En tant que société nationale de programme, nous sommes solidaires d'autres sociétés qui subissent aussi des économies, parfois extrêmement lourdes. Nous ne nous désintéressons pas du reste du secteur. L'Etat est sous contrainte budgétaire. Nous sommes tenus à la solidarité. Mais ces mesures arrivent alors que notre groupe a déjà connu un train de réformes, avec une fusion et des plans de départ importants. Nous émettons 24 heures sur 24 et produisons tous nos programmes, dans un contexte de rigidité de gestion, lié aux contraintes linguistiques. Ce sont des spécificités à prendre en compte pour mesurer l'impact des restrictions budgétaires.
C'est pourquoi j'attire l'attention sur l'idée d'un plancher de redevance. L'international ne doit pas être la variable d'ajustement. Les Britanniques ont mis en place un tel mécanisme. Le plancher actuel de BBC World est de 254 M€. Nous percevons 255 M€ de redevance. En termes de financement, l'écart entre France Médias Monde et BBC World ne provient pas du montant de redevance versé mais de l'aide publique au développement.
Ce plancher pourrait s'exprimer en pourcentage, pour préserver une dynamique en fonction de l'augmentation des recettes. Le plancher ne doit pas devenir un plafond, comme ce fut le cas pour BBC World. En 2016, cette situation a conduit le ministère des affaires étrangères britannique à décider d'un contrat direct, ce qui lui a permis d'asseoir son influence et sa capacité à intervenir sur certaines zones prioritaires, relevant du développement.
J'en ai parlé au ministère. Nous sommes un média public, financé par l'État. Nous nous devons d'être loyaux. Mais parfois, nous pouvons avoir l'impression d'être pris dans une réforme globale d'un secteur dans lequel nous sommes un pan moins connu.
En outre, la loi prévoit deux lignes budgétaires différentes pour France Média, d'une part, et TV5 Monde et Arte, d'autre part. Pourtant -et Joëlle Garriaud-Maylam le sait bien car elle a participé à ce groupe de travail- nous avions travaillé dans une approche commune de l'audiovisuel extérieur. Mais là, nous voyons tout d'un coup que France Média Monde est intégré dans France Média, alors que TV5 Monde et Arte en sont exclus, ce qui leur donne plus de visibilité et permettra aussi aux parlementaires d'agir plus spécifiquement sur leur budget.
Il n'y a pas de doutes sur la détermination du ministre de la culture en faveur de l'audiovisuel extérieur, donc il ne faut pas y voir une stigmatisation. Mais si nous n'y prenons pas garde, peut-être qu'à plus long terme, l'audiovisuel extérieur pourrait être fondu dans l'ensemble. C'est ce qui s'est produit à la BBC et qui a rendu nécessaire un accord spécifique.
Sur les missions de la loi, elle indique bien l'audiovisuel, mais aussi d'autres missions comme la proximité, l'éducation, la culture... Ce sont des missions que nous remplissons aussi (sur la proximité, vous en avez vu un exemple avec Dakar). Nous allons plus près de nos publics. Il me semble que le fait de proposer une information de qualité, libre, équilibrée mériterait peut-être d'être plus encore souligné, à l'heure des fake news ou infox.
Je pense que les langues étrangères sont sous-estimées en France. On parle souvent de francophonie quand on veut parler d'international. Pensons qu'un contact sur deux est en langue étrangère. Nous développons la francophilie, qui est la première étape de la francophonie. J'entends encore parfois des voix qui s'élèvent contre le fait que nous nous intéressions à des langues étrangères. Dans un monde multilingue, défendre la francophonie c'est parler aussi les langues étrangères. Je sais que vous en êtes convaincus dans cette commission, mais tout le monde ne l'est pas encore.
Sur l'AFD, je veux redire que le travail est remarquable, avec des équipes à l'écoute. Le succès de ce que nous faisons. Mais par essence, parce que c'est une banque, elle ne peut pas décider du jour au lendemain de lancer une radio au nord-Mali. Mais encore une fois, le partenariat avec l'AFD et avec CFI est irréprochable. Le savoir-faire de CFI nous est vital, et nos journalistes apprécient beaucoup de travailler avec. Par exemple, ce soir nous aurons une présence importante pour participer, avec 120 médias du monde entier, au forum des médias pour les 30 ans de CFI. Nous y abordons de nombreux sujets, comme l'égalité hommes-femmes, la lutte contre les infos... Mais nous devons être plus agiles, c'est pour cela que je demande un contrat avec CFI.
