Madame la présidente, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer votre initiative, transpartisane et consensuelle, sur un sujet longtemps tabou mais qui devient prégnant dans notre société, et c’est tant mieux.
Vous l’avez très justement rappelé, être femme et en situation de handicap expose plus que tout à des situations de violences conjugales et sexuelles. Être femme et être en situation de handicap représentent souvent des motifs de discrimination, dont le cumul est plus qu’inacceptable.
Vous l’aurez noté, c’est la première fois qu’un gouvernement compte deux secrétariats d’État, l’un au handicap, l’autre à l’égalité femmes-hommes, directement rattachés au Premier ministre. Ainsi, ce sujet, loin d’être un angle mort, bénéficie au contraire pleinement de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de mettre ces sujets au cœur de l’action gouvernementale et de nos politiques publiques.
Vous l’avez souligné, d’après un rapport de l’ONU, sur cinq femmes en situation de handicap, quatre seraient victimes de violences. De même, une étude, en date de mars 2016, de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que les femmes qui courent le plus de risques d’être victimes de violences conjugales sont les jeunes femmes en situation de handicap de moins de 25 ans, qui se trouvent, souvent, chez elles.
L’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir, dont je veux saluer l’engagement de l’ancienne présidente, Maudy Piot, qui nous a quittés, m’a fait part, au cours de mes visites, du nombre croissant d’appels qu’elle reçoit depuis l’ouverture, en 2015, de son numéro d’appel. Parmi les appelants, 86 % sont des victimes ; les autres font généralement partie de l’entourage d’une victime. Par ailleurs, 38 % des appelantes ont entre 45 et 65 ans ; 16 % de ces femmes ont entre 26 et 45 ans. En revanche, les moins de 25 ans, pourtant largement victimes – ce sont les plus exposées –, n’appellent pas ou le font très peu.
Les femmes touchées par des handicaps psychiques représentent plus d’un tiers des appelantes ; elles sont, pour la moitié d’entre elles, sans emploi. Les femmes ayant une difficulté liée à une déficience intellectuelle n’appellent pas.
Une autre enquête corroborant l’urgence à agir est celle qui a été menée par l’Association francophone des femmes autistes. Alors que, en France, 14, 5 % des femmes ayant entre 20 et 69 ans ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie, ce chiffre passe à 90 % pour celles qui sont atteintes de troubles du spectre de l’autisme. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes…
Les paroles des femmes sont également éloquentes. Ainsi de ce témoignage d’une femme de 47 ans, atteinte d’une déficience physique à l’âge de 22 ans : quand j’ai réussi à tomber enceinte – c’était un projet du couple depuis plusieurs années –, mon conjoint m’a intimé d’avorter, de peur que je « ponde un handicapé » – sic –, puis m’a infligé, entre autres histoires sordides, des maltraitances physiques et psychologiques qui ont entraîné ma fuite quand mon fils a eu cinq ans.
Autre témoignage : violence de mon mari, qui me traitait de « fainéante » et de « handicapée égocentrique » devant les enfants, quand j’étais fatiguée. Il n’a jamais accepté la maladie ; il a supprimé mon accès aux comptes, à mon compte mail et a repris les clés de la maison quand j’étais en rééducation.
D’autres témoignages, aussi édifiants que ceux-là, parlent d’eux-mêmes, et vous les avez tous entendus lors de vos auditions.
Pourtant, longtemps, la société ne s’est pas sentie concernée et est souvent restée indifférente.