spectre de combinaisons est très vaste et ne dépend pas de leur milieu social. Je sais bien que le réflexe des familles est de chercher à décrypter, à la recherche d'un code caché. La réponse est qu'il n'y a pas de code : on a cassé les codes, ce qui est bon sur le plan de l'équité sociale, puisqu'aucun choix ne vous met dans l'ornière, ou ne vous favorise. L'explicitation des attendus, visible dès la seconde, est faite pour aller vers plus d'équité sociale et invite tous les acteurs à entrer dans un dialogue avec l'élève sur ce qui va ce qui va guider ses choix. L'objectif, en tous cas, est de réduire les phénomènes constatés auparavant, où les codes sociaux avaient du poids en matière d'orientation.

Sur le groupe classe, vous avez parlé d'un travail d'équipe et de cohésion. De fait, ce que nous sommes en train de faire, c'est conjuguer les vertus du système ancien à celles du nouveau. La cohésion que donne la classe continue à exister dans le nouveau système pour la majorité des heures. En même temps, le système nouveau invite à la logique d'équipes dont vous parlez, mais à une échelle autre que celle de la classe classique, c'est-à-dire à l'échelle de l'établissement. Ainsi, l'enseignement de spécialité se fait désormais dans de nombreux établissements et invite à des coopérations à l'intérieur de ces établissements.

M. Gattolin nous interroge sur les langues, ce qui invite aussi à une réflexion plus large encore sur la politique des langues dès l'école primaire dans notre pays. Le rapport Taylor-Manesse guide un certain nombre de politiques publiques que nous menons en matière de langues, et notamment le fait d'avoir davantage d'assistants étrangers et de coopérations européennes. Nous souhaitons que les futurs professeurs bénéficient plus systématiquement d'Erasmus, avec une quasi-systématicité pour les étudiants des Instituts supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE) puisque, avec la nouvelle Commission européenne, nous doublons le nombre d'Erasmus.

Le monde des grandes écoles a été lui aussi questionné par la réforme du baccalauréat - dans le bon sens du terme : la Conférence des grandes écoles a produit des réflexions très intéressantes, qui ont un impact sur les classes préparatoires, sur la nécessité de décloisonner certaines approches et valoriser la diversité des profils.

La question du genre est une très bonne question. Le pourcentage d'élèves qui choisissent le nouvel enseignement numérique est encore beaucoup trop masculin. Cela ne reflète que des problèmes antérieurs. L'existence d'un enseignement de spécialité numérique nous permettra, au fil des années bien entendu, d'avoir une politique volontariste pour inciter des jeunes filles à choisir ce type d'enseignement. Cela aura aussi, en aval, un impact sur le nombre de jeunes femmes qui choisissent des carrières du numérique, ce qui est un très grand objectif national. Déjà, avoir 15 % ou 20 % de jeunes filles inscrites est un premier pas.

Sur l'offre d'enseignements de spécialité dans les territoires, notamment ruraux, la réforme met également en lumière des problèmes préexistants. Faute de tout résoudre tout de suite, elle permet de progresser dans la bonne direction. Auparavant, nul ne s'inquiétait de l'offre de formation en lycée rural. Pourtant, tous n'avaient pas à la fois les filières SES, S et L. Le pourcentage de lycées ne fournissant pas les trois mais seulement que deux des filières était de l'ordre de 15 %. Aujourd'hui, le pourcentage d'établissements qui ne fournissent pas les sept spécialités de base est d'environ 10 %. Avec les recteurs, nous avons fait preuve d'un volontarisme très fort. Et la réforme permet justement un meilleur pilotage de ces enjeux. Ainsi, dans l'académie d'Orléans-Tours, la rectrice a eu une politique en faveur des villes moyennes et des petites villes, pour contrer le phénomène de métropolisation. Cet exercice était plus restreint auparavant, puisqu'on ne pouvait jouer que sur les options. Désormais, on peut jouer aussi sur les enseignements de spécialité. En tous cas, l'offre de formation est beaucoup plus forte que précédemment en milieu rural. La taille joue aussi : l'offre est toujours un peu plus forte quand le lycée a une masse critique que quand il a moins d'élèves. Ainsi, un lycée de grande taille en banlieue pourra proposer une offre riche. Pour autant, nous essayons de compenser au maximum la différence entre petits et grands établissements. C'est aussi l'occasion de certaines modernisations, notamment en matière d'audiovisuel et de nouvelles technologies. Le rôle du Centre national d'enseignement à distance (CNED), par exemple, se trouve renforcé dans la nouvelle configuration.

Dans les lycées français à l'étranger, nous travaillons à l'interopérabilité des systèmes d'information. Ce travail est piloté depuis l'AEFE. Dans ce que je vois au Québec ou en Colombie, mais aussi dans d'autres pays, je note surtout un enthousiasme pour les lycées français à l'étranger. Souvent, la réforme du baccalauréat est vue comme un élément de convergence plus grand avec les systèmes dans lesquels ils sont insérés. Et l'on remarque leur modernisation et le renforcement de leur dynamisme et de leur attractivité.

Nous sommes toujours très ouverts sur les sujets d'internationalisation du baccalauréat. La réforme est une forme d'internationalisation du baccalauréat, puisque nous le rendons plus convergent avec d'autres modèles. Nous allons aussi vers la généralisation de l'INE, l'identification nationale des étudiants.

Nous avons fait preuve de volontarisme pour que davantage de bacheliers pro aillent en BTS. Nous travaillons aussi avec France Télévisions, sous le contrôle de la représentation nationale. Il y a, en tous cas, une volonté partagée de plus grande coopération, qui s'est traduite par le développement d'un site rassemblant des ressources audiovisuelles produites par l'audiovisuel public et par l'éducation nationale. Nous avons aussi relancé les cinéclubs dans les établissements, grâce à la coopération avec France Télévisions, qui met à disposition plusieurs dizaines de films libres de droits.

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