Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 8 janvier 2020 à 15h00
Violences faites aux femmes en situation de handicap — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chère Annick Billon, mes chers collègues, 80 % des femmes handicapées subissent des violences. Elles sont négligées, humiliées, insultées, frappées, violées, parfois tuées. Nous ne pouvons plus tolérer l’intolérable. Les gouvernements successifs se sont penchés sur ce sujet ô combien tragique, mais hélas, jusqu’à aujourd’hui, ces violences persistent.

Cette proposition de résolution en date du 25 novembre 2019 vient s’inscrire dans la continuité des travaux engagés au cours de la session 2017-2018 par notre délégation aux droits des femmes sur les violences faites aux femmes, et du rapport déposé le 3 octobre dernier par mes collègues Chantal Deseyne, Dominique Vérien, Françoise Laborde et Roland Courteau, dont je salue l’excellente initiative.

Il y a un sujet sur lequel nous ne pouvons pas transiger tant il est important. Un sujet qui, cependant, reste étrangement silencieux lorsqu’il s’agit des femmes en situation de handicap, qui comptent pourtant parmi les premières victimes d’abus, compte tenu de leur vulnérabilité. Ce sujet, vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est le consentement, qui est « l’angle mort » de la politique publique d’accompagnement du handicap. Pourtant, il n’est pas possible de le considérer comme « acquis par défaut », qu’il s’agisse de sexualité ou de tout autre domaine de la vie.

Je souhaite donc rappeler dans un premier temps qu’il est nécessaire de mieux relier les indicateurs de « violence » et de « handicap » dans la prise en charge institutionnelle et légale des victimes, afin d’obtenir des bases statistiques qualifiant et quantifiant mieux les faits.

Selon une étude menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 31 % des femmes en situation de handicap sont ou ont été victimes de violences physiques ou sexuelles. Par ailleurs, 3, 9 % des femmes handicapées sont victimes de violence dans le couple, contre 1, 87 % des femmes en moyenne. Les filles et les femmes en situation de handicap ont jusqu’à dix fois plus de risques d’être maltraitées que les femmes valides.

En France, cependant, aucune étude nationale spécifique n’a été menée récemment pour mesurer ces violences. Maudy Piot, présidente de l’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir estimait que quatre femmes handicapées sur cinq sont victimes de violences, notamment au-dessous de 25 ans. Les agresseurs sont les conjoints à 40 %, les ex-conjoints à 10 %, les enfants à 14 %, les parents à 9 % et les aidants extérieurs à 18 % selon les statistiques du 114, numéro d’urgence dédié aux personnes sourdes ou malentendantes. Ces femmes sont également victimes d’agressions sexuelles dans les institutions spécialisées qui les accueillent, comme les instituts médico-éducatifs (IME) ou les établissements et services d’aide par le travail (ÉSAT). Les dispositifs d’urgence existants doivent être renforcés pour repérer les victimes plus efficacement.

Cependant, ces abus de faiblesse ont lieu à 60 % au domicile, rendant le problème invisible. Beaucoup de femmes n’appellent pas ces numéros d’urgence, et n’entrent pas non plus en contact avec les nombreuses associations qui assurent un travail remarquable de terrain au quotidien, auxquelles je rends hommage aujourd’hui. Il convient de diversifier les systèmes de signalement et de contrôle afin que cette réalité soit prise en compte.

En dépit des conseils et de l’écoute des associations et institutions, les violences perdurent souvent. Il faut alors porter plainte. Mais la démarche est difficile, surtout lorsque des dépendances existent. Ces dépendances peuvent être financières, à travers la gestion de l’AAH par un proche maltraitant, mais également matérielles, au travers du logement ou de la nourriture, ou encore affectives, avec la pression morale exercée par le proche maltraitant. La peur des représailles est également très présente.

Dans un second temps, il faut donc évoquer la sécurisation d’un véritable parcours de plainte autonome et accessible pour toutes les femmes victimes de violence qui ont peur de se lancer dans une démarche judiciaire, pourtant essentielle.

Une fois ce cap franchi, le parcours de la combattante ne s’arrête pas ; il faut encore se déplacer et oser entrer dans le commissariat ou la gendarmerie. Or tous ces lieux ne sont pas encore entièrement accessibles. Il y a aussi la honte, face à des personnels parfois insuffisamment sensibilisés et formés pour recevoir ces plaintes. Trouver des solutions adaptées permettant de fluidifier la procédure est une priorité pour ces femmes. Il faut que l’ensemble des personnels d’accompagnement, les forces de l’ordre et plus largement les citoyens prennent conscience de la réalité des violences exercées à leur encontre. Cela implique de la pédagogie, de la formation, comme le rappelle le texte de notre proposition de résolution.

Je conclurai en disant que mon vote est bien entendu favorable à cette proposition de résolution que j’ai cosignée, mais également, mes chers collègues, que nous sommes tous les porte-parole de ces femmes en situation de handicap victimes de violence. Il faut absolument que la peur change de camp !

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