Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de discuter aujourd’hui de cette proposition de résolution qui permet de mettre en lumière un sujet très grave et pourtant encore tabou.
Comme l’a rappelé Annick Billon, ce texte s’inscrit dans la continuité des travaux de la délégation aux droits des femmes, qui a publié au mois d’octobre dernier un rapport sur les violences faites aux femmes en situation de handicap, dont j’étais corapporteure avec Roland Courteau, Françoise Laborde et Dominique Vérien.
La proposition de résolution vise à insister sur les multiples formes que prennent ces violences, qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques.
Elle tend aussi à souligner, il faut le rappeler, que la vulnérabilité des femmes en situation de handicap est exacerbée par une menace constante. En effet, ces violences peuvent être commises aussi bien au sein de leur domicile, par un conjoint ou par des proches, qu’au sein d’institutions, par des membres du personnel.
Pourtant, rares, voire inexistantes, sont les campagnes de prévention ou les actions de sensibilisation contre ces violences.
Mon intervention portera plus spécifiquement sur le lien qui peut exister entre précarité des femmes en situation de handicap et violences.
En effet, ces femmes sont d’autant plus fragiles et vulnérables qu’elles se trouvent bien souvent dans une situation de dépendance économique : elles ont du mal à poursuivre des études, à trouver un emploi et à évoluer dans leur carrière professionnelle. Elles subissent donc encore plus d’inégalités que l’ensemble de la population féminine.
Notre rapport identifie plus particulièrement trois facteurs aggravant la précarité et la dépendance économique des femmes handicapées.
Premier facteur aggravant : les femmes handicapées se heurtent à des obstacles dans le suivi de leur scolarité et de leurs études supérieures, victimes de préjugés à la fois sur leur sexe et sur leur handicap. L’association Droit Pluriel a plus particulièrement alerté la délégation aux droits de femmes sur le taux très élevé de personnes sourdes ne sachant ni lire ni écrire. On ne saurait se satisfaire de cette situation. Il faut impérativement prendre des mesures pour y remédier. L’une de nos recommandations appelle donc à améliorer l’accès aux études des jeunes filles en situation de handicap, car cela constitue un enjeu important de leur autonomisation. Dans cette logique, nous visons aussi les études supérieures.
Deuxième facteur aggravant : la « surdiscrimination » au travail des femmes en situation de handicap ne doit pas être sous-estimée, car elle a des conséquences sur la capacité de ces femmes à échapper à leurs éventuels agresseurs.
Un remarquable rapport du Défenseur des droits, publié en novembre 2016, analyse en détail les multiples discriminations dans l’emploi dont sont victimes les femmes en situation de handicap. Le constat est édifiant.
Le onzième baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, publié en 2018 par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail, montre par exemple que 34 % de la population active âgée de 18 ans à 65 ans déclare avoir été confrontée à des discriminations durant les cinq dernières années, contre une proportion de 54 % pour les femmes en situation de handicap, soit plus d’une femme sur deux.
Les préjugés freinent ainsi l’insertion professionnelle des femmes handicapées, victimes d’une double exclusion, parce qu’elles sont femmes et parce qu’elles sont handicapées. À cet égard, il faut savoir que, dans un cadre professionnel, un homme handicapé sera considéré comme plus apte à surmonter son handicap qu’une femme handicapée.
Dans un premier temps, ces femmes sont soumises à une ségrégation horizontale puisqu’elles sont, davantage que les autres femmes, susceptibles d’occuper des emplois de niveau inférieur ou des temps partiels, généralement peu rémunérés, qui les maintiennent dans une situation de précarité.
Dans un second temps, elles subissent davantage les effets du « plafond de verre », puisque 1 % seulement des femmes handicapées en emploi sont cadres, contre 10 % de leurs homologues masculins.
L’une de nos recommandations vise donc à prévoir que le critère de l’égalité femmes-hommes soit mieux pris en compte dans les politiques visant à favoriser l’emploi et la formation des personnes en situation de handicap.
Suivant les préconisations du Défenseur des droits sur le sujet, nous recommandons aussi la mise en place de mesures concrètes pour rendre effectifs les aménagements de poste dans l’emploi et pour développer l’accessibilité des établissements de formation, des entreprises et des administrations au bénéfice des personnes en situation de handicap.
Troisième facteur aggravant : lorsque la seule source de revenus des femmes en situation de handicap est l’allocation aux adultes handicapés, elles demeurent dans une situation de précarité et de dépendance intolérables. En effet, en tant que revenu de solidarité, l’AAH est soumise à des conditions de ressources et intègre les revenus du conjoint dans le barème de versement.
Convaincus que l’autonomie économique des femmes handicapées est un prérequis pour leur permettre d’échapper à des situations de violence, nous appelons donc à une réflexion sur l’allocation aux adultes handicapés qui prenne en compte l’importance de celle-ci, dans le contexte de violences au sein du couple, pour l’autonomie de la victime par rapport à un conjoint violent.
Pour conclure, je dirai que le renforcement de l’autonomie professionnelle est l’un des facteurs clés pour prévenir et lutter contre les violences faites aux femmes en situation de handicap.