Nous travaillons très bien avec les autres. A France Info, nous fournissons par exemple tous les journaux étrangers, les programmes de nuit, cinq duplex par jour.
Sur Culture Prime, que je vous recommande, qui est sur les réseaux sociaux, nous fournissons beaucoup de contenus, en lien avec nos collègues de Radio France, de France Télévisions, de l'INA et de TV5 Monde.
Sur LUMNI, nous allons apporter tous nos contenus d'apprentissage du français avec les vingt langues étrangères en interface, des contenus en langues étrangères permettant l'apprentissage des langues par les petits Français, de l'éducation aux médias et des contenus de savoir en matière internationale, historique, culturelle...
Sur l'éducation aux médias et la présence chez nous d'enseignants, nous aimerions en avoir beaucoup plus, mais c'est une question de moyens : nous n'avons que 20 places financées par le ministère de l'éducation nationale. Les journalistes et les enseignants ont en commun de devoir gérer le débat. Ils adorent travailler ensemble. Nous accueillons aussi beaucoup d'élèves. Notre outil de lutte contre les infox « Info/Intox » est utilisable dès le CE1.
Si on parle d'infox, nous ne pouvons pas faire tous seuls. Il y a d'abord l'éducation aux médias.
Il faut armer chaque citoyen depuis le plus jeune âge : c'est un enjeu éducatif majeur. En matière d'infox, l'éducation aux médias est inscrite au programme des lycées. On agit avec des émissions sur France 24, et nous contre-attaquons sur les réseaux sociaux. Quand il y a eu l'incendie de Notre Dame, une rumeur s'est répandue en Afrique selon laquelle cet incendie était dû à des statues maléfiques sur la façade de la cathédrale. Les photos présentées étaient de la cathédrale de Cologne. Nous avons été saisis par des « observateurs » de France 24, citoyens engagés qui nous font remonter les fausses rumeurs. Nous avons vérifié et fait une émission sur les réseaux sociaux, ce qui a permis de bloquer la rumeur. Nous travaillons avec Facebook, avec qui nous avons un accord depuis le début, comme d'ailleurs avec l'AFP. Nous repérons la fake news et la signalons à Facebook qui entrave alors l'accès à celle-ci et facilite l'accès à l'article que nous publions de notre côté, cet article étant relié à la fake news. Avec nos amis du DG7 à Berlin, nous avons fait une réunion sur ce sujet précis. Les Canadiens, les Britanniques et le New York Time ont travaillé pour marquer les images afin que nous sachions qu'elles viennent de nous. Car il y a par exemple des détournements de logos. De la sorte, on peut à tout moment avoir un accord avec les plateformes. Avec les Allemands, nous allons travailler à des outils comme un guide grand public sur la détection des fake news. D'ailleurs, le simple fait de publier des informations vraies et honnêtes participe à la lutte contre les fake news. Nous sommes également partie prenante à une enquête avec les citoyens pour répondre à leurs questions, leur expliquer comment on construit l'info, resserrer les liens de confiance.
S'agissant des cyber-attaques, nous avons été attaqués via la rédaction russe. Nous avons des formations de salariés pour ne pas se laisser infecter, comme cela était arrivé lors de l'attaque de TV5 monde, à une époque où nous n'étions pas encore bien protégés, du fait même de notre volonté d'ouverture. Chez nous il y a eu une violente attaque du même niveau que celle subie par TV5 monde, mais on avait des pare-feu et des zones de démilitarisation et nous avons pu arrêter l'attaque. Les éléments recueillis par les auteurs des attaques ont été mis sur le dark web pour être vendus. 9 pays sont responsables de cette attaque, avec une représentation géographique large. S'il y avait à la fois une manipulation en fake news massive et une cyber-attaque sur le système bancaire et les hôpitaux ou le Gouvernement d'un pays africain, je me demande si cela ne suffirait pas à le mettre à terre : c'est un peu l'arme nucléaire du 21e siècle. Nous n'aurons pas de rédaction turque, mais nous participons à la chaîne turque avec les Allemands. Nous sommes cependant bien reçus en anglais dans ce pays. Nous avons déjà des financements UE, nous répondons à beaucoup d'appels d'offre. Ainsi, Info Migrants, le site que nous avons fait avec les Allemands de Deutsche Welle et l'ANSA italienne, est intégralement financé par l'UE, et le projet Inter qui figure dans le traité d'Aix la Chapelle ne peut exister que financé par l'UE. Ce projet est élaboré en plusieurs langues, voire l'ensemble des langues de l'UE, y compris le russe et le Turc, et permettra à tous les européens d'échanger dans leur langue maternelle avec des traductions, autour de sujets qui leurs sont chers.
Pour les financements de l'Union européenne, nous répondons à des appels d'offres. Ainsi le portail « infomigrants » que nous réalisons avec DeutscheWelle et l'agence de presse italienne ANSA est financé entièrement par l'Union européenne. Le projet « ENTER » qui figure dans le traité franco-allemand d'Aix-la-Chapelle, ne pourra exister que si l'Union européenne finance ce site qui consisterait, en plusieurs langues, l'ensemble des langues de l'Union européenne, voire le russe et le turc, à permettre à de jeunes européens d'échanger dans leur langue maternelle grâce à des systèmes de traduction sur des thématiques qui leur sont chères le développement durable, les nouvelles technologies, le travail et bien d'autres sujets et de montrer ce qu'est l'Europe, ce que fait l'Europe et de lutter contre les contre-informations qui circulent en permanence sur l'Europe. C'est un dispositif assez sophistiqué qui ne vise que les réseaux sociaux et qui, par exemple, permettrait à un jeune agriculteur portugais qui aurait décidé avec une aide de l'Union européenne de se lancer dans un nouveau mode de production, de raconter la mise en oeuvre de son projet avec des vidéos et des textes, et que ce message soit traduit, par exemple en roumain et devienne accessible à un jeune de Roumanie désespéré qui pense que tout le monde l'abandonné. C'est une façon d'avoir un discours conscient et de vérité sur l'Europe sans être désespéré, ni nécessairement populiste. C'est un gros projet au niveau des aides européennes.
Des financements européens par rapport à la logique sahélienne seraient possibles, si je n'arrive pas à trouver sur le financement français les moyens de développer la diffusion en swahili, je n'exclus pas de me tourner vers l'Union européenne. Nous diffusions en trois langues mandingue, peule et haoussa (la langue de Boko Haram). Pour le swahili, nous sommes en train de déménager de Dar es Salam à Nairobi et renforcer notre pôle de diffusion dans cette langue ce qui fera que nous disposerons de trois pôles en Afrique (Dakar, Lagos, et Nairobi). Nous pourrions les faire monter en puissance et y faire de la formation. L'Union européenne est très consciente de la nécessité de faire quelque chose pour la région du Kivu.
Il faut souligner à cet égard, l'action remarquable des clubs RFI. Dans la lutte contre la pandémie Ebola. Le club RFI de Goma, ce sont des auditeurs de RFI qui se réunissent en club, à réaliser une bande-dessinée remarquable de prévention qui a permis de calmer le jeu entre les soignants, dont la sécurité est menacée, certains ont été tués et la population. En effet, on raconte les pires choses sur la maladie et ses origines, qu'elle a été envoyée à l'Occident et les pratiques locales sont parfois contraires à la prévention et à la lutte contre cette maladie. C'est un travail extraordinaire réalisé par de jeunes Africains, va le club RFI, que nous allons porter à l'OIF pour qu'il devienne un outil de prévention.
Sur la diffusion en langue française, les Chinois sont présents, mais aussi les Russes et pas seulement parce qu'ils aiment la langue française.
S'agissant de la diffusion de MCD en France, nous n'y sommes pas encore en dehors de nos offres numériques mais nous avons été interrogés récemment sur une présence de MCD sur le DAB+, nouveau standard qui offre plus de possibilités que la FM. Il est possible que ce sujet soit réétudié.
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